Théodore Ratisbonne était l'un des dix enfants d'Auguste et Adélaïde Cerfberr[1]. Le nom de sa famille provient de la ville allemande de Regensburg. Il est issu d'une famille de banquiers juifs de Strasbourg[2] et le petit-fils du philanthrope et homme politique Cerf Beer. Son père, Auguste, était président du consistoire du Bas-Rhin[3] et vice-président du Comité cantonal des écoles israélites de Strasbourg.
Il fait ses études au Collège royal de sa ville natale puis étudie le droit. À l'âge mûr, il est considéré comme quelqu'un d'important dans sa communauté, qui le choisit à l'unanimité pour remplacer son ami Samson Libermann après la conversion de ce dernier au catholicisme en 1824[4].
Parcours religieux
La conversion de Libermann et de deux autres de ses amis, Émile Dreyfus et Alfred Mayer, le conduit à étudier la Bible et l'histoire de l'Église. Il y réfléchit pendant deux années et, finalement, demande le baptême en 1826. Ayant reçu la catéchèse de Louise Humann et de Louis Eugène Marie Bautain, il se fait baptiser en secret en 1827. Il ajoute à son prénom celui de « Marie » et devint donc « Marie-Théodore Ratisbonne ». Il étudie la médecine et entre au séminaire puis est ordonné prêtre en 1830.
D'abord professeur au Petit Séminaire puis vice-recteur de la cathédrale de Strasbourg, il travaille dans son diocèse natal jusqu'en 1840, date à laquelle il devient vicaire et sous-directeur de la confrérie de Notre-Dame-des-Victoires à Paris[5] où il rejoint l’Abbé Desgenettes, fondateur de l’archiconfrérie du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs, une association de prière, dont il devient le sous-directeur, et qui, bien qu'à ses débuts, témoigne de conversions miraculeuses en abondance[6].
C'est pendant son séjour dans cette ville, en 1842, que son frère Alphonse, un libre-penseur hostile à toute forme de religion, est soudain converti à Rome, et lui suggère de créer un foyer pour l'éducation catholique des enfants juifs. Il séjourne à Juilly dans le nouvel Institut de Saint-Louis fondé par Bautain et Humann (1842). Il reçoit alors les deux filles d'une dame juive qu'il convertit par la suite. Le même été, il se rend à Rome, où le pape Grégoire XVI le fait chevalier de l'ordre de Saint-Sylvestre, le félicite pour sa Vie de saint Bernard et agrée sa demande de travailler à la conversion des Juifs.
Prosélytisme
Dès l'année suivante, en 1843, il fonde la Congrégation de Notre-Dame de Sion en action de grâce pour la conversion de son frère[3] et en est nommé le supérieur général. Des maisons s'ouvrent alors pour l'éducation chrétienne des garçons et des filles juifs. Le pape Pie IX donne à Théodore Ratisbonne de nombreuses marques de son affection, et Léon XIII le nomme protonotaire apostolique.
Avec cette congrégation, Théodore Ratisbonne puis son frère Alphonse mènent campagne incessante pour convertir les israélites. En 1845, un scandale éclate quand le frère du mathématicien Olry Terquem, le docteur Lazare Terquem, est converti de force sur son lit de mort par l’abbé Théodore Ratisbonne, en présence de sa femme et de sa belle-famille (les époux Daniel) qui abjurent en 1847. Cette affaire interpelle les membres du Consistoire et l'avocat Adolphe Crémieux[7] qui protestent contre cette prétendue conversion au catholicisme auprès des autorités, sans obtenir gain de cause. Olry Terquem précise que son frère Lazare « […] était non seulement israélite, mais encore anti-catholique au suprême degré », et condamne avec énergie le comportement du père Théodore Ratisbonne qui, « […] travaillé d’une maladie qu’on peut appeler la baptisalgie, serait prêt à arroser d’eau lustrale tout un cimetière d’Israélites »[8].
D'autres affaires d'enlèvements d'enfants ou de baptêmes forcés comme les affaires Sarah Linnerviel en 1860 ou Bluth-Mallet en 1861 impliquent Théodore Rastisbonne ou la Congrégation Notre-Dame de Sion[9],[10],[11],[12].
Pensant se disculper, il participe de l'antijudaïsme en écrivant le aux sœurs de Sion : « Je crois devoir éclairer le Gouvernement sur les manœuvres des Juifs et des impies... »[13].
↑Mrejen-O’Hana Simone, « Isaac-Jacob Adolphe Crémieux, Avocat, homme politique, président du Consistoire central et de l'Alliance israélite universelle. (Nîmes, 30 avril 1796 – Paris, 10 février 1880) », Archives Juives, 2003/2 (Vol. 36), p. 139-146. Lire en ligne
↑Pour l’affaire de la mineure Élisabeth Linnewiel à Riom en 1860, voir Dominique Jarrassé, « L’Affaire de la juive », dans Les Juifs de Clermont, une histoire fragmentée, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2000, pp. 171-190. Toutes ces affaires impliquant les Ratisbonne ou d'autres autorités catholiques sont plus ou moins bien connues grâce à David Cohen, La Promotion des Juifs en France à l’époque du Second Empire, Aix-en-Provence, Université de Provence, t. 2, 1977, pp. 719-723 ; J. Maurain, La Politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 1869, Paris, F. Alcan, 1930, pp. 575-76 ; Bernard Blumenkranz, Documents modernes sur les Juifs, XVIe – XXe siècles, t. I : dépôts parisiens, Toulouse, Privat, 1979, p. 299, cet auteur donnant un résumé du contenu des dossiers d’archives dont il fournit la cote aux Archives nationales : F19/6320 et BB 18/1626.
↑Georges Jonas Weill, « L'Affaire Mortara et l'anticléricalisme en Europe à l'époque du Risorgimento », Aspects de l'anticléricalisme du Moyen Âge à nos jours (ULB), , p. 103-134 (lire en ligne [PDF])
↑« L’affaire du chanoine Mallet et l’abbé Ratisbonne », La Vérité israélite, publication hebdomadaire par des rabbins et des publicistes, t. 4, année 1861, pp. 193-199
↑Lettre du 11 mars 1861 aux sœurs de Sion, de la maison de Grandbourg ; citée par mère Bénédicta de Sion, Le T. R. Père Marie-Théodore Ratisbonne, fondateur de la Société des Prêtres et de la Congrégation des Religieuses de Notre-Dame de Sion, Paris, Libr. Poussielgue, 1905, t. 2, p. 129.