Uta-Napishtim

Uta-Napishtim, aussi appelĂ© Utanapishti (en akkadien : đ’Ś“đ’ŤŁ/UtanapištĂ®, qui peut se lire Ud/t-, ou Ă›m-napištim/napišti) est le hĂ©ros du DĂ©luge de l'ÉpopĂ©e de Gilgamesh. Le Mythe d’Atrahasis prĂ©fère le terme de « Supersage Â» (en akkadien : atraḫasĂ®s). Il est le fils d’UbarTutu (« ProtĂ©gĂ© du dieu Tutu Â»), premier et unique souverain de Shuruppak (Ĺ urupak). Pour lui sauver la vie, le dieu Éa (Enki) lui ordonne de renoncer Ă  ses richesses et de dĂ©molir sa maison afin d'en faire un bateau. L'ÉpopĂ©e de Gilgamesh raconte notamment comment Uta-Napishtim a Ă©tĂ© sauvĂ© du DĂ©luge provoquĂ© par la colère du dieu Enlil. Tous les hommes tĂ©moins du Cataclysme ayant Ă©tĂ© anĂ©antis, seuls les dieux et Uta-Napishtim, l’unique survivant, connaissent le « secret Â» du DĂ©luge.

Étymologie

En sumĂ©rien, on disait Ziusudrá, « Vie de nuit prolongĂ© Â» par allusion Ă  l’immortalitĂ© obtenue par Uta-Napishtim en survivant au DĂ©luge. Ă€ l’origine, on lisait probablement Ă›m-napištim/napišti, soit les deux premiers Ă©lĂ©ments inversĂ©s de Ziusudrá : zi et u en sumĂ©rien, ce qui correspond en akkadien Ă  napišti(m), « vie Â» et Ă»m, « jours Â». Pour complĂ©ter l’équivalence sumĂ©rienne, on trouve plus d’une fois l’ajout de l’épithète « lointain Â», en akkadien rĂ»qu ou reqĂ», ce qui correspond au sumĂ©rien sud.rá. Si l’on a Ă©pelĂ© Uta-, c’est apparemment par une façon d’étymologie « populaire Â», Ă»tâ napištĂ® signifiant : « J’ai trouvĂ© ma vie (sans fin) Â».

Le mythe du DĂ©luge

Le stratagème d'Éa

Les dieux, particulièrement Enlil, en colère contre l'humanitĂ© trop nombreuse et trop bruyante, dĂ©cident d'anĂ©antir l'humanitĂ© Ă  l'aide d'une gigantesque inondation cataclysmique. Pour ne pas briser son serment de ne parler Ă  aucun homme du DĂ©luge, Éa dĂ©cide de s'adresser non pas directement Ă  Uta-Napishtim, mais Ă  la cloison de roseaux derrière laquelle il sait le trouver :

"Palissade ! Ă” palissade !
Paroi ! Paroi !
Écoute, palissade !
Rappelle-toi (ceci), paroi :
Ă” roi de Ĺ urupak,
Fils de UbarTutu,
DĂ©molis ta maison,
Pour (te) faire un bateau !
Renonce Ă  tes richesses,
Pour te sauver la vie !
DĂ©tourne-toi de (tes) biens,
Pour te garder sain-et-sauf !
Mais embarque avec toi
Des spĂ©cimens de tous les animaux !"

— L'ÉpopĂ©e de Gilgamesh, Tablette XI de la version ninivite, traduction de J. BottĂ©ro

Le « bateau Â» d'Uta-Napishtim

Le précurseur de l'arche de Noé

Éa charge Uta-Napishtim d'amener sur le bateau sa femme, sa famille et ses proches, ainsi que les artisans et techniciens de son village, mais aussi des cĂ©rĂ©ales et des animaux domestiques et sauvages de toute espèce. On retrouve un concept très similaire Ă  l'histoire biblique de l'arche de NoĂ©. Il est important de noter cependant la dĂ©nomination de « bateau Â», en akkadien, et non pas, comme dans le rĂ©cit biblique, une dĂ©nomination spĂ©cifique que nous traduisons par « arche Â».

Le bateau en question fait l'effet d'un cube creux, fermĂ© de toute part :

"Le bateau
Que tu dois fabriquer,
Sera une construction
Équilatérale,
Ă€ longueur et largeur
Identiques
Tu le trouveras
Comme l'ApsĂ» !"

— L'ÉpopĂ©e de Gilgamesh, Tablette XI de la version ninivite, Traduction de J. BottĂ©ro

DĂ©tails techniques

Toujours d'après l'ÉpopĂ©e de Gilgamesh, l'armature du bateau que construit Uta-Napishtim fait alors 3600 m² (en akkadien : iku) de superficie et 60 m (en akkadien : ninda) de flancs. Un cube d'une telle envergure est insubmersible.

Le cadre intĂ©rieur est Ă©tabli puis amĂ©nagĂ© : plafonnĂ© Ă  6 reprises et subdivisĂ© en 7 Ă©tages. Le volume est dĂ©composĂ© en 9 compartiments.

