Agrostis stolonifera, l'agrostide stolonifère, est une espèce de plantesmonocotylédones de la famille des Poaceae (graminées). C'est une plante herbacée qui pousse surtout dans l'hémisphère nord, en zone tempérée, mais qui a été diffusée dans le monde entier (via les plantations de greens de golfs notamment[1]).
L'hybridation avec d'autres espèces proches est possible.
Dénomination
Le nom générique « Agrostis » est un mot emprunté au grec ancien, « ἄγρωστις » (agrostis), qui désignait dans l'Antiquité une plante fourragère non déterminée[2], ou au latin agrostis (même signification)[3]. L'épithète spécifiquestolonifera signifie littéralement « qui porte un stolon ».
Cette espèce porte de nombreux noms vernaculaires : agrostide blanche, agrostide rampante, agrostide stolonifère, agrostis stolonifère, fiorin, trainasse[4].
Description
Agrostis stolonifera est une plante herbacéevivace, cespiteuse, stolonifère, poussant en formant de véritables tapis végétaux.
Les tiges (chaumes), dressées ou prostrées, géniculées, peuvent s'enraciner au niveau des nœuds inférieurs.
Les feuilles ont une ligule non ciliée, au sommet arrondi, d'environ 5 à 6 mm de long. Ce caractère différencie cette espèce d'Agrostis capillaris qui a une ligule courte.
Le limbe foliaire, à la surface légèrement cannelée, à l'apex acuminé, peut atteindre 10 cm de long sur 5 mm de large[5].
L'inflorescence est une panicule d'épillets, plus ou moins dense ou lâche, d'environ 13 cm de long sur 2,5 cm de large.
Les épillets, solitaires, portés par de fins pédicelles de 0,5 à 2 mm de long, comptent un seul fleuron fertile.
De forme lancéolée ou oblongue, comprimés latéralement, les épillets mesurent de 2 à 3 mm de long et se désarticulent à maturité à la base des fleurons.
Les glumes, persistantes, d'aspect brillant, ouvertes, sont d'égale longueur, dépassant le sommet des fleurons.
Les fleurons comptent deux lodicules lancéolés, membraneux, trois anthères de 1 à 1,5 mm de long et deux stigmatesexserts latéralement.
La floraison intervient de juin à août (dans l'hémisphère nord)[5].
Agrostis stolonifera est originaire d'Eurasie et d'Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie). Il est possible que l'espèce soit également indigène de certaines régions du nord de Amérique du Nord, et, en tout cas, elle a été largement introduite et naturalisée en Amérique et dans beaucoup d'autres endroits[6].
La plante se rencontre dans une grande diversité d'habitats, y compris dans les forêts, les prairies et pâturages, les zones humides, les zones ripariennes, et comme espèce pionnière dans les sites perturbés[7]. Elle est indifférente au pH, au calcaire et marque une préférence pour les sols argilo-sableux ou argilo-calcaires[8].
C'est un composant des habitats humides telles que les prairies marécageuses. Certaines de ses espèces se sont adaptées aux milieux contaminés et peuvent résister aux métaux lourds. Elle est tolérante au sel et peut pousser sur les dunes. Elle pousse jusqu'à 800 mètres d'altitude[9], on la rencontre jusqu'à 2 000 mètres d'altitude dans les Alpes d'Allgäu (Voralberg)[10].
Selon le botaniste G Ducerf, quand elle est spontanée, cette espèce est une bioindicatrice de sols hydromorphe.
Reproduction
La reproduction est à la fois végétative (assurée par les stolons) et sexuée, la première étant favorisée par une fauche régulière. La fécondation est anémophile: le vent transporte le pollen viable sur plusieurs dizaines de kilomètres (jusqu'à plus de 20 km comme l'a montré une étude ayant utilisé le gène CP4 EPSPS comme marqueur de pollens issus de plantes génétiquement modifiées pour résister au Roundup[1]).
