Reconnu comme une voix indépendante de son pays, il est aussi célèbre pour ses attaques sur les réseaux sociaux et dans la presse internationale contre les abus de pouvoir de l'armée pakistanaise.
À la suite d'une tentative d'enlèvement, il est contraint de vivre en exil à Paris dès le mois de .
Taha Siddiqui se considère comme un « journaliste par accident »[2]. Il commence sa carrière sur la chaîne économique CNBC en tant qu'analyste financier, avant de s'engager pour la chaîne Geo News(en)[2].
Il travaille ensuite sur des sujets liés au terrorisme, aux minorités persécutées ou encore à la corruption. Ses reportages l'ont mené dans des zones dangereuses comme les régions tribales, le Baloutchistan ou le Gilgit-Baltistan, ce qui lui vaut d'être molesté à plusieurs reprises[2].
Taha Siddiqui devient chef de bureau pour l'agence Babel Press, où il est correspondant pour France 24 et pour la chaîne indienne WION[3].
Le , il signe avec 278 autres professionnels des médias (journalistes, rédacteurs en chef et photographes) la tribune Droits voisins : l'appel des médias européens pour la survie de la presse dans Le Figaro. L'appel vise à encourager les députés européens à adopter la directive sur les droits voisins[8].
Dans son communiqué, le jury écrit que les journalistes « ont su traiter le sujet avec pudeur et sobriété en s'affranchissant des contraintes d'un formatage d'enquêtes de plus en plus en vigueur dans les rédactions et qu'[il] déplore »[12].
Tentative d'enlèvement et exil à Paris
Dès le début de l'année 2017, les organes de presses pakistanais comme Geo News(en) et Dawn subissent une forte pression de la part de l'armée pakistanaise[13].
Taha Siddiqui n'y échappe pas. En , il porte plainte devant la Haute Cour d'Islamabad(en) contre la Federal Investigation Agency qui le harcèle par téléphone, le convoquant sans explications pour un interrogatoire devant la section anti-terroriste. C'est une première dans l'histoire du journalisme au Pakistan[3]. L'ordonnance de la Haute cour ne suffit pas à stopper les intimidations et Taha Siddiqui est convoqué à nouveau ; il refuse de s'y rendre par peur d'être enlevé.
Le au matin, Taha Siddiqui est victime d'une attaque sur la route de l'aéroport d'Islamabad alors qu'il s'y rend pour prendre un vol vers Londres. Son taxi est bloqué en pleine circulation par deux voitures dont sortent une dizaine d'hommes, certains armés de kalachnikovs[14]. Pour lui, il n'y a pas de doute sur la volonté de ses agresseurs : « Comme je devais prendre l'avion pour Londres, personne ne se serait inquiété avant une vingtaine d'heures et on aurait pu raconter que j'avais choisi de disparaître à l'étranger »[15]. Roué de coups, il arrive à en réchapper grâce à une portière déverrouillée et se rend au commissariat le plus proche[16].
Après avoir rencontré le ministre de l'IntérieurAhsan Iqbal, qui lui conseille d'écrire au chef de l'armée, le général Qamar Javed Bajwa, et de lui demander pardon[17], il comprend qu'il n'est plus en sécurité et s'enfuit vers Paris avec sa femme et leur fils le [18]. Le , il publie dans le journal britannique The Guardian une lettre ouverte au chef de l'armée pakistanaise dans laquelle il exprime ses difficultés à vivre loin de son pays mais dans lequel il ne peut pas exercer son métier[17].
Safenewsrooms.org
Le , à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Taha Siddiqui lance Safenewsrooms.org, une plate-forme de médias numériques[19]. Son but est de lutter contre la censure en permettant aux journalistes d'Asie du Sud de déposer leurs enquêtes et témoignages[20]. SAFE qui signifie « sûr » ou « en sécurité » en anglais est aussi l'acronyme de South Asians for Freedom of Expression (Asiatiques du Sud pour la liberté d'expression)[20].
Safenewsrooms.org est nommé en par Reporters sans frontières pour le prix de l'indépendance qui « récompense un journaliste, un média ou une organisation pour sa résistance aux pressions financières, politiques, économiques, religieuses »[21].
En 2018, le site web n'est pas accessible au Pakistan[15].
En 2023, Dissident club : chronique d'un journaliste pakistanais exilé en France, une biographie en bande dessinée signée par Siddiqui et Hubert Maury, paraît chez Glénat.
↑ a et bFlorian Loisy et Aurélie Ladet, « Paris : Taha Siddiqui, le réfugié politique qui ouvre un bar dédié aux lanceurs d’alerte », Le Parisien, (ISSN0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
↑« « La vie du journaliste pakistanais Taha Siddiqui est en danger, la France doit l'aider » », Le Monde, (ISSN0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Taha Siddiqui, « Pakistan is my home. But as a journalist, my life is in danger there », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
↑Paul Gasnier, « Voulaient-ils me tuer, me torturer, me faire disparaître à jamais ? », Vice, (ISSN1077-6788, lire en ligne, consulté le ).