Au milieu du XIXe siècle, l'Armée britannique est le sujet de plusieurs débats politiques. Si elle gagne de nombreuses guerres coloniales, la guerre de Crimée en 1854-1856 démontre qu'elle manque d'effectifs (à cause des troupes dispersées dans tout l'empire), que ses officiers généraux manquent de professionnalisme et son intendance d'efficacité. La mutinerie des troupes indiennes en 1857-1858 eut comme conséquence l'intégration des troupes de la Compagnie des Indes orientales, augmentant la liste des régiments, le plus souvent composés d'un seul bataillon. Une commission fut donc mandatée en 1858 pour proposer des améliorations, mais son rapport rendu en 1862 déclencha de vives oppositions[1].
Quand le Parti libéral gagne les élections de 1868, le nouveau premier ministreWilliam Gladstone soutient une première série de réformes qui portèrent le nom du secrétaire d'État à la GuerreEdward Cardwell, de 1868 à 1874 (les Cardwell Reforms) : interdiction des châtiments corporels, amélioration du recrutement, augmentation de la solde, réduction du service militaire à six ans (permettant de disposer ensuite de réservistes), adoption du fusil Martini-Henry, abolition de l'achat des commissions par les officiers (la noblesse perd le contrôle des régiments, au profit d'un corps d'officiers moins incompétents) et recrutement régional des hommes (chaque régiment ayant un territoire de recrutement)[1]. De 1867 à 1871, l'Armée britannique se retire du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, laissant à ces territoires le soin de lever leurs propres unités[2], ce qui libère quelques effectifs.
Après une période où le gouvernement est confié aux conservateurs (2e gouvernement Disraeli de 1874 à 1880), Gladstone et les libéraux reviennent au pouvoir en , cette fois avec Hugh Childers comme secrétaire d'État à la Guerre. Juste après les défaites britanniques d'Isandhlwana () contre les Zoulous, de Maiwand () contre les Afghans et de Majuba () contre les Boers[3], Childers lance une nouvelle série de réformes militaires, les Childers Reforms, par le General Order 41/1881, daté du , complété par le General Order 70/1881 du .
Refonte de l'organisation
Seule l'infanterie est concernée par la refonte ; la cavalerie, l'artillerie et la Garde ne sont pas touchées.
Avant cette réforme, les régiments d'infanterie étaient composés d'un ou deux bataillons d'active (regular), complétés par des régiments de milice et des bataillons de volontaires en cas de besoin. L'ensemble est réorganisé, le nombre de régiments est réduit, les bataillons de miliciens et de volontaires sont intégrés dans les régiments d'infanterie, prenant un numéro de bataillons à la suite des bataillons réguliers. Les régiments n'ont qu'une vocation administrative, les bataillons sont envoyés séparément en opération.
Tous les régiments d'infanterie perdent leur numéro, leur nom se résumant essentiellement au nom du « district régimentaire » (Regimental District) correspondant à un comté, ou une partie, ou un regroupement (la taille variant en fonction de la population). Mis à part pour les 25 premiers régiments, leur nombre est réduit en amalgamant deux régiments en un seul, avec un nouveau nom. Théoriquement, chacun des nouveaux régiments doivent comporter deux bataillons d'active (dont le premier doit être disponible en permanence pour servir outre-mer), deux de milice et un de réservistes (nombre très variable dans la pratique).
Cette refonte de l'organisation régimentaire s'accompagne d'une standardisation des couleurs distinctives des uniformes (au col et aux manches), en fonction de la nationalité : blanc pour les régiments anglais et gallois, vert pour les irlandais, jaune pour les écossais et bleu foncé pour ceux bénéficiant de la mention Royal dans leur nom.
Nouveaux noms
La nouvelle liste des régiments d'infanterie est publiée le [4], entraînant de vives réactions conservatrices, notamment parmi les militaires des régiments amalgamés.
L'organisation mise en place en 1881 perdure jusqu'au milieu du XXe siècle. La seconde guerre des Boers (1899-1902) met en lumière le manque d'effectif de l'Armée britannique, l'armée de Childers ne pouvant envoyer que l'équivalent d'un seul corps d'armée sans réduire ses garnisons outre-mer[5], d'où dans un premier temps la création de plusieurs nouveaux bataillons réguliers (d'active) au sein des régiments. Les réformes Haldane de 1907, créant la Territorial Force, permettent de libérer assez de bataillons pour autoriser en l'envoi d'un petit Corps expéditionnaire britannique composé de deux corps d'armée (soit quatre divisions d'infanterie).
Les deux conflits mondiaux entraînent une très forte augmentation des effectifs de l'armée, par création d'un grand nombre de bataillons supplémentaires au sein des régiments, notamment ceux ayant un district de recrutement très urbanisé[6]. Le retour au temps de paix entraîne la dissolution des bataillons surnuméraires.
En 1921, les régiments de cavalerie sont à leur tour amalgamés deux à deux pour la majorité d'entre-eux (le combat à cheval ayant perdu sa pertinence) ; quelques régiments d'infanterie complétèrent leur nom avec l'apport d'un Royal. En 1922, la fondation de l'État libre d'Irlande a pour conséquence la suppression des cinq régiments irlandais casernés dans la partie sud de l'île : les Connaught Rangers, Leinster Regiment, Royal Dublin Fusiliers, Royal Irish Regiment et Royal Munster Fusiliers. Le nombre de régiments est réduit en 1957 et 1966 (Defence White Paper) avec deux séries d'amalgames de régiments, puis de façon plus radicale en 1990 (Options for Change) et 2003 (Delivering Security in a Changing World) pour tenir compte de l'évolution du contexte, la fin de la guerre froide autorisant d'importantes réductions d'effectifs.
↑(en) Stephen Badse, Doctrine and Reform in the British Cavalry 1880-1918, Aldershot, Ashgate Publishing, , 360 p. (ISBN978-0-7546-6467-3, lire en ligne), p. 37.
↑Les deux records furent le London Regiment (fondé en 1908 avec les bataillons territoriaux du Royal Fusiliers) avec un total de 88 bataillons levés lors de la Première Guerre mondiale, et le Northumberland Fusiliers (recruté dans l'agglomération de Newcastle upon Tyne) avec 52 bataillons.