Élevé pour la vie publique, il fit ses études de droit à Paris à la fin de la Restauration et fut sous la monarchie de Juillet, chef de cabinet de son père, ministre de l'agriculture, puis de l'intérieur. Nommé maître des requêtes au Conseil d'État, il s'occupa des causes auxquelles il devait consacrer sa vie. Dans un livre intitulé Esclavage et traite[1], il se prononça en faveur des mesures les plus favorables aux Noirs et attaqua l'esclavage dans son principe. Élu en 1842 membre de la chambre des députés, comme représentant de Bastia, il plaide pour l'émancipation des Noirs et pour la liberté religieuse, et travailla à la réforme parlementaire. Il suscite de vives oppositions mais acquiert aussi l'estime de ses collègues des divers côtés de la Chambre. Mais son indépendance et ses convictions protestantes lui coûtèrent son siège. Sa candidature à Bastia échoua en 1846.
Il quitte les affaires publiques pour voyager en Orient. Catherine Valérie Boissier, épouse de Gasparin, a raconté ce voyage au Levant. Ce fut en arrivant à Jérusalem qu'il apprit la Révolution française de 1848 et la chute du roi Louis-Philippe. Il écrit une véhémente protestation contre les propositions qui lui étaient faites de coopérer à la nouvelle constitution de la France. Il revient en Europe pour s'occuper des intérêts de l'Église réformée de France. Déjà en 1843, il avait écrit un livre sur les intérêts généraux du protestantisme français. En 1846, à l'occasion de la crise ecclésiastique du canton de Vaud, il avait publié deux volumes intitulés Christianisme et Paganisme, dans lesquels il revendiquait pour l'Église, son indépendance.
Plus tard, il quitte la France pour s'établir en Suisse, où il passe les vingt-trois dernières années de sa vie, soit à Valleyres (VD), soit dans la maison de maître « Le Rivage » à Pregny (GE). Lors de ces années, il suivit d'un regard attentif les luttes de l'Église et des peuples, et y participait par des articles de journaux ou des écrits de circonstance pour la liberté.
Il meurt le 14 mai 1871, dans sa maison de maître « Le Rivage », à Pregny (GE) et ses derniers mots furent « Ich grolle nicht ! »(Je ne murmure pas !)[3].
Œuvre
Outre les livres déjà cités, il publia les Écoles du doute et l'École de la foi où il soutint avec des arguments faibles la pleine inspiration des Écritures ; puis des ouvrages sur les États-Unis, Un grand peuple qui se relève (1861), L'Amérique devant l'Europe (1862) où il fustige l'esclavage ; des brochures sur la Question de Neuchâtel (1857) où il prit, contre la Prusse, la défense de la Suisse.
Vainement il chercha à obtenir la neutralisation de l'Alsace (La République neutre d'Alsace, Genève, 1870). Il réussit à faire discuter son projet par les cabinets européens, mais non à le faire adopter. Après la guerre, il écrivit comme testament politique, son livre posthume La France, nos fautes, nos périls, notre avenir.
Il donna aussi à Genève, dans le cadre de l'Union chrétienne des jeunes gens, des conférences sur des sujets de religion, d'histoire, de science sociale ; histoire des premiers siècles de l'Église, du Moyen Âge, de la réformation ; sur l'égalité, sur la liberté morale, sur les perspectives du temps présent, sur le bon vieux temps, etc.
Vers les derniers jours de sa vie, à propos des attaques dirigées contre le christianisme par le parti libéral, il prit position sur la séparation de l'Église et de l'État. Ces conférences de M. de Gasparin ont été son triomphe comme orateur. Comme l'écrit L. Ruffet, « il faut avoir entendu l'orateur pour comprendre tout ce qu'il savait exciter chez ses auditeurs de pensées généreuses, de saints désirs, de douloureux renoncements. On avait passé avec lui une heure sur les hauteurs, on y avait respiré un air vivifiant et pur, et l'on redescendait à la peine plus résolu à combattre le bon combat. »
Les désastres de la guerre, la venue de l'armée de Bourbaki rejetée sur le territoire suisse, ébranlèrent la santé du Comte déjà fort affaiblie. Durant la guerre franco-allemande de 1870, il fut témoin de la retraite de l'armée de l'Est et reçut chez lui de nombreux internés, la plupart malades. Il aida son épouse dans les soins qu'elle leur donna. Il mourut quelques semaines plus tard le .
↑Sébastien Fath, Une autre manière d'être chrétien en France: socio-histoire de l'implantation baptiste, 1810-1950, Éditions Labor et Fides, Genève, 2001, page 52.
↑Guillaume Fatio & Raymond Perrot, Pregny-Chambésy, commune genevoise, Pregny-chambésy, Commune de Pregny-Chambésy, 1947/1978, 360 p., p. 283
Casimir-François-Henri Barjavel, Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département du Vaucluse, imprimerie L. Devillario, Carpentras, 1841, tome 2, G-Z, p. 7 (lire en ligne)
A. Naville, Le comte Agénor de Gasparin, Genève, 1871
Th. Borel, Le comte Agénor de Gasparin, Paris, 1879