Wilhelm Backhaus est le fils de l'architecte Otto Ferdinand Willibald Backhaus. Jusqu'à ses quinze ans, en 1899, il étudie le piano au conservatoire de sa ville avec Aloïs Reckendorf[1] (1891–1899), avant de prendre des leçons privées avec Eugen d'Albert à Francfort-sur-le-Main en 1899[2]. Il donne son premier concert à l'âge de huit ans[3], et à onze ans il rencontre personnellement Johannes Brahms[4] (1895) lors d'une exécution du deuxième concerto par Eugen d'Albert, dirigé par le compositeur. À seize ans il se produit pour la première fois dans une tournée de concerts à Londres (1900), en tant qu'accompagnateur d'un chanteur italien. En 1905 il remporte le Prix Anton Rubinstein, qui cette année-là se déroule à Paris — devant Béla Bartók, qui termine deuxième. Pensant qu'il y avait eu tricherie, le pianiste Arthur Rubinstein lui voua une haine pour la vie[4].
La même année il est nommé professeur au Royal College de Manchester, fonction qu'il n'exerce toutefois que jusqu'en 1912, mais sa popularité de concertiste est telle qu'il réduit ses cours à des classes de maître[5]. Le il fait ses débuts aux États-Unis dans « L'Empereur » de Beethoven, avec Walter Damrosch et l'Orchestre de New York. L'année suivante il grave son premier disque : le concerto de Grieg[4].
L’histoire retient Backhaus comme ambassadeur et grand serviteur de la musique allemande ; il en est ainsi grâce à ses très nombreux enregistrements de Bach, Brahms et, avant tout, Beethoven, auquel il s’efforçait de ressembler physiquement dans sa jeunesse[réf. souhaitée], et dont il enregistra les concertos à de multiples reprises, ainsi que deux intégrales des sonates après la guerre.
Tout au long de sa vie Backhaus voyage beaucoup, enchaînant souvent les concerts à un rythme soutenu (ainsi, en 1921 à Buenos Aires il se produit dix-sept fois en moins de trois semaines). En 1930 il s'installe à Lugano, enseigne et devient citoyen suisse[6]. Il décède le à Villach, en Autriche, où il vient de finir de donner un concert.
Backhaus est considéré comme l'un des premiers grands pianistes modernes. Son jeu, conciliant la grandeur, la pureté, le dépouillement stylistique[7] et une expressivité intense, est entré dans la légende. Bien que parfois il laisse aux auditeurs « une impression de sécheresse »[3], « pour beaucoup d'observateurs, [il] incarne l'apothéose de l'art de l'interprétation à l'allemande : sévère, ennemie de toute virtuosité fracassante comme de toute fantaisie, privilégiant les œuvres les plus sérieuses et une lecture probe » — Alain Lompech[1]. Alain Pâris qualifie d'intemporelle son approche du piano et de la musique[8].
Toujours fidèle aux pianos viennois, il reçoit en 1953 le Prix Bösendorfer[8].
Discographie
Wilhelm Backhaus laisse pour son époque un legs particulièrement important : on y trouve, entre autres, la première mondiale de l'intégrale des Études de Chopin, réalisée en 1928 et considérée aujourd'hui encore comme une référence, de nombreuses œuvres de Mozart et une quantité considérable d'œuvres de Beethoven et de Brahms, ses deux compositeurs de prédilection.
L'intégrale des sonates de Beethoven qu'il réalise pour Decca reste également l'une des plus fameuses versions jamais enregistrées[8].
Brahms, Concertos nos 1 et 2 et Capriccio op. 76 no 2 ; Intermezzo op. 117 no 1 ; Rhapsodie op. 79 no 1 ; Intermezzi op. 116 et 119 ; 6 pièces, op. 118 - Wilhelm Backhaus, piano (1953-1967, Decca)[13] (OCLC794213577)
Chopin, Sonate no 2, extraits des Études op. 10 (nos 2, 5, 8 et 10) et 25 (nos 1-3, 6-9 et 11), Ballade no 1, Mazurkas no 17, 20 et 24, Valse brillante - Wilhelm Backhaus, piano (juillet et , , Testament SBT 1335)
Mozart, Sonates pour piano K.282, 283, 330 et 332 ; Haydn, Sonates Hob.XVI 48 & 52 - Wilhelm Backhaus, piano (1957-1966, Decca 433 900-2) (OCLC658693804)
Concerts
Récitals à Carnegie Hall : Beethoven, Concerto pour piano no 4 ; Sonates pour piano op. 10, 13, 31, 79, 81a et 111 - Wilhelm Backhaus, piano ; Orchestre philharmonique de New York, dir. Guido Cantelli ( et /, 2CD Hänssler Profil PH10006)
Récital à Carnegie Hall : Beethoven, Sonates pour piano op. 22 no 2 et 106 (, Hänssler Profil PH07006) (OCLC312701112)
Récital à Salzbourg : Bach (Préludes et fuguesBWV 893 & 884), Mozart (Sonates K.283 et 331) et Beethoven (Sonates op. 57 et 111) (Mozarteum, , Orfeo C 530 001 B)
↑« L'intégrale de Wilhelm Backhaus — la plus rapide et la plus sévère de toutes — est sans doute la plus parfaite », Diapason 1988, p. 89.
↑« Interprétation vraiment superbe, d'un sentiment très élevé » — Claude Rostand, cité par Tardif 1987, p. 22.
↑« Backhaus voit grand, avec une sérénité, une singularité dans le dramatisme de l'expression qui rend son intégrale [Beethoven] à la fois abordable et d'un ton que d'aucuns jugerons trop haut ou même doctorale », Diapason 1988, p. 83.
↑« Interprétation noble, hautaine, hors du temps et des modes ; un grand témoignage de la pensée beethovénienne » — Antoine Goléa, cité par Tardif 1987, p. 21.
↑ a et bConcerto no 2 de Brahms : « Version d'une grandeur et d'une noblesse d'âme extraordinaires », Tardif 1987, p. 31.
↑« L'osmose entre le pianiste et le chef est totale : phrasés et articulation rigoureuse, climat grave, jamais sentimental, tragique parfois. Cet interprétation foncièrement classique […] constitue l'exemple même de la version à laquelle on ne cessera jamais de se référer », Diapason 1988, p. 151–152.
Alain Pâris, Dictionnaire des interprètes et de l'interprétation musicale au XXe siècle, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », (réimpr. 1985, 1989, 1995), 4e éd. (1re éd. 1982), 1278 p. (ISBN2-221-08064-5, OCLC901287624), p. 48–49.