La Villa Kujoyama est un établissement artistique français, situé sur le mont Higashi à Kyoto et destiné à l’accueil en résidence d’artistes et de créateurs français. Construite en 1992 par l’architecte Katō Kunio(加藤邦男?), la Villa Kujoyama est aujourd’hui l’un des plus anciens et plus prestigieux programmes de résidence français en Asie[1],[2].
En 2022, la Villa Kujoyama fête ses 30 ans à travers une diversité d'événements en France et au Japon[3],[4]. Elle a accueilli depuis sa création plus de 400 artistes et créateurs qui ont ainsi pu développer un projet en lien avec le Japon, dans les champs les plus variés de la création.
Construite en 1992, la Villa Kujoyama est le fruit d’un projet antérieur qui remonte à 1926 alors que Paul Claudel occupe encore le poste d’Ambassadeur de France au Japon[7],[8]. L’idée initiale de ce dernier est d’établir un centre culturel dans la région du Kansai ; ce projet se développe grâce à l’aide de Katsutaro Inabata 稲畑勝太郎 (1862-1949), alors Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Osaka[9]. L’industriel japonais parvient à réunir un groupe de japonais francophiles et crée la Société de rapprochement intellectuel franco-japonais par laquelle les fonds nécessaires sont rassemblés pour la construction d’un établissement culturel sur le mont Higashi, à l’emplacement actuel de la Villa Kujoyama.
D’abord imaginé comme une université d’été proposant sur trois ans et à raison de dix semaines par an un enseignement de langue et de culture française, le projet de l’établissement est quelque peu modifié[10]. Il est décidé de le nommer Institut franco-japonais, de l’ouvrir tout le long de l’année et de lui attribuer des missions d’enseignement de la langue française et de sensibilisation aux idées françaises.
La Société de rapprochement intellectuel franco-japonais assure la tutelle de ce nouvel Institut, construit grâce à des fonds japonais, le fonctionnement et la programmation culturelle sont quant à eux pris en charge par le gouvernement français. L’Institut franco-japonais est inauguré le et est dirigé dans ses premières années par le géographe Francis Ruellan[11].
C’est en 1936 que l’Institut franco-japonais est transféré près de l’Université Impériale dans le quartier d’Izumidono alors en plein développement. Un nouveau bâtiment voit le jour tandis que le site construit sur le mont Higashi en 1926 est laissé à l’abandon pendant près de cinquante ans[12].
De l’Institut franco-japonais à la Villa Kujoyama
Le bâtiment se dégrade, de sorte que dans les années 1970 les riverains protestent de plus en plus. Ainsi, la démolition du site est actée en 1981 et la Société de rapprochement intellectuel franco-japonais rassemble les fonds pour prendre en charge la destruction de l’édifice[13]. Le terrain dégagé, la vente de celui-ci est alors prévue. Toutefois, le gouvernement français, à la suite de l’annonce, manifeste son intérêt pour ce terrain surplombant Kyoto et exprime sa désapprobation quant à cette vente envisagée[14].
Les administrateurs français et japonais de la Société de rapprochement intellectuel franco-japonais s'accordent sur l'annulation de la vente et réfléchissent à une nouvelle utilisation du site. En 1986, ils s’entendent et décident de construire une résidence d’artistes, en raison notamment de la nature de Kyoto, ville d’art et d’histoire et de l’emplacement sans pareille du site, véritable « balcon sur la ville ». La décision de fonder ce « Centre franco-japonais pour les échanges et la création » est prise le .
Il s’ensuit trois années de levée de fonds auprès des principales sociétés du Kansai ; cette opération est prise en charge par Inabata Katsuo (稲畑勝?), le petit-fils de Katsutaro Inabata[15]. Les financements réunis, trois années sont encore nécessaires à l’obtention du permis de construire auprès de la municipalité.
Le projet architectural est confié à l’architecte Katō Kunio, alors professeur à l’université de Kyoto. Il prend la forme d’un bâtiment de mille mètres carrés, susceptible d’accueillir simultanément six artistes pour des séjours de création. L’architecte façonne son projet au croisement de la culture française et japonaise et choisit d’allier tout à la fois « rigueur de la composition modulaire et liberté de distribution des espaces. »
Le chantier débute en pour 18 mois, et ouvre ses portes aux premiers résidents en , avec une inauguration officielle le [16]. Ce Centre est aujourd’hui connu comme l’actuelle Villa Kujoyama.
Entre 1992 et 2012, la Villa Kujoyama a accueilli 275 artistes et créateurs français pour des périodes de résidences pouvant aller jusqu’à douze mois. L’établissement est durant cette période géré conjointement par l’Institut français, qui assure la coordination du programme et le financement des allocations des artistes et créateurs, et par le ministère des Affaires étrangères qui finance le fonctionnement et les activités artistiques et culturelles de l’établissement.
