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Parmi les ouvertures d’échecs, la variante de Scheveningue de la défense sicilienne est l’une des siciliennes ouvertes les plus ambitieuses. Elle est devenue notoire à la suite de la partie Géza Maróczy – Max Euwe du tournoi organisé à Schéveningue en 1923[1]. Ayant été jouée par Garry Kasparov contre de très forts grands maîtres, cette ouverture permet une large créativité.
Le diagramme montre la position de base obtenue après 1.e4 c5 2.Cf3 d6 (ou 2...e6, qui évite 3. Fb5+) 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 e6 (alternativement 5...d6). Les pions centraux d6 et e6 offrent aux Noirs le contrôle des cases critiques d5 et e5, et permettent avec souplesse des possibilités de rupture au centre par les coups ...e6-e5 ou...d6-d5.
Attaque Keres
Les Blancs ont différents schémas d’attaque à leur disposition, mais celui qui est considéré comme le plus dangereux est l’attaque Keres (du nom du grand maître estonien Paul Keres) qui débute par 6.g4. Ce coup profite du fait qu’après 5...e6, le fou de cases blanches des Noirs ne contrôle plus g4. Le coup 6. g4 prépare une attaque sur le cavalier f6, la seule pièce noire développée. Ce cavalier sera forcé de rebrousser chemin, condamnant les noirs à la passivité. Habituellement, les noirs continuent avec 6...h6, puis la partie peut se poursuivre par 7.g5 hxg5 8.Fxg5 Cc6 9.Dd2 Db6 10.Cb3 a6 11.0-0-0 Fd7 12.h4 donnant aux Blancs une position légèrement supérieure, où statistiquement ils obtiennent de bons résultats. Pour cette raison, la variante moderne 6...e5 est devenue assez jouée.
Les coups suivants peuvent être 7.Cf5 h5 (les Noirs essaient d'éliminer la base blanche à f5) 8.g5 Cxe4! 9.Cxg7+ (le Cf5 n'est plus protégé) Fxg7 10.Cxe4 d5, avec un jeu très complexe. À considérer la ligne proposée par le grand maître allemand Arkadij Naiditsch 8.Fg5, un sacrifice de pion aigu : 8...hxg4 9.Cd5! Fxf5 10.Fxf6 gxf6 11.exf5, avec de bonnes compensations pour les blancs. Les Noirs ont un pion de plus, mais inutile. Les Blancs, par contre, exercent une forte pression sur les cases blanches grâce à leur cavalier en d5, qui est en outre inexpugnable. Comme les possibilités d'attaques blanches dans cette dernière variante demeurent supérieures, beaucoup d’avocats de la variante de Scheveningue ont tendance à débuter par la variante Najdorf (5...a6) pour transposer ensuite dans la Scheveningue par 6...e6. Ceci, cependant, donne d’autres options aux Blancs.
Variante classique
Une autre variante populaire est la Scheveningue classique, qui commence par 6.Fe2. Utilisée efficacement par Anatoli Karpov contre de très forts grands maîtres, cette approche positionnelle a eu beaucoup de partisans. La ligne principale continue par 6...a6 7.0-0 Fe7 8.Fe3 0-0 9.f4 Cc6 10.a4 Dc7 11.Rh1 (l’ordre des coups n’est pas très important). Le plan des Blancs est de monter une attaque à l’aile roi, typiquement par les coups Fe2-f3, g2-g4, Dd1-e1-h4, etc. Les Noirs opèrent une diversion à l’aile dame via la colonne c semi-ouverte, ou bien contre-attaquent au centre. Des sacrifices de pions positionnels sont usuels des deux côtés. La théorie de la Scheveningue est très développée, grâce notamment aux recherches de notamment Viswanathan Anand, Veselin Topalov et Boris Guelfand.
L’approche moderne, appelée aussi attaque anglaise, est inspirée de l’attaque yougoslave (Rauzer) de la variante du dragon. Les Blancs lancent une attaque de pions à l’aile roi avec f2-f3, g2-g4, h2-h4, et souvent g4-g5. Les Blancs font le grand roque, et un jeu aigu en découle. Les Noirs doivent répondre par des menaces. La ligne principale continue par 6.Fe3 a6 7.f3 b5 8.g4 h6 9.Dd2 Cbd7 10.0-0-0 Fb7. Le plan des Blancs est de forcer la position par g4-g5 et d’ouvrir l’aile roi à leur avantage. Ils exercent aussi une pression considérable sur la colonne d. Les Noirs sacrifient souvent une qualité ou un pion afin d'ouvrir une colonne pour leurs pièces lourdes sur l’aile dame. Le temps est le facteur le plus important dans l'attaque anglaise, et de nouvelles idées sont découvertes chaque année. Beaucoup de joueurs d’élite, comme Aleksandr Morozevitch, Péter Lékó, et Alexeï Chirov, ont étudié cette suite critique.
