Règle de la double liaison

La règle de la double liaison est une règle informelle de la chimie selon laquelle les éléments chimiques à partir de la 3e période du tableau périodique tendent à former des liaisons simples plutôt que des liaisons multiples[1]. Lorsqu'elles existent, les liaisons multiples de ces éléments (essentiellement doubles liaisons et triples liaisons) sont alors généralement faibles en raison du faible recouvrement des orbitales n > 2 entre les deux atomes, où n est le nombre quantique principal des électrons de valence. Bien que les composés résultants ne soient généralement pas intrinsèquement instables, ils tendent plutôt à polymériser. C'est par exemple le cas lors de la condensation du disoufre S2, qui polymérise rapidement, à la différence de l'oxygène O2, son analogue plus léger. Il existe de nombreuses exceptions à cette règle[2].

Doubles liaisons

Doubles liaisons du carbone et d'éléments voisins
  B
(n = 2)
C
(n = 2)
N
(n = 2)
O
(n = 2)
Si
(n = 3)
P
(n = 3)
S
(n = 3)
B Diborènes. Alkylidèneboranes. Aminoboranylidènes (rares)[3]. Oxoboranes (rares) oligomérisation rapide[4]. Borasilènes (rares)[5]. Boranylidènephosphanes (rares), avec des composés stables[6]. Thioxoboranes (rares)[7].
C   Alcènes. Imines. Composés carbonylés. Silènes. Phosphaalcènes (en). Thiocétones.
N   Composés azoïques. Composés nitroso. Silanimines (rares), à l'oligomérisation facile, observé à basse température[8]. Phosphazènes (P=N). Sulfilimines.
O   Oxygène singulet. Silanones, à liaisons Si=O très réactives, qui s'oligomérisent en siloxanes. Nombreux composés, comme les oxydes de phosphine, phosphonates, Phosphinates, phosphates. Sulfinyles.
Si   Disilènes. Silylidènephosphanes, également appelés phosphasilènes (en) (rares)[9]. Silanethiones (rares), qui s'oligomérisent facilement[10].
P   Diphosphènes (en). Composés courants tels que les thiophosphates (en) et les sulfures de phosphine comme le sulfure de triphénylphosphine et certains dithiadiphosphétanes (en).
S   Disoufre, thiothionyles (en).

Triples liaisons

Triples liaisons du carbone et d'éléments voisins
  B
(n = 2)
C
(n = 2)
N
(n = 2)
O
(n = 2)
Si
(n = 3)
P
(n = 3)
S
(n = 3)
Ge
(n = 4)
As
(n = 4)
B Diborynes. Certains borata-alcynes ont été observés[11]. Observé dans le (t-Bu)BN(t-Bu) (un iminoborane).
C   Alcynes. Cyanures. Monoxyde de carbone (C≡O). Silynes[12]. Phosphoalcynes. Monosulfure de carbone (C≡S).   Arsaalcynes.
N   Diazote, diazoniums.   Nitrure de phosphore (P≡N).   Arsa-diazonium[13]
O   La liaison du monoxyde de silicium moléculaire gazeux présente des analogies avec celle du monoxyde de carbone[14].  
Si   Disilynes.  
P   Diphosphore.  
S   Observé dans (I2)2S22+[15].  
Ge   Digermynes (en).  
As   Monophosphure d'arsenic (As≡P).  

