Le vert de Paris ou vert de Schweinfurt est le nom commun pour l'acéto-arsénite de cuivre, pigment référencé au Colour Index comme PG21, un complexe bleu-vert très toxique. Il est utilisé dans quatre principales fonctions
Le pigment a été découvert en 1814 par Russ et Sattler, un fabricant de peintures installé dans la ville de Schweinfurt. En France, il a aussi été appelé Vert Mitis et Vert de Vienne. Il a été plus généralement disponible à partir de 1822, et se trouve dans les catalogues des producteurs français jusqu'en 1926[2]. Il est désigné aussi en anglais comme Emerald green, mais ne doit pas être confondu avec le vert émeraude. Il fut utilisé jusque vers 1960[3].
Pendant cette période, les artistes peintres ont utilisé ce vert de Schweinfurtdont les pigments modernes de la chimie n'atteignent pas la luminosité[réf. souhaitée]. L’imitation moderne est appelée « vert permanent »[réf. nécessaire].
Il était autrefois utilisé pour tuer les rats dans les égouts parisiens, d'où le nom de vert de Paris[4],[5]. Il fut également utilisé en Amérique et ailleurs comme produit insecticide sur les pommes. Vers 1900, il fut mélangé avec de l'arséniate de plomb. Mais si ce mélange attaquait de surcroît les mauvaises herbes autour des arbres, il nuisait également à ces arbres, ce qui, outre la toxicité pour l'homme, était un inconvénient majeur[réf. souhaitée].
Les artistes préparaient leur propre peinture à l'huile avec le vert de Paris obtenu à partir d'un mélange toxique[réf. nécessaire]. Les vapeurs toxiques de l'arsenic se dégagent de la peinture au séchage[réf. nécessaire]. Des impuretés mais également les molécules se dégradent spontanément : un gaz pyrophorique très toxique, l’arsine, issu de l’arsenic[réf. nécessaire].
Le peintre Cézanne utilisa du vert de Paris pour l'aquarelle[6]. D'autres artistes de cette époque l'employèrent à l'huile, comme Van Gogh[7]. Cézanne développa un grave diabète qui est un symptôme chronique de l’intoxication à l’arsenic[réf. souhaitée]. La cécité de Monet et les troubles neurologiques de Van Gogh furent très certainement liés à leur utilisation du vert de Paris, mais également par l’intoxication aux pigments de plomb, à base de mercure vermillon, et des solvants tels que l'essence de térébenthine.[réf. souhaitée]
En 1921, Hackett[8] a mis en évidence les propriétés larvicides du vert de Paris (sur les larves de moustiques), ce qui en a fait, avant la découverte du DDT, un outil dans la lutte contre le paludisme.
Barattage par un soldat américain de vert de Paris, ici mélangé avec de la poussière de route, destiné à lutter contre le paludisme par déversement dans les cours d'eau ou zones humides où pondent les moustiques (Seconde Guerre mondiale) ; Army Medical Museum.
En Syrie, le , un militaire britannique pulvérise une mare avec du vert de Paris pour y tuer larves et pupes de moustiques et ainsi prévenir le risque paludéen.
Le vert de Paris est également utilisé au XIXe siècle comme pigment des toiles colorées utilisées pour la reliure[9]. Il donne aux ouvrages une couleur verte. La manipulation fréquente de ces ouvrages peut provoquer des affections comme des démangeaisons, problèmes respiratoires, nausées. La présence de ce pigment n'a été détectée que récemment dans les collections des bibliothèques en Europe et aux États-Unis. En 2022, la responsable du laboratoire de conservation de la bibliothèque du Winterthur Museum, et l'Université du Delaware, ont commencé un inventaire de tous ces volumes[10]. Le vert de Paris a servi surtout dans les pays anglo-saxons, en Allemagne et exceptionnellement en France ; en mars 2024 certaines bibliothèques universitaires allemandes ont mis en quarantaine les ouvrages suspects, comme la Bibliothèque nationale de France, en croisant les données de leur catalogue avec la liste des ouvrages référencés par l'inventaire américain. Mais sur les 28 ouvrages concernés de la BnF, seulement quatre avaient effectivement une couverture teintée au vert de Schweinfurt, soit que la couverture d'origine en ait été exempte, soit qu'elle ait été remplacée au cours des XIXe et XXe siècles[11].
Recherches sur les dangers que présentent le vert de Schweinfurt, le vert arsenical, l'arsénite de cuivre, Chevallier, Alphonse (1793-1879), J.-B. Baillière et fils (Paris), 1859. Livre numérisé consultable en ligne avec mode texte : ark:/12148/bpt6k65272084
Le Vert de Schweinfurt dans la prophylaxie du paludisme, Indacochea Ponce de Leon, Abelardo. Paris, M. Vigné, 1935. In-8, 103 p., fig. [1993] - Thèse de médecine. Paris. Doctorat d'Université. 1935. N° 424. Dans les Bibliothèques universitaires > catalogue sudoc
Pigments empoisonnés. Les verts arsenicaux, Alison Matthews David, Ivan Ricordel, Myriam Couturier. HAL Open Science
Notes sur les bonbons coloriés par des substances vénéneuses, G. Trévet,.. impr. de A. Courcier (Paris). 1831 Livre numérisé consultable en ligne avec mode texte : ark:/12148/bpt6k65711690 Dans les Bibliothèques universitaires > catalogue sudoc
Essais sur les maladies qui atteignent les ouvriers qui préparent le vert arsenical et les ouvriers en papiers peints qui emploient dans la préparation de ces papiers le vert de Schweinfurt; moyens de les prévenir, A. Chevallier, Imp. P. Renouard, Paris (1847) Dans les Bibliothèques universitaires > catalogue sudoc
Enquêtes médicales (XIXe-XXIe siècle) / dossier coordonné par Léa Delmaire, Pierre Nobi et Paul-Arthur Tortosa. n° de la revue "Histoire, médecine et santé=History, medicine and health", ISSN 2263-8911, n° 19, été 2021 Dans les Bibliothèques universitaires > catalogue sudoc lire en ligne Histoire médecine et santé
↑Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Encyclopédie de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 3, Puteaux, EREC, , p. 413.
↑Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, (ISBN978-2-7577-0065-5), p. 916.
↑Bruno Schiffers, « L'emploi des pesticides dans les cultures : entre tracteurs et détracteurs », Probio, (lire en ligne)
↑Sylvie Aballea, Marie Barras, Joanna Haefeli et Martine Struelens, « Tissus , tenues ou teintures : la mode est un marqueur des goûts comme des us et coutumes de la société. Tour d'horizon en neuf compositions du XVIIIe siècle à nos jours », Le Temps Magazine, , p. 21 (lire en ligne)
↑(en) F. Zieske, « An Investigation of Paul Cezanne's watercolors with Emphasis on Emerald Green », The Book and Paper Group of the American Institute for Conservation Annual, no 14, , p. 105-115 (lire en ligne)
↑(en) Vojtěch Jirat-Wasiutyński, H. Travers Newton, Eugene Farrell et Richard Newman, Vincent van Gogh's Self-Portrait Dedicated to Paul Gauguin. A Historical and Technical Study, Cambridge, Massachusetts : Center for Conservation and Technical Studies, Harvard University Art Museums, , p. 33-34