Après le Déluge

Après douze jours sur l'eau, Uta-Napishtim ouvre une lucarne de son bateau pour regarder dehors. Il aperçoit alors le mont Niṣir (aussi appelé Nimuš), qui correspondrait au plus haut sommet alors connu du pays, soit l'actuel Pir Omar Gudrun (près de 3000 m de hauteur), et s'y accoste durant 7 jours. Lorsque arriva le septième jour, Uta-Napishtim envoya une colombe afin qu'elle puisse trouver où se poser, mais sans succès. Puis il envoya une hirondelle, et comme précédemment, elle revint n'ayant pas pu se poser. Enfin, il envoya un corbeau qui, ayant trouvé le retrait des eaux, ne revint pas. Alors, Uta-Napishtim libèra tout le contenu du bateau pour repeupler la terre. Il organisa ensuite rituels et gigantesque banquet en l'honneur des dieux. Dès lors, les dieux décidèrent de son sort et Enlil fit don de l'accession à l'immortalité à Uta-Napishtim et à sa femme.

Rôle dans l'Épopée de Gilgamesh

Uta-Napisthim « le lointain Â»

Dans l'ÉpopĂ©e, terrassĂ© par la mort de son ami Enkidu, le hĂ©ros Gilgamesh part en quĂŞte de son ancĂŞtre Uta-Napishtim afin qu'il lui rĂ©vèle le secret de l'immortalitĂ©. Une fois avoir traversĂ© le long DĂ©filĂ© des Monts-Jumeaux et le Jardin enchantĂ© des gemmes, Gilgamesh se trouve alors devant le paysage dĂ©crit par le dĂ©but de la Tablette X : le rivage d’une Mer au-delĂ  de laquelle, Ă  la dernière extrĂ©mitĂ© orientale de la Terre, vit, Ă©loignĂ© de tout et de tous, le hĂ©ros immortalisĂ© du DĂ©luge. Pour traverser cette Eau-Mortelle (littĂ©ralement « l'Eau de la Mort Â»), Gilgamesh reçoit l'aide du nocher d'Uta-Napishtim, un certain Urshanabi (en akkadien : UrĹ anabi).

Dans la Version ancienne, « le lointain Â» sera dĂ©sormais l’épithète caractĂ©ristique de Uta-Napishtim. On comprend pourquoi : dans son refuge au bout du monde et sĂ©parĂ© de tout.

La rencontre avec Gilgamesh

L'échec de l'immortalité

De loin, Uta-Napishtim, qui voyait Gilgamesh et Urshanabi arriver, se pose des questions concernant ce passager inconnu. Dès le dĂ©barquement, Uta-Napishtim s'adresse Ă  Gilgamesh en lui demandant pourquoi il se trouvait dans un tel Ă©tat. C'est alors que Gilgamesh dĂ©voile au hĂ©ros du DĂ©luge son but : acquĂ©rir l'immortalitĂ©. Mais après avoir entendu l'histoire du DĂ©luge, Gilgamesh comprend qu'il ne pourra pas obtenir l'immortalitĂ© ainsi. UbarTutu, le père de Uta-Napishtim, semblait avoir rĂ©uni et rĂ©citĂ© Ă  son fils, en vue de lui apprendre Ă  vivre, tout un recueil de conseils mis par Ă©crit. Ainsi, Uta-Napishtim parle lui aussi en sage (d'oĂą le terme d'Atrahasis, le « Supersage Â»), en vieillard expĂ©rimentĂ©, qui a suffisamment vĂ©cu et rĂ©flĂ©chi pour savoir que la mort est inĂ©vitable et que toute tentative d’y Ă©chapper est vouĂ©e par avance Ă  l’échec.

Pour lui prouver qu'il n'est pas fait pour une vie sans fin, Uta-Napishtim dĂ©cide de faire passer un test Ă  Gilgamesh : il doit ne pas dormir six jours et sept nuits d'affilĂ©e. Pour lui dĂ©montrer, Uta-Napishtim demande Ă  sa femme de lui prĂ©parer chaque jour son pain et de le dĂ©poser auprès de lui tout en y faisant une marque correspondante. Ainsi, l'Ă©tat des septs pains, du plus ancien au plus rĂ©cent, prouvera Ă  Gilgamesh qu'il a bel et bien dormi sept jours. Plein de dĂ©sespoir, il se voit promis Ă  la mort.[pas clair]

Un ultime espoir

NĂ©anmoins, Uta-Napishtim dĂ©cide de dĂ©voiler Ă  Gilgamesh un secret des dieux : il existerait une plante de jouvence capable de prolonger la vie de quiconque s'en empare. Il ne s'agit pas de l'immortalitĂ© si avidement recherchĂ©e par Gilgamesh mais bien seulement d'une vie prolongĂ©e, ou d'une sorte de vitalitĂ© retrouvĂ©e. Mais lors du retour pour Uruk, Gilgamesh se fera voler la plante par un serpent sorti furtivement de son terrier pour s'en emparer. Gilgamesh retourne donc Ă  Uruk, ayant abandonnĂ© tout espoir de l'immortalitĂ© ou de la jeunesse renouvelĂ©e.

Bibliographie