Boule de Suif est une nouvelle de Guy de Maupassant, écrite dans le courant de l'année 1879, rendue publique en 1880, d'abord par une lecture faite en janvier par l'auteur devant ses amis du « groupe de Médan », puis par la publication au sein d'un recueil collectif de nouvelles titré Les Soirées de Médan, le .
Thème de la nouvelle
« Boule de Suif […] est un chef-d'œuvre »[1], écrit Gustave Flaubert. Même si ce n'est pas la première nouvelle de Guy de Maupassant, c'est le récit qui l'a imposé comme un maître. D’abord parue dans le recueil collectif des Soirées de Médan, l'histoire, inspirée d'un fait divers, se déroule pendant la guerre de 1870 : dix personnes fuyant Rouen envahie par les Prussiens ont pris place dans une diligence. Parmi elles, Élisabeth Rousset, prostituée surnommée jadis « Boule de Suif » à cause de son embonpoint, se donnera à un officier prussien pour sauver les autres voyageurs qui pourtant la méprisent. L'espace clos de la diligence fait ressortir les faiblesses de ces personnages de différents milieux sociaux (nobles, bourgeois, commerçants, religieux, populaire) confrontés au malheur des vaincus : fausseté et bassesse se révèlent alors. Les thèmes évoqués dans ce cadre de la guerre sont l'obsession alimentaire, le sentiment de la liberté perdue, la crainte de l'occupant et surtout l'hypocrisie de la société.
Résumé
Pendant l'hiver, 1870-1871, durant la guerre franco-prussienne, la ville de Rouen (Normandie) est envahie par les Prussiens. Pour fuir l'occupation, dix personnes prennent la diligence de Dieppe : un couple de commerçants[2], un couple de bourgeois, un couple de nobles[3], deux religieuses[4], un démocrate[5] et enfin, une prostituée, la patriotique Élisabeth Rousset, surnommée « Boule de Suif »[6].
Le voyage s'annonce plus long que prévu[7]. Les voyageurs ont faim[8] et seule Boule de Suif a pensé à emporter des provisions[9], qu'elle partage généreusement[10]. Les voyageurs font un arrêt la nuit dans une auberge à Tôtes (sur le modèle de l'auberge du cygne), occupée par les Prussiens. Le lendemain, ils ne peuvent plus partir, l'officier prussien exerçant un chantage : Boule de Suif doit coucher avec lui s'ils veulent repartir, mais celle-ci refuse[11]. Au début, tous sont choqués par le comportement du Prussien[12], mais, les jours passant et l'ennui s'installant, ils font pression sur Boule de Suif[13] qui finit par accepter[14].
Le lendemain, les voyageurs obtiennent donc de pouvoir repartir. Tout le monde évite Boule de Suif[15]. Lors du déjeuner, tous, à l'exception de Boule de Suif, ont pu faire le plein de provisions, mais aucun d'eux ne donnera ne serait-ce qu'un petit morceau de pain à la jeune femme[16]. L'histoire se termine sur Boule de Suif en larmes, éperdue et désespérée.
Boule de Suif sort ses provisions dans la diligence.
Boule de Suif refuse d'avoir des rapports sexuels avec Cornudet dans l'auberge occupée par les Prussiens.
Follenvie, Carré-Lamadon et Loiseau demandent vainement à l'officier prussien de les laisser reprendre leur route.
Analyse
La nouvelle — en particulier sa dernière scène — permet à Maupassant de dénoncer l'hypocrisie bourgeoise, sachant qu'au final on pourrait dire que Boule de Suif a sacrifié son corps afin que les personnes qui l'accompagnent puissent continuer leur voyage. L'œuvre représente la bourgeoisie comme étant ainsi constituée en grande partie de personnages vicieux et sournois qui, une fois leurs objectifs atteints, sont prêts à se débarrasser de ceux qui les ont aidés à les atteindre. L'idée est accentuée par le fait qu'au début de l'histoire, les voyageurs affamés qui accompagnent Boule de Suif ne se sont intéressés à elle qu'en raison de son panier qui contenait de la nourriture. L'auteur offre ainsi une véritable dénonciation des préjugés sociaux de cette époque, qui amènent souvent à des schismes entre les différentes classes sociales et il nous appelle à ne pas être comme les autres voyageurs ayant accompagné Boule de Suif : cela en jugeant ceux autour de nous non pas pour ce qu'ils sont (et donc non pour leur métier) mais pour leurs actions. Par ailleurs, cette fin représente Boule de Suif comme une martyre, mais aussi comme un personnage plus saint que tous ceux qui l'accompagnent, malgré le fait qu'elle soit une prostituée[17],[18].
