Volksgemeinschaft (prononciation allemande: ['fɔlksɡəˌmaɪnʃaft]) est une expression allemande qui signifie « communauté du peuple ». Cette expression est devenue populaire pendant la Première Guerre mondiale, alors que les Allemands s'étaient ralliés pour soutenir la guerre et faisaient appel à l'idée de briser l'élitisme et d'unir les gens à travers les classes.
Le national-socialisme définit le concept de Volksgemeinschaft comme la communauté d’un peuple fondée sur les liens du sang, sur un destin commun et sur une foi politique commune, loin de toute lutte des classes. La Volksgemeinschaft est à la fois l'origine et la fin de la vision du monde selon le nazisme[1]. Ces liens du sang impliquent obligatoirement l'appartenance à la « race aryenne »[2].
La volksgemeinschaft de la grande guerre
L'idée d'une unité traversant les classes sociales dans une communanuté nationale apparait dans la politique du gouvernement de l'empire à l'aube de la première guerre mondiale. Cette volonté d'une société unie autour de l'intérêt national prend forme dans le discours à la chambre du kaiser Guillaume II du 4 août 1914. Devant tout les partis, il déclare : « Je ne connais plus de partis, je ne connais que des Allemands ! Comme preuve du fait qu'ils sont fermement décidés, sans différence de parti, d'origine ou de confession à tenir avec moi jusqu'au bout, à marcher à travers la détresse et la mort, j'engage les chefs des partis à avancer d'un pas et de me le promettre dans la main ». Cette politique d'unité prend le nom de Burgfrieden, traductible en « paix civique » ou « paix au château », et nommé Union Sacrée en France[3].
La politique d'unité menée par l'empire allemand est réussie pendant un temps. Ce discours, rédigé par le chancelierTheobald von Bethmann Hollweg, alimente le projet d'unité nationale et popularise le concept et l'expression de volksgemeinschaft[4].
La volksgemeinschaft dans le national-socialiste
Utilisation politique dans l'entre-deux-guerre
La défaite allemande dans la première guerre mondiale et la naissance de la république de Weimar recomposent la politique intérieure allemande. L'instabilité politique croissante (putsch de krapp, révolution allemande) et la grande crise économique de 1929 fragilisent la société allemande[5]. Durant cette crise, la popularité du NSDAP augmente massivement, et le parti reprend le concept de Volksgemeinschaft comme un outil de propagande. D'une part, le concept promet un idéal de solidarité rassurant en période de crise, d'autre part il dénonce les partis d'oppositions (surtout SPD et KPD) comme des traitres à l'unité[3]. Dans cette continuité, afin de stimuler les souvenirs de la grande guerre, le parti nazi s'appuie sur l'imagerie martiale en revendiquant le soutien du général-président Hindenburg, et du groupe paramilitaire du Stahlhelm.
Conceptualisation idéologique
La volksgemeinschaft nationale-socialiste évolue en comparaison du modèle de la grande guerre, s'inscrivant bien plus sur la doctrine nazi que sur l'héritage de 14-18. S'appuyant sur le corpus idéologique du nazisme, elle devient une expression couvrant plusieurs idées.
Une idée communautaire : la volksgemeinschaft symbolise l'union de toutes les forces solidaires dans le renforcement national. Toute opposition à l'union revient à une trahison, les partis socialistes et les minorités (juifs, tziganes, slaves) deviennent des obstacles à l'unité, voir même des cinquièmes colonnes[5].
Une idée racialiste : la solidarité nationale se structure autour de la "race aryenne", elle en est la principale composante et se fonde sur une approche d'entraide raciale excluant les non-aryens. Par extension, les allemands vivants en dehors du reich (les volksdeustche) doivent être réunifiés dans la communauté nationale[3],[5].
Une idée sociale : la solidarité raciale repose sur la solidarité de ses membres par l'entraide et le travail. Cependant, cette solidarité s'appuie sur une doctrine inégalitaire préférant l'aide aux pauvres que l'égalité de condition. La volksgemeinschaft s'impose comme l'unité des classes sociales, et donc, en opposition à la lutte des classes soutenue à l'époque par les socialistes et communistes[5].
Par sa synthèse politique, raciale et sociale, le concept de volksgemeischaft fut un outil puissant de propagande du régime, et particulièrement une fois arrivé au pouvoir. Cette doctrine unitaire s'accompagne d'une militarisation et uniformation croissante de la société, par la gleichschaltung, la mise au pas de tout les organes politiques et sociaux du pays. L'absorption de toutes les strates de la société allemande, tant sur le plan syndical, culturel que religieux, est expliquée par la propagande qui justifie la mise en place d'une "communauté du peuple"[6].
Références
↑Joseph W. Bendersky, A Concise History of Nazi Germany, Rowman & Littlefield Publishers, 2014. p. 35.
↑Diemut Majer, Peter Thomas Hill, Edward Vance Humphrey, "Non-Germans" Under the Third Reich: The Nazi Judicial and Administrative System in Germany and Occupied Eastern Europe, with Special Regard to Occupied Poland, 1939-1945, Texas Tech University Press, 2003. p. 49-50.
↑ ab et cPeter Fritzsche, Life and Death in the Third Reich, Londres, Harvard University Press, , 380 p., p. 38-55
↑Wilhelm Loth, Das Deutsche Kaiserreich. Obrigkeitsstaat und politische Mobilisierung, Munich, Verlagsgesellschaft mbH & Co, , 241 p., p. 74
↑ abc et dRichard Grunberger, he 12-year Reich: A Social History of Nazi Germany 1933–1945), New York, Henry Holt & Company, , 564 p., p. 233
↑Pierre-Yves Soucy, La dictature allemande. Naissance, structure et conséquences du national-socialisme, Toulouse, Privat,