L'autofertilité a aussi été rapportée par la littérature chez des Agrostis[11]. L'espèce est le plus typiquement un allotétraploïde[12],[13] et a cytotypes de plus haute ploïdie[14]. Naturellement la formation d'hybrides F1 interspécifiques est généralement bas dans la fertilité ou stérile ; dans des habitats favorables, quelques hybrides (par exemple, F1 les hybrides d'A. stolonifera et Agrostis capillaris L.) ont été rapportés à de - rivalisent les deux parents[15]. Il y a peu d'exemples clairs d'hybrides F2[16] ou de rétrocroisements d'hybrides F1 avec une espèce parentale[11]. Bien que des hybrides locaux spontanés (ou introduits et naturalisés) puissent être stériles, ils peuvent constituer un composant significatif de certaines communautés floristique en raison de la forte capacité de reproduction végétative de cette espèce par ses stolons [17].
Les graines minuscules (jusqu'à 13 × 106 graines d'Agrostis stolonifera par kilogramme[1]) sont aisément dispersées par le vent[1], l'eau[1] et divers animaux[1], dont par exemple les fourmis.
Importance économique
Cette espèce présente un intérêt commercial, car notamment utilisée :
sur des terrains de golf dans le monde entier, notamment dans le régions au climat froid ou tempéré, en raison de sa croissance latérale qui lui permet de former des pelouses uniformes et denses à des hauteurs de tonte très rases (2,5 à 3 mm, ce qui donne une vitesse de balle régulière sur le green), de cultivars (Penncross, Penneagle…) sélectionnés sur leurs performances (qualités esthétiques, couleur, densité jusqu'à plus de 2 000 pousses au dm2, tolérance aux piétinement, résistance aux stress — chaleur, sécheresse — et aux maladies telles que le flétrissement bactérien des graminées, les moisissures et les fusarioses)[18]. Cette espèce est utilisée seule ou en mélange selon les différents parcours du golf en fonction du climat (zone fraîche de 16° à 24° en période de croissance des graminées, zone chaude de 27° à 35°, et zone tempérée) et de l'entretien. Les principales espèces adaptées aux climats froids sont la fétuque rouge, les agrostides (Agrostis tenuis, Agrostis stolonifera et Agrostis canina), le pâturin annuel et le ray-grass anglais. Celles adaptées aux climats chauds sont le chiendent (Chiendent pied-de-poule, Cynodon transvaalensis(sv)), le Paspalum vaginatum(en), le gazon japonais (Zoysia japonica(en), Zoysia matrella) et le kikuyu[19],[20]
Elle peut être considérée comme une plante fourragère, étant spontanée et fréquente dans les prairies permanentes et autrefois[23] comme plante de prairie cultivée[24]. Sa valeur alimentaire est médiocre[8].
Agrostis vulgaris var. prorepens (W.D.J.Koch) Schur
Agrostis vulgaris var. stolonifera (L.) H.Mallett
Agrostis welwitschii Steud.
Agrostis zerovii Klokov
Apera palustris (Huds.) Gray
Apera procumbens Steud., pro syn.
Decandolia stolonifera (L.) T.Bastard
Milium maritimum (Lam.) Clem. & Rubio
Milium stoloniferum (L.) Lag.
Panicum verticillatum Ucria, nom. illeg.
Sporobolus gaditanus Boiss. & Reut.
Sporobolus gaudichaudii (Steud.) Albov
Sporobolus virginicus var. gaditanus (Boiss. & Reut.) Kerguélen
Vilfa decumbens (Host) P.Beauv.
Vilfa dulcis (Poir.) P.Beauv.
Vilfa gaditana (Boiss. & Reut.) Steud.
Vilfa gaudichaudii Steud.
Vilfa glaucescens C.Presl
Vilfa maritima (Lam.) P.Beauv.
Vilfa patula (Gaudich.) P.Beauv.
Vilfa stolonifera (L.) P.Beauv.
Vilfa stolonifera var. brevis (Knapp) Gray
Vilfa stolonifera var. marina Gray
Vilfa stolonifera var. maritima (Lam.) Gray
Variétés cultivées
Variétés cultivées en Europe
Principalement utilisé pour les greens de golf, près de 50 variétés sont inscrites au Catalogue européen des espèces et variétés et plus de 20 variétés sont inscrites au Catalogue officiel français[31].