2013–2014 : une période de rénovation
Après plus de vingt ans d’activités, la Villa Kujoyama ferme ses portes pour deux ans de rénovation[17]. Le bâtiment alors vieillissant, il est question de mettre un terme au programme et de fermer le site.
C’est l’implication notamment de mécènes qui permet son maintien. D’une part, la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent apporte son soutien[1] à la rénovation de l’édifice en effectuant des travaux d’isolation, de mises aux normes, de nettoyage et de dallage ; son soutien à hauteur de 500 000 € permet de mener à bien ces travaux, jusqu’à la réouverture de la Villa en 2014[18].
D’autre part, la Fondation Bettencourt Schueller s’engage aux côtés de la Villa sur trois années pour financer le fonctionnement et les activités artistiques et culturelles de l’établissement[19]. Elle soutient ainsi le programme à hauteur de 754 000 € entre 2014 à 2017[20]. La Fondation Bettencourt Schueller renouvelle son soutien en tant que mécène du programme de résidence pour la période 2022-2026[21],[22].
La Villa Kujoyama aujourd'hui
La réouverture de la Villa Kujoyama a été l’occasion de redéfinir les missions du lieu.
Depuis sa création en 1992, plus de 400 lauréats, dont les disciplines oscillent de la création artistique contemporaine à la recherche en sciences humaines et sociales, ont résidé à la Villa Kujoyama[23].
Les programmes de résidence
La Villa Kujoyama propose 3 dispositifs de résidences distincts[24].
Le premier (en solo) permet à un candidat français ou étranger résidant en France depuis au moins 5 ans de présenter un projet de recherche, pour une résidence de 4, 5 ou 6 mois. Le deuxième (en binôme), offre une résidence de 4 mois à deux candidats français ou étrangers résidant en France depuis au moins 5 ans et leur permet de travailler en binôme sur un projet commun. Le dernier (en duo), s’adresse à un candidat français ou étranger résidant en France depuis au moins 5 ans souhaitant développer un projet de collaboration avec un candidat japonais résidant au Japon, pour une résidence de 4 mois[25].
Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main
Créé en 1999 par la Fondation Bettencourt Schueller, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main récompense savoir-faire, créativité et innovation dans le domaine des métiers d’art[26].
Dans le cadre du partenariat entre la Villa Kujoyama et la Fondation Bettencourt Schueller, deux lauréats du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main sont invités chaque année, à partir de 2022, à séjourner un mois à la Villa Kujoyama afin de développer un projet en lien avec leur savoir-faire et la culture japonaise. Nicolas Pinon (2022), Mona Oren (2022), Fanny Boucher (2023) et Grégoire Scalabre (2023) sont les lauréats du prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main ayant résidé à la Villa Kujoyama[27].
Le statut des lauréats invités à séjourner à la Villa Kujoyama diffère de celui des lauréats des autres programmes de résidence de la Villa. Néanmoins, les lauréats sélectionnés ont la possibilité de déposer, par ailleurs, une candidature pour les programmes de résidences solo, binôme, ou duo, proposés par l’Institut français.
Diffusion et post-résidence
Par ses activités, la Villa invite au dialogue les cultures de ces deux pays et traduit sur le plan de l’art et de la culture les proximités et les passerelles qui existent entre le Japon et la France[28].
Depuis l'arrivée de la nouvelle directrice Adèle Fremolle en septembre 2022, la Villa Kujoyama ouvre ses portes tous les premiers jeudis du mois aux publics[29].
La Villa Kujoyama dispose d'un accompagnement artistique, pendant et après la résidence, avec l’Institut français. Les 5 années qui suivent la fin de la résidence, la post-résidence, permettent aux artistes de présenter leurs travaux dans des lieux de diffusion en France ou bien de prolonger leur expérience au Japon avec l’appui de lieux partenaires de la Villa Kujoyama[30].
Au Japon
Les lauréats de la Villa sont invités chaque année à exposer leur travail lors de la Nuit Blanche Kyoto, un festival de création contemporaine organisé par l'Institut français du Kansai et la ville de Kyoto. Les travaux des lauréats sont alors présentés non seulement à la Villa, mais aussi dans d’autres lieux partenaires.
En France
La Villa Kujoyama possède un dispositif de partenariats pluriannuels permettant d'approfondir les productions artistiques après la résidence au Japon. À Paris, le partenariat avec le Musée de la Chasse et la Nature et la Maison de la Culture du Japon, offre aux artistes l’opportunité de montrer leurs œuvres dans le cadre de leur programmation[31],[32]. Dans le Val-d’Oise, le centre d’art contemporain de l’Abbaye de Maubuisson permet aux artistes de finaliser leurs créations débutées lors de leur séjour à la Villa, en mettant à leur disposition un atelier de travail et en leur fournissant un accompagnement curatorial et/ ou logistique[33].
