Le retable lavallois est une forme particulière de retable à l'origine d'une école, ayant pour centre la ville de Laval, dans l'actuel département de la Mayenne.
Les retables lavallois du XVIIe siècle sont parmi les plus remarquables et les plus originaux de France[1]. Au début du XVIIe siècle, naît un nouvel élément de décor intérieur d'église : le retable de tuffeau et de marbre. Le retable Corbineau, du nom de l'architecte qui a défini ce style, fera la renommée des architectes lavallois dans tout l'Ouest de la France. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la ville de Laval a été un centre de création de retables très important, au point de donner naissance à une véritable école : les retabliers lavallois ont diffusé leur art dans tout l'Ouest de la France.
Parmi cette école, on retrouve les noms de sculpteurs et d'architectes :
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, époque de la Contre-Réforme, l'Église catholique réaffirme son identité. Les arts sont alors mis à contribution pour séduire les fidèles, et l'art baroque, par son exubérance et sa surcharge décorative, est pleinement employé dans les églises.
À Laval, la production de retables, qui remonte au moins au XIIe siècle, connaît alors un nouveau souffle. L'activité connaît son apogée au cours du XVIIe siècle, et une véritable école lavalloise émerge. Pour Jacques Salbert, la prospérité à cette époque de l'industrie du lin et du chanvre dans la région de Laval et Vitré est à l'origine de la construction des retables lavallois. Les produits du commerce favorisent et soutiennent des fondations religieuses.
Ces retables sont non seulement visibles dans plusieurs églises de Laval, mais aussi à travers le département de la Mayenne et au-delà, notamment dans la Sarthe, en Bretagne et dans le nord de l'Anjou[2]. Les retables étaient alors pratiquement obligatoires dans les églises et il en existe donc un grand nombre. Beaucoup d'entre eux n'ont toutefois pas survécu à la Révolution[3]. On en retrouve aussi dans le Bourbonnais et le Val-de-Loire.
Matériaux
Les retables lavallois ont connu le succès à partir de 1630. Ils sont construits en marbre et en tuffeau et ils ont été dessinés par des architectes.
Le tuffeau, absent du sous-sol lavallois, venait du val de Loire[4].
Ces carrières étaient généralement récentes et les gisements n'avaient été découverts qu'aux alentours de 1550. Les pierres les plus employées sont des marbres noirs, jaspés, brun-rouge ou lilas pâle.
Les architectes les plus prolifiques sont souvent issus de grandes familles, comme les Corbineau, les Houdault et les Langlois. La construction d'un retable durait plusieurs années.
Les retables lavallois utilisent généralement les ordres architecturaux et un registre baroque et classique, incluant des frontons, des guirlandes, des niches, des chérubins, des pilastres, des obélisques, etc. La structure générale est faite en tuffeau tandis que les colonnes sont en marbre. Certains éléments sont peints, ce qui permet par exemple d'ajouter des touches dorées à l'ensemble[3].
« De grandes colonnes de marbres rose ou noir divisent nettement le corps central et les ailes. Dans le premier, un tableau central consacré le plus souvent à la gloire du Christ ; dans les ailes, des grandes niches tout ornées de marbre ou de sculptures un peu lourdes dans lesquelles s'animent de hautes statues. (...) Le niveau supérieur contient généralement des éléments bien distincts : au centre une grande niche à statue encadrée de colonnes de marbre, aux ailes des "carrés" ornés de motifs religieux. Tout un décor complète cet étage assez varié dans sa composition : balustrades, hauts obélisques terminés par une boule, vases de fleurs et de fruits, angelots enfin[5]. »
En Basse-Bretagne des artistes (certains sont connus comme les frères Le Déan de Quimper et Jean Cevaër, de Lopérec) ont copié les retables lavallois, notamment à Pont-l'Abbé (église Notre-Dame des Carmes), Saint-Jean-du-Doigt, Sizun, Bodilis, etc. Certains retables couvrent tout le mur du chevet comme à Rumengol ou à Saint-Segal (chapelle Saint-Sébastien) ; ailleurs ce sont d'immenses tabernacles à tourelles comme à Pleyben et à Arzano[6].
Déclin
La demande s'essouffle à la fin du XVIIe siècle, à cause d'un mauvais climat économique. Les retables se font plus modestes, et le marbre n'est utilisé qu'avec parcimonie. Par ailleurs, le bois est alors préféré à la pierre, considérée comme trop rigide.