Autres variantes
Les Blancs ont aussi à leur disposition la possibilité de jouer des variantes donnant un avantage minime, comme 6.f4 ou 6.g3, mais ces coups sont plus rares.
La variante Scheveningue présente l'avantage pour les Noirs (par rapport à la plupart des autres variantes de la défense sicilienne) d’avoir un pion de plus au centre, et une structure de pions plus compacte. Elle a été en première ligne des tournois modernes, et sa complexité fait qu'elle n'a pas encore été explorée exhaustivement.
Exemples de parties
À partir de la partie suivante, on a commencé à parler d'une variante de Scheveningue :
La partie qui suit est un des rares exemples d’attaque Kérès au plus haut niveau (Classement Elo supérieur à 2600 pour les deux joueurs), les Noirs ayant tendance à éviter cette attaque, en transposant par exemple dans la variante Scheveningue à partir de la variante Najdorf :
La première partie du Match de Championnat du monde de 1984 entre Anatoli Karpov et Garry Kasparov fut une attaque Kérès. Dans toutes ses parties ultérieures avec les Noirs contre Anatoli Karpov, Garry Kasparov a toujours évité l'attaque Kéres en adoptant un autre ordre de coups.
Karpov- Kasparov, Moscou, 1985 (24), position après 22... Fg7
La 24e et dernière partie du second match Karpov - Kasparov pour le titre mondial vit les deux joueurs s'affronter sur le thème de la Scheveningue classique. Mené d'un point, Karpov devait absolument gagner avec les blancs ; la partie qui en résulta est, d'après les commentateurs et Karpov lui-même, « l'une des parties les plus complexes et intenses de toute l'histoire des Échecs[5] » :
1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 a6 6.Fe2 e6 7.0-0 Fe7 8.f4 0-0 9.Rh1 Dc7 10.a4 Cc6 11.Fe3 Te8 12.Ff3 Tb8 13.Dd2 Fd7 14.Cb3 b6 15.g4 Fc8 16.g5 Cd7 17.Df2 Ff8 18.Fg2 Fb7 19.Tad1 g6 20.Fc1 Tbc8 21.Td3 Cb4 22.Th3 Fg7 (cf. diagramme ; la première position critique) 23.Fe3 (Les commentateurs essayèrent plus tard de démontrer un gain blanc après le direct 23. f5, mais nul ne sait quelle aurait été l'issue de la partie dans ce cas[6]) Te7 (après cette partie, cette étrange manœuvre de la tour noire devint un thème courant dans la Scheveningue classique[7]) 24.Rg1 Tce8 25.Td1 f5 26.gxf6 Cxf6 27.Tg3 Tf7 28.Fxb6 Db8 29.Fe3 Ch5 30.Tg4 Cf6 31.Th4 (dans l'obligation de gagner, les blancs doivent refuser la logique répétition des coups[8]) g5 32.fxg5 Cg4 33.Dd2 Cxe3 34.Dxe3 Cxc2 35.Db6 Fa8 36.Txd6 Tb7 37.Dxa6 Txb3 38.Txe6 Txb2 39.Dc4 Rh8 40.e5 Da7+ 41.Rh1 Fxg2+ 42.Rxg2 Cd4+ 0-1.
En raison de la couverture médiatique considérable accordée au match-revanche Fischer-Spassky, la partie suivante a rendu l’attaque anglaise - qui avait déjà été jouée depuis des années par d'autres GMI contre la variante Scheveningue - connue :
↑Cependant, Karpov a indiqué dans Anatoly Karpov's Best Games (Batsford, 1996, p. 13) que son « arme favorite contre la variante de Scheveningue dans les années 1970 et 1980 » était l'Attaque Keres (par la suite, Karpov a préféré jouer 1. d4 plutôt que 1. e4, afin de contourner l'obstacle de la défense sicilienne de Kasparov)
↑(fr) Anatoli Karpov, Comment jouer les débuts semi-fermés (1994), A. Colin, p. 19
↑(fr) Lev Polougaïevski, Le Labyrinthe Sicilien I (1993), Échecs Payot, p. 89-91
↑(en) Alex Yermolinsky, The Road to Chess Improvement (1999), Gambit, p. 140
↑(fr) Anatoli Karpov, Comment jouer les débuts semi-fermés (1994), A. Colin, p. 28