Adrien Louis de Bonnières appartient à la famille de Bonnières, qui assure des charges notables depuis le XIVe siècle, au service des rois de France ou des ducs de Bourgogne[3],[4]. Il est le fils de Guy Louis de Bonnières, comte de Guines, comte de Souastre, lieutenant du Roi de la province d'Artois, député de la noblesse aux Etats d'Artois, et de Adrienne Isabelle Louise de Melun.
Courtisan accompli, il chante et joue fort bien de la flûte. Pour lui et pour sa fille, harpiste, Mozart composera, en 1778, le concerto pour flûte, harpe et orchestre (KV299). Ses aptitudes à la cour lui valent de nombreux succès : « C’était une très vivante gazette animée », selon M. de Genlis, en séjour avec lui chez le prince de Conti en 1766 : « toute sa réputation d’esprit tient à une façon d’espionnage de toutes les petites choses ridicules et de mauvais ton, qu’il conte en peu de mots d’une manière plaisante »[7].
Lors de son ambassade à Londres éclate le scandale ou « affaire de Guînes ». Le , le comte demande au ministre qu'on poursuive son secrétaire, Barthélémy Tort de la Sonde, qu'il accuse d'avoir utilisé son nom pour spéculer sur les fonds publics et escroquer plusieurs banquiers parisiens. Tort est arrêté et, pour se défendre, accuse l'ambassadeur ; il affirme avoir agi pour le compte de celui-ci et sur ses instructions. Le duc d'Aiguillon, nommé Secrétaire d'État des Affaires étrangères le , prend le parti de Tort tandis que Marie-Antoinette soutient Guînes. Ce dernier est finalement disculpé par une commission spéciale de conseillers d'État nommée par le Roi, mais seulement par sept voix contre six. L'affaire devait laisser des traces : elle fut l'une des raisons du renvoi de d'Aiguillon et de la vindicte de Marie-Antoinette à son égard.
Le Roi et la Reine continuent de marquer à Guînes la plus grande faveur. À son retour de Londres, il est fait duc de Guînes (brevet de 1776[1]). Une de ses filles, Marie Louise Philippine, épouse, en 1778, Charles de La Croix de Castries. Lorsque ce dernier est fait duc de Castries à brevet en 1784, il obtient du roi la promesse de réversion du duché de Guînes, promesse qui ne pourra se réaliser puisque le duc de Guînes mourra sous l'Empire. À Paris, le duc de Guînes loue au marquis de Castries, père de son gendre, à partir de 1778, le petit hôtel de Castries, qui se trouvait à l'emplacement de l'actuel no 76 rue de Varenne. En , il loue pour sa vie durant une grande propriété située à Courbevoie — alors modeste village de vignerons — agrémentée d'un vaste parc ombragé de quelque deux hectares. La demeure appartient au sculpteur Jean-Baptiste Boiston (1734-1814), qui l'orne bientôt d'une fastueuse décoration intérieure. Elle existe toujours, bien que son parc ait été loti en 1905-1906, et porte le nom d'hôtel de Guines[8].
En , il est nommé gouverneur de l'Artois. Il se lance alors dans une expérience de société minière mais la convocation des États généraux sollicite son attention. Il est désigné responsable de la convocation des électeurs des députés aux Etats-généraux. Les élections ont lieu à Arras en . En , les assises des délégués élus se tiennent aussi à Arras et il préside l'assemblée de la Noblesse[9]. Celle-ci l'élit député de la Noblesse aux États généraux, mais il refuse cette élection et son suppléant, Louis Joseph Thomas Le Sergeant d'Isbergues, siège finalement à sa place.
Adrien Louis de Bonnières épouse le Caroline Philippine Françoise de Montmorency ( - ), fille de Louis François de Montmorency, vicomte de Roulers, et de Marie Anne Thérèse de Rym de Belhem. Il en a deux filles :
↑Henri de Frémont (1913-2007), Deux siècles à Courbevoie - À l'ombre d'une maison : l'hôtel de Guines, Courbevoie, Mayenne (Imprimerie de la Manutention, n° 205-94), édité par l'auteur, , 222 p. (ISBN2-9500407-5-6), p. 18 et 37.
↑Philippe Sueur, Le Conseil provincial d'Artois (1640-1790), t. 2, Arras, Commission départementale des monuments historiques du Pas de Calais, , 876 p., p. 800-801
↑« Le Clerc, marquis De Juigné, (Charles-Philibert-Gabriel) », dans Jean-Baptiste-Pierre Jullien de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France : des grands dignitaires de la couronne, des principales familles nobles du royaume et des maisons princières de l'Europe, précédée de la généalogie de la maison de France, vol. VI [détail de l’édition] (lire en ligne), p. 177-178
Van der Vrecken de Bormans, « Un ambassadeur homme de Cour sous Louis XV : le duc de Guînes », Revue d’Histoire diplomatique, 1924, p. 39-60.
Christophe Dehaudt, Le duc de Guînes (1735–1806) Un courtisan entre service du roi et affaires au temps des Lumières, Thèse pour l’obtention du grade de docteur de l’Université de Paris IV-Sorbonne sous la direction du Professeur Lucien Bély, Bibliothèque des thèses, 1998. Ouvrage édité par l'ANRT - (ISBN978-2-7295-7288-4)
Christophe Dehaudt, "Autour du mariage de Figaro : Le duc de Guînes et le comte Almaviva", Revue d'Histoire diplomatique, , p. 319-342.
Christophe Dehaudt, "La Société minière du duc de Guînes : un exemple de société par actions dans le Nord de la France à la fin du XVIIIe siècle", Revue du Nord, tome 82, no 337, -, p. 739-761.
Robert Hammond, « Mission du Comte de Guines à Berlin (1769) », Revue Historique, t. 37, 2 (1888), pp. 322–348/
Jean Marcadé, L’ambassade à Londres du comte de Guînes, Université de Paris-Sorbonne, Mémoire de DES, 1955.
Sarah Maza, Vies privées, affaires publiques. Les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, Fayard, 1997, p. 143-153
Paul Vauchez, Recueil des instructions aux ambassadeurs et ministres de France depuis le traité de Westphalie jusqu’à la Révolution française, t. III (Angleterre), Paris, CNRS, 1965, 583 p., p. 459-479
Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2003 – (ISBN978-2-221-04810-8)