À l'international
En collaboration avec la Villa Albertine aux États-Unis, l'Académie de France à Rome - Villa Médicis et la Casa de Velázquez à Madrid, la Villa Kujoyama participe à ¡Viva Villa!, un appel à projet lancé en 2016 destiné aux institutions culturelles établies sur le territoire français[34]. L'objectif est de permettre la restitution du travail réalisé par les artistes, créateurs et chercheurs issus de ces quatre résidences d'artistes françaises situées à l'étranger à travers une diversité de formats[35].
De nouvelles disciplines accueillies
Les disciplines concernées sont les suivantes :
Architecture/paysage/urbanisme
Arts de la rue/cirque/marionnettes
Création numérique
Arts plastiques
Bande dessinée
Cinéma
Critique d’art et commissariat d’expositions
Danse/ Performance
Design/ Graphisme
Gastronomie
Littérature
Métiers d’art
Mode
Musique
Photographie
Théâtre
Depuis 2014, les champs des disciplines accueillis ont été élargis aux arts numériques et aux métiers d’art[36]. L’ouverture au domaine des métiers d’art correspond à un souhait de la Fondation Bettencourt Schueller de valoriser à l’international les créateurs et artisans d’arts tout en permettant une sauvegarde et une transmission des savoir-faire des métiers d’excellence dans ces deux pays[37].
En 2019, l’éventail des disciplines est élargi aux arts de la rue/ cirque/ marionnette, aux jeux vidéo et au commissariat d’exposition.
Des missions réaffirmées
La Villa Kujoyama est depuis sa création un outil d’échanges. En tant que lieu de résidence, ce lieu d’exception entièrement destiné à la création contemporaine et aux métiers d’art est un outil d’influence et de rayonnement de l’excellence et du savoir-faire français.
L’ouverture du programme aux métiers d’art à Kyoto, cette ville caractérisée par sa tradition artisanale millénaire, trouve une justesse et une pertinence pour les acteurs français et japonais. Cette dimension permet à la fois de multiplier les interactions entre les artistes des deux pays et d’établir un dialogue avec les habitants. L’objectif est ainsi d’ancrer le programme dans le territoire kyotoïte et faciliter les échanges dans cette ville qui a appris à se diversifier et à mêler pratique traditionnelle et activités modernes.
Fondation Bettencourt Schueller
Depuis 2014, la Fondation Bettencourt Schueller joue un rôle essentiel en tant que principal mécène de la Villa Kujoyama. Fondation familiale reconnue d'utilité publique depuis sa création, elle s'engage à "donner des ailes aux talents" afin de contribuer au succès et à l'influence de la France. Dans cette optique, elle recherche, sélectionne, soutient, accompagne et met en valeur des individus qui façonnent aujourd'hui le monde de demain, dans trois domaines qui participent concrètement au bien commun : les sciences de la vie, les arts et la solidarité. Depuis sa création en 1987, elle a récompensé 634 lauréats et soutenu plus de 1000 projets portés par diverses équipes, associations, établissements et organisations[38].
Les lauréats depuis 1992
En raison de la crise sanitaire du Covid-19, le séjour à la Villa Kujoyama des lauréats 2020 et 2021 a été repoussé.
Depuis 2014, la Villa Kujoyama est un des cinq établissements de l’Institut français du Japon. Elle a un fonctionnement et une direction propre au même titre que les quatre autres instituts français (Tokyo, Kyoto, Fukuoka, Yokohama), les quatre Alliances françaises (Sapporo, Sendai, Aichi, Tokushima) et l’Institut de recherche du réseau culturel français au Japon.
Les directeurs depuis la réouverture sont :
2014-2017 : Christian Merlhiot et Sumiko Oé-Gottini[40]
↑« Villa Kujoyama », sur AIR_J : Online Database of Artist in Residence Programs in Japan (consulté le ).
↑Valérie Duponchelle, « Le Figaro. ARTS : reportage à Kyoto, à la Villa Kujoyama, où se rencontrent artistes français et japonais. », périodique, , p. 7-10.
↑(en-GB) Philippe Pons, « Villa Kujoyama reopening cements France-Japan cultural collaboration », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
↑« INAUGURATION DE LA VILLA KUJOYAMA UN BALCON FRANÇAIS SUR L'ORIENT », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Photo Mystère #128 : la Villa Kujoyama sur les hauteurs de Kyoto », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
École française de Rome (EFR) - Rome, fondée en 1875 à partir de l’Institut de correspondance archéologique, créé en 1829
École française d'Extrême-Orient (EFEO) - Paris, fondée à Saïgon en 1898 sous le nom de « Mission archéologique permanente en Indochine », a son nom actuel depuis 1900 (L'EFEO dispose de 15 centres dans divers pays d'Asie)