La Première Guerre mondiale implique la plupart des grandes puissances, la Triple-Entente contre les Empires centraux[1]. Le , le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne à la suite de l'ultimatum contre la Belgique, pays dont elle garantit la neutralité[2]. Les troupes allemandes avancent jusqu'à 70 km de Paris en passant par le territoire belge et l'ouest de la France. Du au , lors de la première bataille de la Marne, les Français et les Britanniques réussissent à forcer une retraite allemande en exploitant une lacune entre la Ire et la IIe armée, mettant fin à l'avance allemande en France[3]. L'armée allemande se retire au nord de la rivière Aisne et se fortifie, instituant les débuts d'un front statique à l'Ouest qui durera trois ans. À la suite de cet échec, les forces en opposition tenteront de se déborder dans une course vers la mer, et étendront rapidement des réseaux de tranchées de la mer du Nord à la frontière suisse[4].
La trêve
Les soldats du front occidental étaient épuisés et choqués par l'étendue des pertes humaines qu'ils avaient subies depuis le mois d'août. Au petit matin du , les Belges, les Français et les Britanniques qui tenaient les tranchées autour de la ville belge d'Ypres entendirent des chants de Noël venir des positions ennemies, puis découvrirent que des arbres de Noël étaient placés le long des tranchées allemandes. Lentement, des colonnes de soldats allemands sortirent de leurs tranchées et avancèrent jusqu'au milieu du no man's land, où ils appelèrent les Britanniques à venir les rejoindre. Les deux camps se rencontrèrent au milieu d'un paysage dévasté par les obus, échangèrent des cadeaux, discutèrent et jouèrent au football le lendemain matin. Un chanteur d'opéra, le ténor Walter Kirchhoff, à ce moment officier d'ordonnance, chanta pour les militaires un chant de Noël. Les soldats français ont applaudi jusqu'à ce qu'il revienne chanter[5].
Ce genre de trêve fut courant là où les troupes britanniques et allemandes se faisaient face, et la « fraternisation » (il s'agit plus d'une trêve de fait qu'une fraternisation volontaire[6]) se poursuivit encore par endroits (notamment on prévient l'autre camp de se protéger des bombardements d'artillerie ou on pratique des trêves pour pouvoir enterrer ses morts) pendant une semaine jusqu'à ce que les autorités militaires y mettent un frein.
Il y eut également des trêves dans les batailles opposant des soldats français et allemands. Cependant, celles-ci sont bien moins connues, probablement en raison du grand nombre de documents censurés par les autorités militaires à cause de leur contenu (descriptions d'opérations militaires susceptibles d'arriver aux mains de l'ennemi, description péjorative en conflit avec la désinformation faite par les journaux français de l'époque, etc.). Aujourd'hui, de nombreux témoignages de soldats français ayant fraternisé avec des soldats allemands sont disponibles dans des archives historiques[7],[8], mettant au jour ces trêves presque taboues à l'époque. Voici un exemple de témoignage du soldat Gervais Morillon, extrait d'une lettre à ses parents du 14 décembre 1914 :
« Il se passe des faits à la guerre que vous ne croiriez pas. Avant-hier, et cela a duré deux jours dans les tranchées que le 90e occupe en ce moment, Français et Allemands se sont serré la main. Voilà comment cela est arrivé : le 12 au matin, les Boches arborent un drapeau blanc et gueulent : « Kamarades ! Kamarades ! Rendez-vous ! » Ils nous demandent de nous rendre. Nous de notre côté, on leur en dit autant ; personne n'accepte. Ils sortent alors de leurs tranchées, sans armes, rien du tout, officier en tête ; nous en faisons autant et cela a été une visite d'une tranchée à l'autre, échange de cigares, cigarettes, et à cent mètres d'autres se tiraient dessus. Si nous ne sommes pas propres, eux sont rudement sales, ils sont dégoûtants, et je crois qu'ils en ont marre eux aussi. Depuis, cela a changé ; on ne communique plus. »
Une trêve s'est déroulée également à Frelinghien où une plaque commémorative est érigée lors d'une cérémonie le .
Conséquences
Malgré la destruction des photos prises lors de cet événement, certaines arrivèrent à Londres et firent la une de nombreux journaux, dont celle du Daily Mirror, portant le titre An historic group: British and German soldiers photographed together le . Aucun média allemand ou français ne relate cette trêve[5].
L'état-major fait donner l'artillerie pour disperser les groupes fraternisant les jours suivants et fait déplacer les unités « contaminées » sur les zones de combat les plus dures. Sur le front de l'Est, les conséquences sont plus graves : la répression des fraternisations du côté russe entraîne des mutineries et concourt à la décomposition du front russe. Lors de l'insurrection de Petrograd en 1917, les soldats fraternisent avec les ouvriers, ce qui va dans le sens de la bolchevisation de l'armée[9].
Éric Simard (ill. Nathalie Girard), Les soldats qui ne voulaient plus se faire la guerre : Noël 1914, coll. « Cadet 8-12 ans », 39 p. (ISBN978-2-35000-045-9)
↑(en) Annika Mombauer, « The Battle of the Marne : Myths and Reality of Germany's "Fateful Battle" », The Historian, vol. 68, no 4, , p. 747–769 (DOI10.1111/j.1540-6563.2006.00166.x)
↑(en) William R. Griffiths, The Great War, Wayne, NJ, Avery Publishing Group, (ISBN0895293129)