Des ajouts successifs en avaient défiguré les dispositions initiales : sur le côté ouest-sud-ouest, une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Pitié, érigée par la famille de Taste ; au nord-nord-est, une chapelle dédiée à Saint-Roch suivie d'une travée en direction sud-sud-ouest puis d'une travée en direction nord-nord-est. La façade avait été pratiquement détruite par la construction en 1740 d'un nouveau clocher. C'était une façade à clocher-pignon encadrée de deux ordres de colonnes. Dans le bas, une porte ébrasée était percée dans l'axe ; au-dessus, une baie en plein cintre reposait sur la corniche ; deux fausses fenêtres l'entouraient décalées vers le haut ; une corniche à modillons supportait le pignon creusé de deux baies abritant les cloches[2].
En 1841, l'église est classée par la commission des Monuments historiques de la Gironde. La Société française d'archéologie en suggère la restauration en 1842. Une notice, citée dans le rapport adressé au Préfet par la commission girondine, est rédigée par Monsieur Itié, instituteur à Sainte-Croix-du-Mont[3]. Léo Drouyn réalise entre 1846 et 1850 dessins et croquis illustrant une description détaillée. En 1846, l'architecte bordelais Grellet aîné recommande la suppression du clocher élevé en 1740 et endommagé par la foudre en 1831. En 1847, Paul Abadie élabore un projet de restauration en accord avec la commission des Monuments historiques de la Gironde. Faute de financements, les projets ne sont pas réalisés et l'église se dégradant, sa démolition et sa reconstruction sont envisagées en 1867 et ordonnées sans consultation de la commission par le cardinal Donnet en 1877. Les travaux qui se poursuivent jusqu'en 1880 sont réalisés par l'architecte bordelais Jean Hosteing[2], également maître d'œuvre de Saint-Saturnin de Capian, Saint-Trélody de Lesparre-Médoc, Saint-Martin de Montagne, Saint-Jean-Baptiste de Monprimblanc et Notre-Dame de Valeyrac[4].
Implantée au XIIe siècle au milieu des premières vignes, l'église rurale est victime de la prospérité de la commune viticole et déconstruite pour laisser place à une église de style néogothique. De l'édifice de style roman, ne reste plus que le portail dont les voussures sont ornées des tireurs de corde que l'on trouve également au portail de trois autres églises de l'Entre-deux-Mers : Notre-Dame-de-Tout-Espoir de Saint-Genès-de-Lombaud, Notre-Dame de Castelviel et Saint-Martin de Haux. Léo Drouyn décrit ainsi la voussure de Sainte-Croix-du-Mont : « La troisième [se compose] d'une suite de personnages qui tirent une corde ; pour avoir plus de force chacun d'eux appuie le pied sur les reins du personnage qui le précède »[2].
Les trente hommes sont répartis en deux groupes de quinze, séparés au centre par un personnage assis tenant une palmette dans chacune de ses mains. Dans la symbolique de l'art roman, la corde représente, non pas le cordage servant au halage des bateaux, activité courante au Moyen Âge au long des rives de fleuves comme la Garonne ou la Dordogne[5], mais la communauté des fidèles assemblés pour contenir les passions de chacun dans un effort commun. Les volutes entre chaque personnage expriment leur spiritualité individuelle naissante. Les palmettes du personnage central symbolisent la promesse de vie éternelle[6].
Des chapiteaux romans de l'église, déposés aux abords de l'abside de la nouvelle église, ont été récupérés par un collectionneur, Jean Mouliérat, et exposés au château de Castelnau-Bretenoux où Léon Pressouyre les a identifiés en 1970 à partir des photographies prises à Sainte-Croix-du-Mont par Jean-Auguste Brutails en 1896. La collection Mouliérat recèle au moins vingt fragments sculptés de Sainte-Croix-du-Mont dont dix-sept peuvent être précisément localisés dans l'édifice disparu. L'inventaire en a été dressé lors de la donation du château par Jean Mouliérat à l'État peu avant sa mort en . Ils constituent la quasi-totalité du décor sculpté de l'église du XIIe siècle[2].
Les chapiteaux conservés, décorés d'oiseaux becquetant des lions reprennent un motif présent à Bordeaux mais également dans nombre d'églises de la Gironde et de la Saintonge. L'origine du motif n'est pas connue. Les oiseaux becquetant des pommes de pin se trouvent également à Saint-Pierre de Loupiac et à Saint-Seurin de Rions, églises de communes voisines de l'Entre-deux-Mers. Le sacrifice d'Abraham s'apparente à celui du porche de la basilique Saint-Seurin de Bordeaux. Les autres décors n'ont pas d'équivalent dans la région et révèlent « un artiste original, d'une surprenante liberté »[2].
L'église vue de la D 10 en bord de Garonne (mai 2009)
Notes et références
↑Claude de Ferrière, Des droits de patronage, de présentation aux bénéfices, de préséances des patrons, des seigneurs et autres, des droits honorifiques, des litres, ceintures funèbres, des bancs et des sépultures dans les églises, Paris, Jean Cochard, (lire en ligne)