Recueils de nouvelles
Boule de Suif a ultérieurement donné son nom à plusieurs recueils de nouvelles, parus après la mort de Maupassant, et à ce titre, non reconnus comme des œuvres de l'auteur :
d’abord en 1897 (la liste des nouvelles restant à préciser), dans un in-8° de VII+110 pages, orné de compositions de François Thévenot, avec des gravures sur bois de A. Romagnol, dans la « Collection des Dix », chez A. Magnier éditeur, Paris ;
puis, à partir de 1899, avec un nouveau recueil de ce titre chez P. Ollendorff éditeur, Paris, réunissant, outre Boule de Suif, 20 nouvelles, publiées le , dans le volume collectif Les Soirées de Médan :
une nouvelle édition du recueil de 1897 fut publiée en 1902 chez le même éditeur (Ollendorff), agrémentée d’illustrations de Jeanniot et de gravures sur bois de Georges Lemoine, dans un in-12 de 336 pages.
Divers recueils ont paru dans les décennies suivantes, dans des compositions parfois différentes, agrémentés ou non de nouvelles illustrations.
Adaptation théâtrale
Boule de Suif a été adaptée, au théâtre, par Oscar Méténier (1859-1913), dans une comédie en 3 actes et 4 tableaux, dont la première représentation eut lieu le au théâtre Antoine, dirigé par André Antoine (1858-1943), par ailleurs metteur en scène de la pièce. Les décors étaient signés Menessier. On notait dans la distribution : Camille Dumény dans le rôle de Bréville, Matrat dans celui de Loiseau, Luce Colas dans celui de Boule de Suif et Ellen Andrée dans celui de madame Loiseau.
Le texte de la pièce a été publié, en 1903, chez P. Ollendorff, dans un volume de [6]-87 pages.
Boule de Suif a aussi été adaptée à la télévision, en 1989, dans un téléfilm musical soviétique titré Руанская дева по прозвищу Пышка (Rouanskaya dieva pa prozvichchou Pychka), réalisé par Yevgeni Ginzburg et Rauf Mamedov, sur un scénario de Kim Ryzhov, avec notamment Natalia Lapina dans le rôle de Pyshka (Boule de Suif). Note : IMDb rapporte également, au sujet de cette œuvre, un titre anglophone (A Girl from Rouen Nicknamed Doughnut) et un titre francophone (Boule de Suif).
Boule de Suif a été adaptée à la télévision dans la série nommée Chez Maupassant (saison 3, épisode 1) qui a été réalisée par Philippe Bérenger. Le rôle d'Élisabeth Rousset dite « Boule de Suif » est tenu par Marilou Berry.
↑Le petit lecteur, « analyse de Boule de Suif de Maupassant », lepetitlecteur.fr (lire en ligne).
↑Rafadam, « analyse de Boule de Suif de Maupassant », education.toutcomment.com (lire en ligne).
↑Ne pas confondre cette nouvelle avec une autre nouvelle de Guy de Maupassant, qui porte exactement le même titre, mais dont l’histoire est totalement différente, et qui fut publiée d’abord dans les colonnes de Gil Blas, le , puis reprise ultérieurement dans le recueil de nouvelles Le Rosier de madame Husson.
Voir aussi
Bibliographie
(en) E. P. Abamine, « German-French Sexual Encounters of the Franco-Prussian War Period in the Fiction of Guy de Maupassant », CLA Journal, College Language Association, vol. 32, no 3, , p. 323-334 (ISSN0007-8549, e-ISSN2766-0265, JSTOR44322032).
Kazuhiko Adachi, « Boule de Suif : l'existence problématique de la prostituée », Gallia : bulletin de la Société de Langue et Littérature Françaises, de l'Université d'Osaka, no 44, , p. 1‑8 (ISSN0387-4486, lire en ligne).
(en) Mary Donaldson-Evans, « The Decline and Fall of Elisabeth Rousset : Text and Context in Maupassant's « Boule de suif » », Australian Journal of French Studies, Liverpool, Liverpool University Press, vol. 18, no 1, , p. 16-34 (ISSN0004-9468, e-ISSN2046-2913).
Tadeusz Kowzan, « Fortune théâtrale de Boule de Suif », dans Flaubert et Maupassant : écrivains normands, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Publications de l'Université de Rouen » (no 70), , 282 p. (ISBN2-13-037131-0, lire en ligne), p. 143-152.
Mathilde Labbé, « Ce que le cinéma fait à « Boule de suif » », Fabula-LhT, no 2 « Ce que le cinéma fait à la littérature (et réciproquement) », (e-ISSN2100-0689, DOI10.58282/lht.768, lire en ligne).
Yannick Marec, « Autour de Boule de suif : le contexte politique, économique et social rouennais durant la guerre de 1870 », Cahiers Flaubert Maupassant, Rouen, Amis de Flaubert et de Maupassant, no 32, , p. 299-314 (ISSN2552-9196, lire en ligne).
Abdullah Öztürk, « Étude des personnages dans « Boule de suif » de Guy de Maupassant », Selçuk Üniversitesi sosyal bilimler enstitüsü dergisi, vol. 9, no 9, , p. 233-254 (ISSN2667-4750, lire en ligne).
Jean-Marie Privat, « « Une chose mal propre et inutile » : approche ethnocritique de Boule de Suif », dans Dominique Robert Laporte (dir.), L'Autre en mémoire, Sainte-Foy (Québec), Presses de l'Université Laval, , XII-330 p. (ISBN2-7637-8323-6), p. 111‑124.