Les parents de Tobie Nathan sont des juifs installés au Caire depuis de nombreuses générations : son grand-père maternel était pharmacien, tandis que son père dirigeait une fabrique de parfums[3]. Sa famille doit quitter Le Caire en 1957 à la suite de l'arrivée au pouvoir de Nasser et de l'expulsion des juifs. Ils vivent en Italie, puis s'installent en France, où Tobie Nathan fait ses études et obtient la naturalisation à l'âge de vingt et un ans[3].
Tobie Nathan s'intéresse à la psychanalyse, puis aux psychothérapies et à l'ethnopsychiatrie. Au cours de ses recherches, il étudie les dispositifs de soins mis en place par les guérisseurs, en Afrique, au Moyen-Orient comme celui de Jeanne-Paule Visnelda à La Réunion. Il décrit les liens entre psychopathologie, pratiques cliniques et environnement social. Professionnellement, il exerce également comme expert près la cour d'appel de Paris. Il crée la première consultation d'ethnopsychiatrie en France, en 1979, dans le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital Avicenne (Bobigny), alors dirigé par Serge Lebovici, consultation dont les principes ont ensuite été adoptés par d'autres consultations en France et à l'étranger.
Il a fondé en 1993 le Centre Georges-Devereux[8], centre universitaire d'aide psychologique aux familles migrantes, au sein de l'UFR « Psychologie, pratiques cliniques et sociales » de l'université de Paris VIII – centre qu'il a dirigé de 1993 à 1999. Ce centre fut, en France, le premier lieu universitaire de clinique psychologique, accueilli au sein d'une UFR ou d'un département de psychologie. Il regroupait dans un même espace, sur le campus de l'université à Saint-Denis, une clinique spécifique, des recherches universitaires en psychopathologie et en psychothérapie et la formation des étudiants de troisième cycle. Aujourd'hui, le Centre Georges-Devereux se trouve à Paris et n'est plus intégré à l'université Paris 8.
Il a fondé, en 1978, la première revue francophone d’ethnopsychiatrie, Ethnopsychiatrica (1978-1981). Puis il fonde, en 1983, la Nouvelle Revue d'ethnopsychiatrie (36 numéros de 1983 à 1998). Depuis 2000, il dirige la revue Ethnopsy / Les mondes contemporains de la guérison.
Il est aussi écrivain et a publié sept romans et des essais — dont Ethno-roman (2012) qui obtient le prix Femina essai[9] — ainsi que, en collaboration, une pièce de théâtre.
Tobie Nathan est l'un des principaux représentants de l'ethnopsychiatrie, discipline fondée par l'anthropologue et psychanalyste Georges Devereux, qui propose une nouvelle vision de la psychothérapie et du patient, considéré dans son univers familial et culturel.
L'œuvre de Tobie Nathan fait débat en France. Son approche a donné lieu à des discussions et à des critiques de plusieurs ordres. Les critiques ont porté sur la technique psychothérapique, les présupposés politiques de son approche et sa critique de la psychanalyse. Sa vision de la psychothérapie n'est pas acceptée par certains psychanalystes à cause de ce qu'ils considèrent comme un retour à la suggestion – ce qu'il conteste – et surtout, selon eux, par sa non-prise en compte du transfert tel que sa dynamique a été mise en évidence par Sigmund Freud. Cependant, le sens du mot « transfert », la fonction qu’on lui attribue dans la cure ont évolué[10] et il est difficile d’en proposer une version acceptable par tous les thérapeutes. Son attachement au respect de la diversité des cultures humaines peut également entrer en conflit avec une tendance européenne, héritée des Lumières, qui privilégie une vision universelle de la condition humaine, via notamment la notion de droits de l’homme. Des universitaires comme Didier Fassin lui ont ainsi parfois reproché un certain relativisme culturel[11], dont la dérive serait une sorte d'assignation des personnes à leur culture d'origine.
Il a aussi écrit des textes importants qui sont devenus des références en psychologie et en psychopathologie tels L'influence qui guérit (1994) ou La nouvelle Interprétation des rêves (2011).
Rituels de deuil, travail du deuil, Éditions La Pensée Sauvage, 1994
La parole de la forêt initiale, coécrit avec Lucien Hounkpatin, éditions Odile Jacob, 1996.
Quel avenir pour la psychiatrie et la psychothérapie? Coécrit avec Pierre Pichot, éditions Empêcheurs de Penser Rond, 1998.
« Manifeste pour une psychopathologie scientifique », in Tobie Nathan et Isabelle Stengers, Médecins et sorciers, Paris, Odile Jacob, 1998.
« Éléments de psychothérapie », in Psychothérapies (en collaboration avec Alain Blanchet, Serban Ionescu et Nathalie Zajde), Paris, Odile Jacob, Paris, 1998.
L'enfant ancêtre , La pensée sauvage, 2000.
Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2001, Le Seuil, 2015.
Le Divan et le Grigri, avec Catherine Clément, Paris, Odile Jacob, 2002 (et 2005 en poche.)
Du commerce avec les diables, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2004.
« Ceci n'est pas une psychothérapie… L'ethnopsychiatrie au Centre Georges-Devereux » (en collaboration avec Émilie Hermant), in Le Livre noir de la psychanalyse (sous la direction de Catherine Meyer), Paris, Les Arènes, 2005.
(direction) La Guerre des psy. Manifeste pour une psychothérapie démocratique, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2006.