L'école lavalloise disparaît totalement au cours des années 1680 et 1690, au profit des retabliers angevins. Ces derniers utilisent beaucoup le bois, ce qui leur permet notamment d'épouser le style rococo qui naît au milieu du XVIIIe siècle[1].
La production de retables lavallois reprend néanmoins au XIXe siècle, notamment lorsque le diocèse de Laval est créé et que de nombreuses églises du département sont entièrement reconstruites. Le marbre est abondamment employé, mais à partir des années 1840 et 1850, les formes médiévales sont privilégiées. Les retables redeviennent donc de simples supports à image, parfois sans aucune sculpture. La production s'éteint définitivement avec l'arrivée de la mode romano-byzantine[1].
L'Ille-et-Vilaine conserve de nombreux retables de l'école lavalloise, essentiellement situés dans la zone toilière couvrant la région vitréenne et le sud du pays fougerais. Le comté de Laval et la Baronnie de Vitré dépendaient des mêmes seigneurs de la famille de Laval.
Retable du maître-autel[9] (1629) de l'église Saint-Médard de Billé, attribué à Jean Martinet
Retable du maître-autel œuvre du lavallois Jean-François Huguet établi à Rennes en 1686
Retable du maître-autel et 2 retables latéraux en marbre, tuffeau et bois de l'église Notre-Dame de Brie, œuvres de Pierre Corbineau en 1638 et Gilles Corbineau son fils en 1653
Retable du maître-autel, œuvre de Jean et Michel Langlois et 2 retables des croisillons Nord (1647)
Retable du maître-autel de l'église Saint-Mélaine de Cornillé (XVIIe)
Retable du maître-autel de Domalain. Il est construit en 1637 par Pierre Corbineau[10]. Le retable possède la même structure que celui de l'église de la Trinité de Laval.
Retable du maître-autel, œuvre de Jean Langlois en 1657 et 2 petits retables latéraux, œuvres de François Langlois en 1699 de l'église Saint-Pierre de Dompierre-du-Chemin
Retable du maître-autel, œuvre de Michel Langlois et 2 petits retables latéraux, celui de gauche étant une œuvre de Pierre Corbineau[11] entre 1637 et 1640 de l'église de Drouges[12]. Le retable du maître-autel est très proche de celui de l'église Saint-Vigor de Neau, et permet d'attribuer ce dernier aux Langlois[13].
2 retables latéraux œuvre de Jean et Michel Langlois pour le retable nord en 1653 et François Langlois en 1671 pour le retable de Notre-Dame-de-Pitié de l'église Saint-Patern de Louvigné-de-Bais.
Retable du maître-autel et 2 retables latéraux de l'église Saint-Martin de Moulins, œuvres de Jean et Michel Langlois
Retable du maître-autel de l'église Saint-Martin de Noyal-sur-Seiche qui paraît être de François Langlois
Retable du maître-autel, œuvre de Pierre Corbineau et du sculpteur Pierre Biardeau en 1632 et 2 retables latéraux de Saint-Jean et du Rosaire en 1637 par Pierre Corbineau de l'église Saint-Pierre de Piré-sur-Seiche. Retable de la chapelle du cimetière de Piré-sur-Seiche œuvre probable de François II Houdault en 1684
Grand retable de pierre[17] et marbre de l'ancienne abbatiale Saint-Sauveur de Redon (1634-1636) de Tugal Caris, l'une des plus belles de Bretagne et 2 retables latéraux de Tugal Caris vraisemblablement
Les retables de l'église des Cordeliers de Laval. L'église ne comprenait, avant les travaux du XIXe siècle, qu'une nef principale flanqué d'un collatéral unique au nord sur lequel s'ouvrait 7 chapelles latérales qui furent ornéées au XVIIe siècle d'une série extraordinaire de retables constituant ainsi sans doute le plus grand ensemble de l'Ouest de la France.
↑Michèle Ménard, Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles : 1 000 retables de l'ancien diocèse du Mans, Paris, Beauchesne, , 467 p. (ISBN2-7010-1014-4, lire en ligne), p. 46
↑ a et bPaule Maloubier-Tournier, Les retables d XVIIe et du XVIIIe siècle en Ille-et-Vilaine, vol. 69, Annales de Bretagne, , p. 93-152
↑Michèle Ménard, Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles : 1 000 retables de l'ancien diocèse du Mans, Paris, Beauchesne, , 467 p. (ISBN2-7010-1014-4, lire en ligne), p. 69
↑Jean Delumeau, "Histoire de la Bretagne", éditions Privat, 1969
↑"Histoire de la Bretagne et des pays celtiques", tome 3, "La Bretagne province", Skol Vreiz, 1986