Notes et références

  1. (en) P. Jutzi, « New Element‐Carbon (p‐p)π Bonds », Angewandte Chemie International Edition in English, vol. 14, no 4,‎ , p. 232-245 (DOI 10.1002/anie.197502321, lire en ligne).
  2. (en) R. West, « Multiple bonds to silicon: 20 years later », Polyhedron, vol. 21, nos 5-6,‎ , p. 467-472 (DOI 10.1016/S0277-5387(01)01017-8, lire en ligne).
  3. Des recherches ont été conduites sur l'isomérisation de B=NH2 en iminoborane HBNH à triple liaison : (en) Victor M. Rosas-Garcia et T. Daniel Crawford, « The aminoboranylidene–iminoborane isomerization », Journal of Chemical Physics, vol. 119, no 20,‎ , p. 10647-10652 (DOI 10.1063/1.1620498, Bibcode 2003JChPh.11910647R, lire en ligne).
  4. (en) Dragoslav Vidovic, Jennifer A. Moore, Jamie N. Jones et Alan H. Cowley, « Synthesis and Characterization of a Coordinated Oxoborane:  Lewis Acid Stabilization of a Boron−Oxygen Double Bond », Journal of the American Chemical Society, vol. 127, no 13,‎ , p. 4566-4567 (PMID 15796509, DOI 10.1021/ja0507564, lire en ligne).
  5. (en) D. Franz, Tibor Szilvási, A. Pöthig et S. Inoue, « Isolation of an N‐Heterocyclic Carbene Complex of a Borasilene », Chemistry–A European Journal, vol. 25, no 47,‎ , p. 11036-11041 (PMID 31241215, DOI 10.1002/chem.201902877, S2CID 195660396, lire en ligne).
  6. Par exemple, Ar*P=B(TMP)2, où Ar* représente le 2,6-dimésityle-phényle et TMP représente la 2,2,6,6-tétraméthylpipéridine : (en) Eric Rivard, W. Alexander Merrill, James C. Fettinger, Robert Wolf, Geoffrey H. Spikes et Philip P. Power, « Boron−Pnictogen Multiple Bonds:  Donor-Stabilized P=B and As=B Bonds and a Hindered Iminoborane with a B≡N Triple Bond », Inorganic Chemistry, vol. 46, no 8,‎ , p. 2971-2978 (PMID 17338516, DOI 10.1021/ic062076n, lire en ligne).
  7. (en) N. Tokitoh, M. Ito et R. Okazaki, « Formation and reactions of a thioxoborane, a novel boron-sulfur double-bond compound », Tetrahedron letters, vol. 37, no 29,‎ , p. 5145-5148 (DOI 10.1016/0040-4039(96)01039-8, lire en ligne).
  8. (en) Steven S. Zigler, Robert West et Josef Michl, « Observation of a silanimine in an inert matrix and in solution at low temperature », Chemistry letters, vol. 15, no 6,‎ , p. 1025-1028 (DOI 10.1246/cl.1986.1025, lire en ligne).
  9. Par exemple, Ar*tBuSi=PAr*, où Ar* représente le 2,4,6-trisiopropylphényle et tBu représente le groupe tert-butyle : (de) M. Driess, S. Rell et K. Merz, « Ungewöhnliche Reaktivität der Silicium-Phosphor-Doppelbindung in einem Silyliden(fluorsilyl)phosphan: intramolekulare C,H-Inserierung und seine Umwandlung in ein neues Silyliden(silyl)phosphan », Zeitschrift für anorganische und allgemeine Chemie, vol. 625, no 7,‎ , p. 1119-1123 (DOI 10.1002/(sici)1521-3749(199907)625:7<1119::aid-zaac1119>3.0.co;2-1, lire en ligne).
  10. (en) Hiroyuki Suzuki, Norihiro Tokitoh, Shigeru Nagase et Renji Okazaki, « The First Genuine Silicon-Sulfur Double-Bond Compound: Synthesis and Crystal Structure of a Kinetically Stabilized Silanethione », Journal of the American Chemical Society, vol. 116, no 25,‎ , p. 11578-11579 (DOI 10.1021/ja00104a052, lire en ligne).
  11. (en) Jürgen Allwohn, Monika Pilz, Ralf Hunold, Werner Massa et Armin Berndt, « Compounds with a Boron–Carbon Triple Bond », Angewandte Chemie International Edition in English, vol. 29, no 9,‎ , p. 1032-1033 (DOI 10.1002/anie.199010321, lire en ligne).
  12. (en) David Gau, Tsuyoshi Kato, Nathalie Saffon-Merceron, Abel De Cózar, Fernando P. Cossío et Antoine Baceiredo, « Synthesis and Structure of a Base-Stabilized C-Phosphino-Si-Amino Silyne », Angewandte Chemie International Edition, vol. 49, no 37,‎ , p. 6585-6588 (PMID 20677192, DOI 10.1002/anie.201003616, Bibcode 2010AngCh.122.6735G, lire en ligne)
  13. (en) Marcus Kuprat, Axel Schulz et Alexander Villinger, « Arsa-diazonium salts with an arsenic-nitrogen triple bond », Angewandte Chemie International Edition, vol. 52, no 28,‎ , p. 7126-7130 (PMID 23740867, DOI 10.1002/anie.201302725, lire en ligne).
  14. (en) Egon Wiberg et Nils Wiberg, « XV. The Carbon Group. 2. Silicon », Inorganic Chemistry, Academic Press, 2001 (ISBN 978-0123526519).
  15. (en) Stephen K. Ritter, « Sulfur's Turn for Multiple Bonds », Chemical & Engineering News, vol. 83, no 12,‎ , p. 49-50 (lire en ligne Accès libre).