Le genre Strobilurus est issu de la scission du genre Pseudohiatula, une création de 1938 regroupant une partie de l'ancienne conception des genres Collybia et Marasmius. Il s'avère que le critère principal ayant fondé ce genre, la structure particulière du pileus de la cuticule, n'est pas suffisant. En 1962, le mycologue allemand Rolf Singer créé alors le genre Strobilurus avec pour base l'espèce typeStrobilurus conigenoides. Ses critères distinctifs sont le développement sur cônes, l'aspect collybioïde, des hyphes simples, des spores inamyloïde, une cuticule hyméniforme, la présence de cystides et une base de tomenteuse radicante. Il comprend alors trois espèces européennes en plus de l'espèce type : S. stephanocystis, S. tenacellus et S. esculentus[1],[4].
Le terme Strobilurus est dérivé du latinstrobilo qui provient lui-même du grec ancienστρόβιλος, stróbilos, signifiant entre autres « cône de conifère ».
En 1971, le mycologue américain Phyllis E. Kempton fait la monographie du genre pour les espèces d'Amérique du Nord. Six autres espèces sont alors reconnues : S. albipilatus, S. wyomingensis, S. lignitilis, S . occidentalis, S . trullisatus, S . conigenus et S. kemptoniae[4] ; les deux dernières ayant été synonymisées depuis. En 1994, S. ohshimae est décrite depuis le Japon, tout comme S. luchuensis en 2016[5]. S.diminutivus est décrite en 2000 depuis les montagnes californiennes aux USA[5]. Quant à S. orientalis et S. pachycystidiatus, elles ont été décrites depuis la Chine en 2018[5],[6]. Lors de cette dernière étude, internationale, un groupe distinct apparaît, correspondant à une espèce pas encore décrite ; ses spécimens ayant été récoltés sur des cônes de Pinus peuce en Macédoine du Nord.
En 2018, des recherches moléculaires démontrent que Strobilurus est un groupe cohérent monophylétique, à l'exception de S. ohshimae. Les analyses biogéographiques indiquent que les échanges historiques d'espèces entre l'Asie de l'Est, l'Europe et l'Amérique du Nord, la vicariance ultérieure et la spécificité des substrats ont contribué conjointement à la diversification de Strobilurus. L'association avec les cônes de Pin semble être ancestrale, suivie de transitions vers ceux de Magnolia, de Picea, Pseudotsuga et Tsuga[6].
Arbre phylogénétique
Cet arbre phylogénétique du genre Strobilorus est construit à partir des travaux de 2018 de Quin (Chine), Horak (Autriche), Popa (Allemagne) et Rexer (Allemagne)[6]. Entre parenthèses, se trouvent les arbres dont les cônes sont des hôtes prouvés des espèces mentionnées.
Le genre Strobilurus représente de petits champignons à pied fin et au chapeau à chair molle plus ou moins élastique et putrescible ; caractéristiques de l'ancienne classification des Collybies. Il partage avec sa famille des Physalacriaceae sa sporée blanche et son pied radicant. Ses principaux critères distinctifs sont sa biologie : il se développe sur des cônes ainsi que la coloration claire du haut de son pied[7].
Il s'agit d'un champignon au chapeau plat, faiblement conique, partiellement bombé au milieu, de 1 à 3 cm de large ; cette silhouette est dite « collyboïde ». Le jeune sporophore a une couleur beige à gris-brun blanchissant en vieillissant. Les lamelles sont échancrées, d'abord grisâtres, puis blanches et parfois crèmes, densément à moyennement serrées. Le pied est blanc se ternissant en vieillissant, sa partie supérieure étant toujours plus claire. Mince, il mesure de 20 à 80 mm de haut et présente une racine plus ou moins longue en fonction du substrat[1],[8].
Les spores sont elliptiques, étroites et à trames régulières. Elles sont inamyloïde et restent hyalines[1]. Elles mesurent de 4 à 5 µm de long et pour 2,5 à 3 µm de large[8].
Confusions possibles
D'autres champignons se développant également dans les cônes peuvent avoir un aspect similaire :
La Collybie queue de souris (Baeospora myosura), sur les cônes de Pins ou d'Épicéas. Chapeau également collyboïde, le pied n'est pas plus clair dans sa partie supérieure et ses lames sont plus serrées[8].
Quelques Mycènes vraies à l'écologie similaire telles que la Mycène des cônes d'épicéa (Mycena plumipes) sur les cônes d'épicéa, la Mycène fleur des neiges (Mycena flos-nivium), Mycena laevigata et la Mycène de la forêt noire (Mycena sylvae-nigrae) sur différents conifères ainsi que la Mycène des cônes de pin (Mycena seynii) sur les pins. Elles se différencient principalement par leur silhouette franchement conique, dite « mycènoïde »[7].
