La méthode de production actuelle comprend deux étapes avec des azotures potentiellement dangereux car explosifs. Une synthèse sans azoture du Tamiflu Hoffmann-La Roche, publiée est décrite graphiquement ci-dessous[4]:
La synthèse commence à partir de l'acide (–)-shikimique. Le 3,4-pentylidène acétal mésylate, est préparé en trois étapes avec un rendement global de 80 % : estérification avec l'éthanol et le chlorure de thionyle, cétalisation avec l'acide paratoluènesulfonique (APTS) et la pentan-3-one, mésylation avec la triéthylamine et le chlorure de méthanesulfonyle. L'ouverture réductrice du cétal sous conditions de Hunter modifiées[5] produit un mélange inséparable de, majoritairement (> 80 %), mésylatediol, inintéressant et des mésylates isomériques monopentyléther dont celui recherché ne correspond qu'à environ 8 % mol. du mélange total. L'époxyde correspondant est formé sous conditions basiques avec du bicarbonate de potassium. En utilisant le diéthyl étherate de bromure de magnésium, un acide de Lewis très bon marché (et communément préparé frais par addition de copeaux de magnésiummétallique sur le 1,2-dibromoéthane dans un mélange benzène:diéthyl éther), l'époxyde est ouvert avec l'allylamine pour former l'aminoalcool-1,2 correspondant. Les solvants méthyl tert-butyl éther et acétonitrile, non miscibles à l'eau, sont utilisés pour simplifier la purification qui consiste à agiter le mélange réactionnel avec une solution aqueuse 1M de sulfate d'ammonium. Une réduction sur palladium, catalysée avec de l'éthanolamine suivie par une purification acide fournit l'aminoalcool-1,2 déprotégé (N-désallylation). Cet aminoalcool est converti directement en l'allyl-diamine correspondante par une intéressante séquence en cascade qui commence par une imination (formation d'une imine) non sélective du benzaldéhyde avec élimination de l'eau par l'azéotrope qu'elle forme avec le méthyl tert-butyl éther. Puis une mésylation suivie de l'élimination du chlorhydrate de triéthylamine, un coproduit solide, forme un intermédiaire qui subit une aziridination (formation d'un cycleaziridine) simultanément à une transimination avec un autre équivalent d'allylamine. Avec l'acide méthylsulfonique libéré, l'aziridine s'ouvre proprement pour former la diamine qui subit immédiatement une seconde transimination. Une hydrolyseacide élimine l'imine. Une acylation sélective avec l'anhydride acétique (sous conditions tamponnées, le groupe 5-amino est protoné en raison de son pKa de 4,2 -considérablement plus bas qu'un pKa attendu aux alentours de 8 pour ce genre de groupe- ce qui empêche son acétylation) donne le produit N-acétylé désiré sous forme cristalline après purification. Finalement, une désallynation comme précédemment, produit l'oseltamivirfree base qui est converti en le phosphate d'oseltamivir désiré par traitement avec l'acide phosphorique. Ce produit final est obtenu avec une très bonne pureté de 99,7 % et avec un rendement général de 17 à 22 % à partir de l'acide (–)-shikimique.
Il est à noter que cette synthèse permet d'éviter l'utilisation de réactifs et d'intermédiaires azotures potentiellement explosifs mais la synthèse effectivement mise en œuvre par Hoffmann-La Roche les utilise. Hoffmann-La Roche connaît d'autres voies vers l'oseltamivir qui n'impliquent pas l'utilisation d'acide shikimique comme composé de départ possédant une chiralité définie. Une de ces voies exploite une réaction de Diels-Alder impliquant l'acrylate d'éthyle et des furanes, une autre voie l'acide isophtalique qui implique une hydrogénationcatalytique et une désymétrisationenzymatique.
Synthèse de Corey
En 2006, l'équipe d'Elias James Corey publie une nouvelle route contournant l'acide shikimique et partant du butadiène et de l'acide acrylique[6]. Les inventeurs ont choisi de ne pas breveter cette procédure en 11 étapes, décrite ci-dessous :
Une seconde réaction de Mitsunobu forme alors l'aziridine (14), prête pour une réaction d'ouverture de cycle avec le pentan-3-ol (15) catalysée par du trifluorure de bore et qui forme l'éther (16). Dans l'étape finale, le groupe protecteur BOC est retiré (HCl) puis par réaction avec l'acide phosphorique, le phosphate d'oseltamivir (17) est formé.
En 2008, le groupe de Barry M. Trost de l'Université Stanford publie la plus courte voie de synthèse de l' oseltamivir de bonne stéréoisomérie (9) à ce jour[10].
Synthèse de Hayashi
En 2009, Hayashi Yujiro et son équipe mettent au point avec succès une voie de synthèse efficace et peu coûteuse pour préparer l'oseltamivir de bonne stéréoisomérie (3R,4R,5S). Leur objectif était de concevoir une procédure adaptée à la production à grande échelle. En gardant à l'esprit le coût, le rendement et le nombre d'étapes de synthèse, une synthèse totale énantiosélective du l'oseltamivir a été réalisée grâce à trois réactions one-pot[11],[12]. Ces réactions monotopes leur a donc permis d'effectuer plusieurs étapes de réaction en même temps, ce qui a finalement minimisé le nombre d'étapes de purification nécessaires et les pertes qu'elles engendrent et permis un fort gain de temps.
