Un semi-anneau d'ensembles (généralement abrégé en semi-anneau) est une classe de parties d'un ensemble X à partir de laquelle on construit facilement un anneau d'ensembles. C'est un cadre commode pour commencer plusieurs constructions classiques de mesures.
Définition
Définition — Un semi-anneau d'ensembles est un ensemble de parties d'un ensemble qui vérifie :
Lorsque de surcroît l'ensemble est élément de , on dit que est une semi-algèbre d'ensembles.
Exemples
L'ensemble des intervalles de est une semi-algèbre de parties de (la différence ensembliste de deux intervalles pouvant être décrite, selon leur position relative, comme réunion disjointe de zéro, un ou deux intervalles).
L'ensemble des intervalles bornés de est un semi-anneau mais pas une semi-algèbre.
L'ensemble des intervalles vides ou de la forme () est un semi-anneau inclus dans le précédent.
Étant donnés deux semi-anneaux et sur des ensembles et , l'ensemble des produits , est un semi-anneau sur le produit Même lorsque et sont des algèbres, ce peut ne pas être un anneau (mais c'est bien sûr alors une semi-algèbre)[1]. Ainsi l'ensemble des produits de intervalles bornés, ou l'ensemble des produits de la forme sont-ils des semi-anneaux de parties de .
Extension d'une mesure d'un semi-anneau à un anneau
Proposition — Le plus petit anneau d'ensembles qui contienne un semi-anneau donné est l'ensemble des unions finies d'éléments de . C'est aussi l'ensemble des unions finies disjointes d'éléments de .
Dans l'énoncé d'extension qui suit, on entend par « mesure » sur une classe contenant le vide une application de vers nulle sur le vide et σ-additive[3].
Proposition[4] — Soit un semi-anneau et une mesure sur . Alors admet un prolongement et un seul en une mesure définie sur l'anneau d'ensembles engendré par .
L'unicité est claire, vu l'additivité des mesures et la description des éléments de l'anneau engendré par : nécessairement si un élément de cet anneau s'écrit pour des éléments du semi-anneau , on doit avoir . Pour l'existence, on prend cette formule pour définition de l'extension, en vérifiant préalablement qu'elle ne dépend pas du découpage de utilisé, puis on s'assure qu'elle définit bien une mesure sans rencontrer d'obstacle significatif.
Les énoncés analogues utilisant des semi-algèbres au lieu des semi-anneaux et des algèbres d'ensembles au lieu des anneaux d'ensembles sont également vrais, et se déduisent aussitôt de ceux qui sont donnés ici[5]. L'usage des uns ou des autres est souvent indifférent : travailler sur des semi-algèbres est cohérent avec l'objectif terminal de construire une mesure sur une σ-algèbre et évite d'avoir à introduire le concept supplémentaire d'« anneau » ; travailler sur des semi-anneaux permet d'alléger la vérification initiale de σ-additivité et se justifie par ailleurs pleinement quand on a pour objectif de construire des mesures sur des σ-anneaux ou δ-anneaux.
Un des modes de construction de la mesure de Lebesgue sur consiste à définir le volume d'un pavé droit produit d'intervalles bornés (fermés, ouverts ou semi-ouverts) d'extrémités notées et . Le volume est simplement le produit des longueurs des côtés :
Cette construction débute par l'invocation, explicite ou implicite, de la proposition énoncée ci-dessus afin d'étendre dans un premier temps la mesure à l'anneau d'ensembles de toutes les unions d'intervalles bornés. L'intérêt des semi-anneaux apparaît nettement ici, car les énoncés qui précèdent, complétés par le théorème d'extension de Carathéodory pour l'étape suivante de l'extension, montrent que la σ-additivité de la mesure découle in fine d'une vérification de σ-additivité où on peut se limiter à manipuler des pavés.
On trouvera ci-dessous en boîte déroulante le détail de cette vérification[6], qui n'est pas triviale et fournit un exemple de manipulations sur un semi-anneau.
Preuve que le volume est sigma-additif sur le semi-anneau des produits d'intervalles bornés
Notons le semi-anneau des produits d'intervalles bornés, définit une mesure sur ce semi-anneau.
On montre d'abord que est additive, au sens suivant : si est un pavé dans et est réunion disjointe d'une famille finie où chaque est lui aussi dans , le volume du gros pavé est somme des volumes des [7].
On doit ensuite montrer que est une mesure, c'est-à-dire qu'elle est σ-additive. Pour le prouver, soit donc un pavé élément de , et supposons qu'on dispose d'une partition de comme union disjointe dénombrable de pavés de :
.
On doit montrer l'égalité :
.
L'inégalité dans un sens ne demande pas d'idée particulièrement ingénieuse. Pour fixé, la différence est dans l'anneau engendré par , donc est réunion disjointe finie d'éléments ,..., de . Le pavé est donc réunion disjointe finie de pavés dont tous les pour variant de 1 à ; la positivité et l'additivité de entraînent alors :
.
En faisant tendre vers l'infini on conclut :
.
Pour l'inégalité réciproque, on commence par fixer un et inclure chaque dans un pavé produit d'intervalles ouverts dont le volume soit inférieur ou égal à . De la même façon, on considère un pavé produit d'intervalles fermés, contenu dans et dont le volume soit supérieur ou égal à .
Le pavé Q est compact comme fermé borné de et les ouverts le recouvrent. On peut extraire une sous-famille qui le recouvre toujours, mais à l'ensemble d'indices fini.
Par additivité finie et positivité de sur le semi-anneau , l'inclusion ensembliste suivante (dans laquelle la réunion n'a aucune raison d'être disjointe et où n'interviennent qu'un nombre fini d'éléments du semi-anneau) :
fournit l'inégalité :
et a fortiori :
qu'on peut incorporer dans la chaîne d'inégalités :
Il n'y a plus qu'à faire tendre vers 0 pour conclure.
Construction de mesures sur la droite réelle par le procédé de Stieltjes
Toute mesure localement finie sur la droite réelle peut se construire par un procédé généralisant celui exposé ci-avant. Il est opportun d'utiliser le semi-anneau des intervalles vides ou de la forme ().
Pour toute fonction croissante de vers , continue à droite, on construit une mesure sur ce semi-anneau en posant :
↑L'ouvrage de Bogachev utilisé pour source des deux énoncés qui précèdent mentionne également leur validité pour des semi-algèbres.
↑Achim Klenke, Probability theory, a comprehensive course, Springer, (ISBN978-1-84800-047-6), p. 25-26.
↑J.H. Williamson juge ce point « élémentaire » (« elementary ») mais aussi « plutôt ennuyeux » (« rather tedious ») Lebesgue integration, Holt, Rinehart and Winston, , p. 18. Pour Frank Jones, écrire les détails est « extrêmement ennuyeux » (« extremely tedious ») (en) Lebesgue integration on Euclidean space, Boston/London, Jones & Bartlett Publishers, , 588 p. (ISBN0-7637-1708-8, lire en ligne), p. 28. On pourra se faire une opinion en écrivant soi-même ces détails ou en les lisant dans (de) Mass- und Integrationstheorie, Berlin, Walter de Gruyter, coll. « De Gruyter Lehrbuch », , 2e éd., 260 p. (ISBN3-11-013626-0), p. 18-19 ou Allan Weir, Lebesgue integration and measure, Cambridge University Press, , p. 71-73.