Élisabeth Decrey Warner (née le à Lausanne), Élisabeth Reusse-Decrey jusqu’en 2006, est une femme politique suisse et une militante dans le domaine humanitaire, spécialement avec les groupes armés non étatiques. Elle est cofondatrice et présidente de l’organisation humanitaire internationale « Appel de Genève » jusqu’en 2017.
Elle écrit en 2003 un article sur la place et l’absence des femmes en politique[4].
Engagement humanitaire
L’engagement d’Élisabeth Decrey concerne plus particulièrement les groupes armés non étatiques, les réfugiés, la torture et les mines antipersonnel.
Elle accepte en 1995 de reprendre la coordination de la Campagne Suisse contre les mines antipersonnel, au départ pour deux mois[5],[6]. À ce titre, elle fait partie de la délégation suisse à Ottawa lors de la signature de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel en 1997. Ce traité est considéré comme une « victoire historique », car quelques années auparavant il semblait encore utopique : « On ne touchait alors pas aux joujoux des militaires » dit-elle[7].
Elle crée[Quand ?] la Fondation suisse d’aide aux victimes de mines antipersonnel[5].
Élisabeth Decrey est surtout connue pour avoir cofondé en 1998 l’organisation humanitaire internationale « Appel de Genève » (anglaisGeneva Call), dont elle assure la direction générale (avec le titre de « présidente exécutive ») jusqu’à fin 2017[9].
Lors de la signature de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel en 1997, Élisabeth Decrey comprend que la Convention est sans effet pour les groupes armés non étatiques car ils ne peuvent pas adhérer à ce mécanisme international. Elle cherche des solutions auprès du conseiller fédéralFlavio Cotti (la Suisse étant dépositaire des Conventions de Genève) et du directeur du CICR, Cornelio Sommaruga, mais autant la Suisse que le comité de la Croix-Rouge ne peuvent s’engager dans un tel projet. D’où la création d’une association dédiée, qui propose aux groupes armés non étatiques d’adhérer volontairement à une norme humanitaire. « Cela devient leur décision. Ça change tout ! », affirme Élisabeth Decrey[10],[11].
L’Appel de Genève a pour but d’améliorer la protection des civils dans les zones où des acteurs armés non étatiques (ou d’États non reconnus) sont actifs ou contrôlent le territoire.
Personnalité
Le texte de présentation publié en 2005 dans le cadre des « 1 000 femmes pour le Prix Nobel de la paix » pose ces questions : « Pourquoi une femme de 50 ans (…) gravit-elle seule une montagne du Kurdistan irakien pour rencontrer des chefs rebelles ? Que fait l'ancienne présidente du Parlement de Genève dans une prison de haute sécurité en Colombie, où elle mange des sauterelles frites avec le chef emprisonné de l'Armée de libération nationale ? ». Et plus loin : « Ses fortes convictions en matière de sécurité et de handicaps physiques, issues de sa formation de physiothérapeute, lui permettent de négocier avec succès avec des chefs armés, du Soudan du Sud aux Philippines. (Sa vision est celle d’un) monde où les normes humanitaires sont respectées et où les non-combattants innocents peuvent retrouver la liberté dont elle jouissait, enfant, dans les forêts de ses montagnes valaisannes »[6].
Lors de la remise du prix de la paix de Hesse en 2012, Thomas Gebauer(de), directeur de Medico international, témoigne : « j'ai toujours été profondément impressionné par la créativité, le courage, la persévérance et l'endurance dont Mme Warner a fait preuve dans son engagement »[12].
Dans un entretien accordé au Temps à l’occasion du prix de la Fondation pour Genève en 2016, elle est présentée comme « n’aimant pas les projecteurs ». Ces collègues lui feraient don de petites tortues, conservées dans son bureau : « une façon de lui dire gentiment qu’elle va trop vite ». Elle assure que le fait de ne pas être un homme n’a jamais été un inconvénient : « Qu’une femme fasse des heures de marche pour rencontrer un commandant, cela force le respect ». Elle insiste : « Si on ne discute qu’avec les gentils, cela ne va pas changer le monde ». Au début, des représentants de groupes non étatiques sont reçus dans son cabinet de physiothérapeute, elle témoigne : « Un jour, dans la salle d’attente, une petite dame de Plainpalais a demandé à un rebelle soudanais s’il avait mal au dos »[2].
