Rebecca Horn grandit dans l'Allemagne de l'après-guerre et apprend tôt à faire de l'art une forme d'expression privilégiée par rapport au langage : « On ne pouvait pas parler allemand, explique-t-elle. Les Allemands étaient détestés. Nous avons dû apprendre le français et l'anglais. Nous voyagions toujours ailleurs, parlant quelque chose d'autre. Mais j'ai eu une gouvernante roumaine qui m'a appris à dessiner. Je n'étais pas obligée de dessiner en allemand, en français ou en anglais. Je pouvais juste dessiner[3]. »
À l'adolescence, Rebecca Horn suit les cours de la Hochschule für bildende Künste Hamburg de Hambourg, puis en 1964, elle s'installe momentanément à Barcelone, où elle attrape une infection pulmonaire. Elle doit passer un an dans un sanatorium : cette expérience de l'isolement total et de la souffrance est déterminante dans l'orientation de son œuvre, très liée au corps. L'artiste commence à réaliser des « body-sculptures » en tissu, dans l'espoir de « réprimer sa solitude en communiquant par des formes organiques », et travaille sur des extensions de corps ou des prothèses.
À la fin des années 1960, Rebecca Horn commence à réaliser des performances. Unicorn (1970) est l'une de ses œuvres les plus connues : une jeune fille « prête à marier » se promène dans la nature, portant uniquement une corne blanche sur le front, et les bandages qui la maintiennent — image à la fois mythique et moderne, autobiographie de la souffrance à la Frida Kahlo. Parmi ses extensions, les Finger Gloves (1972) et Feather Fingers (Doigts de plumes, 1972) lui permettent de créer l'illusion de nouvelles sensations de l'espace. Elle utilise à plusieurs reprises les plumes dans les années 1970 et 1980 pour réaliser des sortes de cocons, de masques ou d'éventails pour dissimuler le corps.
Rebecca Horn a également réalisé plusieurs films, comme La Ferdinanda (1981), où se révèle son obsession du corps imparfait. Elle vit et travaille à Berlin et Paris et a installé son atelier et un musée présentant ses œuvres, The Moontower Foundation, à Bad König[4].
Œuvres
Après avoir réalisé un ensemble de performances (Toucher les murs des deux mains en même temps, 1972-1975[5]) et d'objets en relation au corps (masque-crayons, 1972), Rebecca Horn construit des machines animées. Son travail mêle allusions littéraires (à Joyce, Beckett ou Willy) et références sexuelles métaphysiques ou cinématographiques, autobiographiques. Elle installe, suspendues à des chaînes, accrochées à des tiges de métal, toutes sortes d'objets.
Elle élabore des scénarios où interviennent des oiseaux, des serpents, de l'eau, de l'encre mais aussi des armes, des chaussures ou des instruments de musique, transformés en automates, en « sculptures-performances »[6]. Des textes poétiques évoquent ses pièces et sont repris dans ses films[7].