Dans la première synthèse one-pot, l'équipe de Hayashi Yujiro commence par utiliser le diphénylprolinol silyl éther (4)[13] comme catalyseurorganique pour effectuer une addition de Michael asymétrique de l'alcoxyaldéhyde (2) et du nitroalcène (3) et donnant l'adduit de Michael de bonne énantiomérie. Lors de l'addition d'un dérivé de phosphate de diéthyle et de vinyle (5) à l'adduit de Michael, une réaction de Michael en domino et une réaction de Horner-Wadsworth-Emmons se produisent en raison du dérivé avec le groupe phosphonate issu de 5. Pour transformer des sous-produits indésirables en le dérivé cyclohexéncarboxylate d'éthyle désiré, le mélange du produit et des sous-produits est traité avec du carbonate de césium, Cs2CO3 dans de l'éthanol. Cela provoque une rétro-réaction Michael sur un des sous-produits et une rétro-réaction aldol accompagnée d'une réaction de Horner-Wadsworth-Emmons sur un autre. Les deux sous-produits sont ainsi convertis avec succès en le dérivé souhaité. Finalement, l'addition de p-toluènethiol en présence du Cs2CO3 donne 6 avec un rendement de 70% après avoir été purifié par chromatographie sur colonne, avec un bon excès énantiomérique pour le stéréoisomère souhaité[11].
La synthèse monotope finale commence par un réarrangement de Curtius de l'acylazoture (7) pour produire un groupe fonctionnel isocyanate à température ambiante. Le dérivé isocyanate réagit alors avec l'acide acétique pour donner le fragment acétylamino souhaité trouvé dans l'oseltamivir (1). Ce réarrangement de Curtius en domino et la formation de cette amide se produisent en l'absence de chaleur, ce qui est extrêmement bénéfique pour réduire tout risque possible d'accident dû à la chaleur. Le groupe nitro de 7 est réduit en l'amine souhaitée dans 1 avec le couple zinc et chlorure d'hydrogène, HCl. En raison des conditions dures de la réduction nitro, l'ammoniac, NH3 est ajoutée pour réduire la réaction. Du carbonate de potassium est ensuite ajouté pour donner 1, via une rétro-réaction de Michael du thiol. L'oseltamivir est ensuite purifié par une extraction acide / base. Le rendement global pour la synthèse totale de l'oseltamivir est de 57%[11]. L'utilisation de réactifs bon marché et non dangereux a permis d'obtenir une voie de synthèse efficace et à haut rendement permettant de produire une grande quantité de nouveaux dérivés dans l'espoir de lutter contre les virus résistants à l'oseltamivir.
Synthèse de Kongkathip
Cette étude publiée en 2015, un nouveau procédé de fabrication, plus rapide et plus efficient, a été mis au point, à partir de la molécule D-glucose, produit très abondant et très peu coûteux[14].
En 7 étapes à partir du D-glucose, un étude précédente permet d'obtenir le 3-amino-3-désoxy-1,2-O-(1-méthyléthylidène)-
α-D-xylofuranose (2)[15] dont la fonction amine est protégée par BOC via une réaction avec BOC2O pour pouvoir le ioder et obtenir 4.
4 subit une réaction en deux étapes, dérivée de Bernet-Vasella qui, elle, fournit un mélange de 5a et 5b équimolaire. Le zinc activé permet la fragmentation réductrice de 4, la poudre d'indium promeut le couplage entre l'aldéhyde intermédiaire et le bromoacrylate d'éthyle et finalement un mélange 3:1 en faveur du bon stéréoisomère est obtenu avec un rendement global de 82%. 5a et 5b sont séparés par chromatographie flash sur colonne.
La protection des groupes hydroxyle de 5a et 5b par traitement avec le chlorure de méthanesulfonyle, MsCl fournit les mésylates6a et 6b avec un bon rendement. Ces derniers sont traités avec 2 équivalents d'hydrure de sodium, NaH dans un mélange 30:1 de dichlorométhane et de diméthylsulfoxyde, DMSO à température ambiante et les aziridines7a et 7b désirées sont obtenues. Celles-ci mises à réagir avec un catalyseur de Hoveyda-Grubbs de seconde génération et contenant des ions ruthénium, subissent une métathèse qui les cyclisent, fournissant ainsi les bicycles8a et 8b avec des rendements de 60% et 49%, respectivement.
Les N-BOC aziridines 8a et 8b sont immédiatement mises en présence de BF3.OEt2 et d'un large excès de pentan-3-ol qui provoquent l'ouverture régio- et stéréospécifique du cycle aziridine avec l'insertion correcte du pentan-3-ol dans 9a et 9b. 9a réagit en deux étapes pour fournir le dérivé azoture (11) tandis que 9b le fournit directement (ci-dessus)
Finalement, l'amine-BOC de 11 est converti en l'acétyl-amine présente sur l'oseltamivir par traitement avec l'acide trifluoroacétique, TFA dans le dichlorométhane puis acétylé dans 12 avec de l'anhydride acétique. Le groupe azoture est ensuite réduit par hydrogénation avec un catalyseur de Lindlar et fournit alors l'oseltamivir (13) qui peut être facilement converti en le phosphate d'oseltamivir, Tamiflu par traitement avec 1,2 équivalent d'acide phosphorique dans l'éthanol. Le rendement global des 9 étapes pour passer de 4 au Tamiflu est de 7,2%[14].
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