Écologie et distribution
Le genre Strobilurus est saprophyte, se développant sur des cônes sénescents de conifères à l'exception de S. conigenoides qui apprécie les cônes de Magnolias et les espèces chinoises les fruits de Liquidambars. S. esculentus est plus spécifique aux cônes d'Épicéas quand S. stephanocystis, S. luchuensis et S.pachycystidiatus préfèrent les cônes de Pins ; ce dernier étant plus spécifique à ceux de Pinus armandii. S. occidentalis, S. esculentus, S. trullisatus, S. wyomingensis, S. lignitilis, et S. orientalis portent une préférence plus ou moins marquée pour les cônes de quelques genres de Pinaceae. Quant à S. lignitilis, il présente la plus faible spécificité de substrat et apprécie les cônes de Pseudotsuga (dont le Sapin de Douglas), de Tsuga, de Picea, et aussi le bois en décomposition de conifères et de feuillus tels que les Bouleaux[4],[8],[6].
Le genre est holarctique, appréciant le climat tempéré. Il est présent en Amérique du Nord, en Europe, à l'Est de la Chine et au Japon. L'espèce la plus cosmopolite et courante est Strobilurus esculentus, la Collybie des cônes d'Épicéa[1],[4],[6]. Trois espèces sont présentes en France[8], une espèce au Québec[9].
Usages
Strobilurus tenacellus, entre autres champignons, est à l'origine de la découverte de la strobilurine, l'une des classes de fongicide agricole les plus utilisées de par le monde depuis 1996[10].
Ensemble des espèces
Est regroupé ici l'ensemble des espèces reconnues selon Index Fungorum[5] ; liste pondérée par les études phylogénétiques de 2018 de Qin et al.[6]. Les espèces présentes en France selon l'INPN sont annotées avec un « F » ; celle du Québec avec un « Q ». L'espèce décrite en 2019 depuis la France par Régis Courtecuisse sous le nom Strobilurus griseus[11] est recombinée en Pseudohiatula grisea[12]. S. diminutivus serait une sous-espèce de S. tenacellus. Quant à S. albipilatus, de définition trop large, ce serait un synonyme de S. lignitilis ; de même, S. kemptoniae est un synonyme de S. trullisatus[6].
Clé de détermination et description des espèces européennes et d'Amérique du Nord (1980) : (en) Scott A. Redhead, « The genus Strobilurus (Agaricales) in Canada with notes on extralimital species », Canadian Journal of Botany, vol. 58, no 1, , p. 68–83 (DOI10.1139/b80-009).
Clé de détermination mondiale et description des espèces (2018) : (en) Jiao Qin, Egon Horak, Flavius Popa et Karl-Heinz Rexer, « Species diversity, distribution patterns, and substrate specificity of Strobilurus », Mycologia, vol. 110, no 3, , p. 584–604 (DOI10.1080/00275514.2018.1463064)
Notes et références
↑ abcd et e(en) Singer, Rolf., « New genera of Fungi—VIII. », Persoonia - Molecular Phylogeny and Evolution of Fungi, vol. 2, no 3, , p. 407–415. (lire en ligne)
↑Didier Borgarino et Christian Hurtado, Champignons de Provence, Édisud, , p. 290
↑ abc et dScott A. Redhead, « The genus Strobilurus (Agaricales) in Canada with notes on extralimital species », Canadian Journal of Botany, vol. 58, no 1, , p. 68–83 (DOI10.1139/b80-009)
↑ abcdef et g(en) Jiao Qin, Egon Horak, Flavius Popa et Karl-Heinz Rexer, « Species diversity, distribution patterns, and substrate specificity of Strobilurus », Mycologia, vol. 110, no 3, , p. 584–604 (DOI10.1080/00275514.2018.1463064)
↑ a et bEyssartier, Guillaume, Champignons : tout ce qu'il faut savoir en mycologie, Paris, Belin, , 303 p. (ISBN978-2-410-01510-2)
↑ abcdefg et hGuillaume Eyssartier et Pierre Roux, Guide des champignons France et Europe, Paris, Belin, septembre 2017 (4e édition), 1152 p. (ISBN978-2-410-01042-8).
↑(en) Dave W Bartlett, John M Clough, Jeremy R Godwin et Alison A Hall, « The strobilurin fungicides », Pest Management Science, vol. 58, no 7, , p. 649–662 (DOI10.1002/ps.520, lire en ligne, consulté le )