Sauval indique qu'en 1209, 1297 ou 1300 cette rue est désignée dans un texte rédigé en latin médiévalvicus ubi coquuntur anseres, c'est-à-dire « rue ou l'on cuit les oies ».
L'élément Ours est une altération d’un plus ancien Oe, Oues, c'est-à-dire « oies », qualificatif qui évoque les nombreux rôtisseurs installés autrefois dans cette rue[1],[2].
« Je dirai en passant que le nom de la rue aux Oues a été changé, & que mal à propos pour l'établir on a sculpé un ours contre une de ses maisons, puisque son vrai nom est celui de la rue aux Oues, parce que de tout tems c'étoit une Rotisserie publique : & comme alors on n'étoit pas si friand qu'aujourd'hui, les oisons du voisinage chargeoient plus les broches que les chapons du Mans, ni les autres viandes délicates, qu'on apporte de loin. Et de fait dans toutes les anciennes chartes, elle est appelée la Rue où l'on cuit les oies : ce changement de nom vient de ce que nos anciens prononçaient la lettre O, comme nous prononçons Ou, & ainsi appelloient Oue, ce que nous appelions Oie, si bien qu'il faudroit dire la rue aux Oies, & non pas la rue aux Oues[3] (Henri Sauval, 1723). »
En réalité, la forme oe, oue représente l'évolution régulière en langue d'oïl du latin auca « oie »[4], c'est la forme oie qui est aberrante. En effet, elle est sans doute motivée par l'attraction du oi- de oiseau[4]. En revanche, l'altération Oue → Ours s'explique mal et correspond peut-être à une réaction érudite, le français populaire ne prononçait plus le -r final des mots terminés par cette consonne. Le même phénomène s'observe dans le nom des rues homonymes de Rouen et de Metz.
Historique
La rue était située à l'intérieur de l'enceinte de Philippe-Auguste entre la poterne du Bourg-l'Abbé à l'angle du boulevard Sébastopol et la deuxième porte Saint-Martin à l'angle de la rue Saint-Martin.
Selon Sauval, un proverbe disait « vous avez le nez tourné à la friandise, comme Saint-Jacques-l'Hôpital », car le portail de cette église se trouvait autrefois face à la rue aux Oies[2],[5].
Les numéros de la rue étaient rouges[5]. Le dernier numéro impair était le no 55 et le dernier numéro pair était le no 60. Les numéros pairs étaient dans le quartier de la Porte Saint-Denis[6] et les numéros impairs étaient dans le quartier des Lombards[7].
La rue originellement très étroite est élargie au début du XXe siècle par démolition et reconstruction en recul des immeubles du côté nord (numéros pairs) pour un projet d'axe est-ouest qui aurait relié la rue Étienne-Marcel au boulevard Beaumarchais. Après un début d'exécution par l'élargissement de la rue de la Perle et percement de la courte rue Roger-Verlomme, ce projet est abandonné. La construction de l'immeuble du no 2 à l'angle de la rue Saint-Martin qui régularise la largeur de la rue est plus récente.
Traditions populaires
C'était dans cette rue, au coin de la rue Salle-au-Comte (rue au Comte-de-Dammartin, disparue), qu'était enfermée, dans une grille en fer, une « Notre-Dame dite de la Carole », devant laquelle, jusqu'en 1789, on entretenait une lampe allumée. Selon la tradition, le , un Garde suisse sortant d'un cabaret, après avoir perdu son argent, frappa la statue de plusieurs coups de sabre et elle se mit alors à saigner. Le soldat fut arrêté, conduit devant le chancelier de Marle et condamné à mort. La véracité de l’histoire est douteuse car on n'en trouve aucune trace dans les textes officiels de l’époque, et le chancelier de Marle était mort victime de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons le mois précédent. Néanmoins, une fête populaire en mémoire de cette histoire avait lieu dans la rue aux Ours tous les ans, le ; il y avait un feu d'artifice et un mannequin gigantesque habillé en Garde suisse, que l'on appelait « le Suisse de la rue aux Ours » qui était brûlé. La Révolution mit fin à cette tradition burlesque[2].
Jean Lepautre exécuta une gravure représentant cet événement [8].
Il y avait dans cette rue en 1675, une auberge à l'enseigne du Soufflet vert[10]
Le , Justin Goblin, maître chaircuitier à Paris, demeurant rue aux Ours : donation à Catherine David, veuve de François Boissierre, demeurant à Chelles-Sainte-Bauxotour, sa nièce, d'une rente de 14 livres tournois[11]
Notes et références
↑Isabelle Dérens, Le Guide du promeneur. 3e arrondissement, Parisgramme, 1994.
↑ ab et cFélix et Louis Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments.
↑Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, p. 33.
↑ a et bSite du CNRTL : étymologie du mot oie (lire en ligne) [1]
↑ a et bJean de La Tynna, Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris, 1817.
↑Auguste Vallet, Histoire de Charles VII, roi de France, et de son époque, 1403-1461, Renouard, 1863, p. 326.
↑Archives nationales, Insinuations Y/231,fol. 18, Louis Ruelle, novice au couvent des Capucins du Faubourg Saint-Jacques : donation à Pierre Ruelle, marchand hôtelier, demeurant à Crespy en Valois et actuellement logé à Paris, rue aux Ours, à l'enseigne du Soufflet vert, son frère ainé, de tous ses biens meubles et immeubles.Notice n° 25,Date de l'acte : 8 décembre 1675
↑Archives nationales de France: Insinuations Y/231, fol.256, notice 309