(en) Mathew Pountney (ed.) et Elisabeth Reusse-Decrey (ed.), Geneva Call, Mine Action in the Midst of Internal Conflict : A report on the workshop organised by Geneva Call and the International Campaign to Landmines Non-State Actors Working Group, Zabreg, 27 November 2005, Geneva, Geneva Call, , 54 p. (lire en ligne)
(en) Elisabeth Reusse-Decrey, « The role of nonstate actors in securing and developing human rights », dans Menschenrechte und Wirtschaft, Stämpfli, coll. « Menschenrechte und Wirtschaft im Spannungsfeld zwischen State und Nonstate Actors » (no 233), , 311 p. (ISBN3727228210), p. 233-235
Élisabeth Reusse-Decrey, « Quelques réflexions d’une ancienne Présidente du Parlement de la République et canton de Genève », dans Fenneke Reysoo et Christine Verschuur (dir.), On m'appelle à régner : Mondialisation, pouvoirs et rapports de genre, Graduate Institute Publications (OpenEdition Books 2016), coll. « Genre et développement. Rencontres » (no 8), , 258 p. (ISBN9782882470522, lire en ligne), p. 139-144
Références
↑ a et b(de) Rudolf Burger, « «Verhandelt man nur mit ‹Guten›, wird man die Welt nicht ändern» », Der Bund, , p. 2-3 (lire en ligne, consulté le ). Titre traduit : Si l’on ne négocie qu’avec les «bons», on ne va pas changer le monde.
↑ ab et cSimon Petite, « Élisabeth Decrey Warner, la diplomate des maquis », Le Temps, (lire en ligne, consulté le ).
↑Francine Brunschwig, « Daniel Warner », Tribune de Genève, (lire en ligne).
↑ ab et c(en) 1000 peacewomen across the globe, Zurich, Scalo, coll. « A Kontrast book », (ISBN3-03939-039-2). Texte en ligne : (en) Geneva Call, « Elisabeth Decrey Warner », sur www.1000peacewomen.org, (consulté le ).
↑Serge Garcia, « Mines antipersonnel : Ottawa est une victoire des petits et des victimes sur les puissants », La Liberté, , p. 5 (lire en ligne, consulté le ).
↑Frédéric Thomasset, « La présidente d’une ONG genevoise reçoit la Légion d’honneur », Tribune de Genève, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Appel de Genève : une bonne idée dont personne ne voulait », Le journal, no 108, 8-22 octobre 2015, p. 16 (lire en ligne, consulté le ).
Bibliographie
Isolda Agazzi, « Des combattants, pas des assassins : Fondatrice de l’Appel de Genève, Élisabeth Decrey publie ’Une femme sur les terres de rebelles’, où elle témoigne de son engagement pour amener des groupes armés à respecter le droit humanitaire », Le Courrier, , p. 11 (lire en ligne, consulté le )
Andres Allemand, « «Il faut être prêt à parler avec tous, même Daech!» », Tribune de Genève, (lire en ligne, consulté le )
« Élisabeth Decrey Warner », dans Bénédict de Tscharner, Inter Gentes : hommes d'État, diplomates, penseurs politiques, Pregny-Genève et Gollion, éd. de Penthes et Infolio, , 383 p. (ISBN9782884746656), p. 376-383
Aussi publié en allemand et en anglais.
(de) Verleihung des Hessischen Friedenspreises 2012 an Elisabeth Decrey Warner, Wiesbaden, Hessischen Landtag, coll. « Schriften des Hessischen Landtags » (no 20), , 35 p. (ISBN978-3-923150-51-9, lire en ligne)
Laurence Deonna (ed.) et Bénédict de Tscharner (ed.), « Élisabeth Decrey Warner », dans Femmes suisses dans le monde : du 17e au 21e siècle, Grand-Saconnex et Pregny, Eclectica et éd. de Penthes, , 197 p. (ISBN9782940371211)