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Variétés OGM (génétiquement modifiées) aux États-Unis
C'est pour sa valeur commerciale potentielle que c'est l'une des premières herbacées à avoir été génétiquement modifiée pour résister au glyphosate.
Les sociétés Monsanto et Scotts ont officiellement adressé début 2004 une demande de commercialisation de l'"événement ASR368" de cette graminée transgénique à l'administration américaine.
Dès la demande de commercialisation, l'Union des scientifiques concernés (UCS) a aussitôt mis en garde sur les risques de diffusion du transgène à d'autres variétés - parmi lesquelles des plantes considérées comme mauvaises herbes par les agriculteurs, vignerons ou cultivateurs.
Dès l'annonce de la demande faite par les industriels, l'ONG UCS (Union of Concerned Scientists) a demandé au département américain de l'agriculture de surseoir à toute autorisation.
Quelques mois plus tard (), l'EPA reconnaissait avec la diffusion d'une étude sur la diffusion du pollen d'Agrostis que ces craintes étaient fondés ; l'étude confirmant une large diffusion du pollen de la variété transgénique d' A. stolonifera qui s'est en situation réelle montré capable de féconder des plantes situées jusqu'à 21 km (sous le vent dominant des parcelles "sources"), produisant alors des hybrides viables et résistants au glyphosate[1]. Cette étude est la première à démontrer l'existence d'une Pollution génétique à grande distance. Elle a été menée conjointement par l'EPA (National Health and Environmental Effects Research Laboratory), l'U.S. Geological Survey et la Dynamac Corporation[1]. Les auteurs de cette étude suggèrent que d'autres travaux soient faits pour préciser le risque et degré d'introgression de ces transgènes dans les populations naturelles[1].
Dans ce cas la contamination a été jugée préoccupante :
75 des 138 plantes sentinelles et 29 de 69 plantes résidentes suivies par les scientifiques ont été fécondés par du pollen transgénique[1].
L'essentiel du flux de pollen "marqué par le transgène" fécondait des plantes situées à deux kilomètres sous le vent dominant, mais aussi bien que moindrement jusqu'à 21 km et 14 km respectivement pour les plantes sentinelles (plantes placées dans des parcelles volontairement éloignées de champs d'Agrostis, pour minimiser les pollinisations avec des plantes conventionnelles, à la différence des plantes résidentes, qui étaient des plantes-témoin naturellement situées dans leur environnement habituel) suivies par les chercheurs[1] ;
Dans ce cas, la surface "contaminée" par les pollens transgéniques issus des parcelles expérimentales était de 310 km2 ;
Un autre fait préoccupant[32] a été la fécondation croisée et fortuite observée lors de cette expérience avec quelques Agrostis gigantea (espèce-cousine de A. stolonifera, alors qu'aucun croisement n'a été observé avec Polypogon monspeliensis, espèce proche, mais d'un genre différent). D'après Carol Mallory-Smith, dans un article publié en 2012 dans Molecular Ecology, une hybridation entre l'agrostide blanche et des Polypogon monspeliensis a été découverte. Une contamination intergénérique est donc possible entre ces deux espèces. Agrostis gigantea est également une espèce considérée comme mauvaise herbe par les agriculteurs, ce qui peut être jugé préoccupant selon Christian Huyghe (chef de l'Unité de recherche prairies et fourragères de l'Institut national de recherche agronomique de l'INRA[33]).
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↑« (...)"La surprise vient des taux de contamination de cette espèce voisine, qui pousse sur les bords des champs cultivés et est considérée comme une mauvaise herbe" (...)Si A. gigantea a été contaminée, il en ira de même d'autres espèces d'Agrostis, indésirables pour certaines. "On assiste clairement à une fuite du transgène dans pas mal de compartiments de la biodiversité locale" » Christian Huyghe (chef de l'Unité de recherche prairies et fourragères de l'Institut national de recherche agronomique de l'INRA, cité dans un article de Hervé Morin, publié dans Le Monde, intitulé Le pollen volant des greens OGM 21.09.04 ; article paru dans l'édition du 22.09.2004