Un bout-rimé est un poème, généralement, un sonnet, composé à partir d’un appariement de rimes données d’avance, les « bouts-rimés »[1].
Historique
On attribue l’invention des bouts-rimés à Dulot, un poète mineur au sujet duquel on ne sait guère autre chose et qui n’a pas su sortir du lot. Les Menagiana rapportent qu’un jour de , Dulot se plaignit de ce qu’on lui avait volé un certain nombre de papiers de valeur et, en particulier, trois cents sonnets. Comme on se surprenait de ce qu’il en ait écrit autant, Dulot expliqua qu’il s’agissait de sonnets « en blanc », c’est-à-dire qu’il n’avait fait qu’écrire les seuls mots qui riment et rien d’autre. Tout le monde trouva l’idée amusante et tourna ce que Dulot avait fait sérieusement en divertissement.
Les bouts-rimés connurent une telle vogue dans les salons aristocratiques du XVIIe siècle qu’ils eurent même droit, en , à leur satire par Sarrasin, sous le titre de Dulot vaincu ou la défaite des bouts-rimés. Le succès considérable de cette satire n’empêcha nullement la composition des bouts-rimés de se poursuivre durant tout le XVIIe siècle et une grande partie du XVIIIe siècle. Le terme fait son apparition dans la 4e édition du Dictionnaire de l'Académie française ().
Cette mode connut un regain de succès au début du XIXe siècle. Alexandre Dumas lui-même s’y intéressa en en invitant tous les poètes français à démontrer leurs talents poétiques en composant sur des rimes choisies pour la circonstance par le poète Joseph Méry. Dumas rassembla ensuite les réponses de pas moins de 350 auteurs dans un volume publié en .
Bouts-rimés commandés sur le bel-air
Ce sonnet fut composé par Molière avec les bouts-rimés que lui avait fourni le prince de Condé.
Que vous m'embarrassez avec votregrenouille
Qui traîne à ses talons le doux mot d’hypocras !
Je hais des bouts-rimés le puérilfatras
Et tiens qu'il vaudrait mieux filer unequenouille.
La gloire du bel air n'a rien qui mechatouille ;
Vous m'assommez l'esprit avec un grosplâtras ;
Et je tiens heureux ceux qui sont morts àCoutras,
Voyant tout le papier qu'en sonnets onbarbouille.
M'accable derechef la haine ducagot,
Plus méchant mille fois que n'est un vieuxmagot,
Plutôt qu'un bout-rimé me fasse entrer endanse !
Je vous le chante clair, comme unchardonneret ;
Au bout de l'univers je fuis dans unemanse.
Adieu, grand Prince, adieu ; tenez-vousguilleret.
Les bouts-rimés au cinéma
Dans le film Ridicule, de Patrice Leconte, dont l'intrigue se déroule à la cour du roi de France au XVIIIe siècle, une scène présente l’exercice des bouts-rimés comme l’enjeu d’une guerre pour le bel esprit que se livrent plusieurs courtisans.
Notes
↑Nicolas de La Touche, L’Art de bien parler françois : qui comprend tout ce qui regarde la grammaire, & les façons de parler douteuses, t. 2, Amsterdam, Wetstein & Smith, , 5e éd., 631 p. (lire en ligne), p. 78.
Pierre Jacquin, Bouts rimés : Aux chers enfants de la colonie de Bologne ; Souvenir d'un voyage à Paris (4-15 octobre 1880, Paris, Vve Miot-Dadant, , 16 p., in-8° (lire en ligne).
Liens externes
Jouer aux bouts-rimés : publier des poèmes aux rimes imposées & proposer des bouts-rimés