Les Ranatrinae se distinguent des Nepinae, l'autre sous-famille de Nepidae, par le fait que sur la face ventrale de l'abdomen, les segments latéraux sont concaves, cachés par un repli, donnant l'impression de voir deux bandes longitudinales centrales (les sternites) et deux bandes latérales[2]. Chez les femelles, la plaque sous-génitale (7e segment abdominal) est compressé latéralement. Les œufs ont deux « cornes » respiratoires (cinq ou plus chez ceux des Nepinae). Les hanches (coxae) médianes sont séparées l'une de l'autre par une distance inférieure à celle du diamètre de l'une d'elles. Comme chez tous les Nepidae, les pattes antérieures, ravisseuses, ont leur base très en avant du prothorax, juste derrière la tête[3]. Leur corps très allongé leur a valu le nom vernaculaire anglais de « water stick insects », littéralement « phasmes aquatiques » (« insectes-bâtonnets aquatiques »)[4].
Répartition et habitat
Les Ranatrinae sont cosmopolites, mais avec des répartitions différentiées selon les taxons.
La première tribu, les Ranatrini, comprend un genre réellement cosmopolite, Ranatra, avec de très nombreuses espèces dans les régions néotropicale (entre 40 et 50 espèces) et indomalaise (une trentaine d'espèces), et un genre d'Asie tropicale, Cercotmetus[5],[6].
Les Ranatrinae habitent les eaux calmes généralement avec des débris végétaux (Ranatra) ou des herbiers. Goondnomdanepa a été trouvée sous des cailloux dans des cours d'eau peu profond[5].
Biologie
Adaptation à la vie aquatique
Ces punaises se sont adaptées à la vie aquatiques: elles respirent à travers un "siphon", formé par le dernier segment abdominal transformé en structures tubulaires, qui amène l'air aux spiracles abdominaux, placés dorsalement. Ce siphon leur permet de respirer comme par un « tuba » placé en arrière du dos, en restant sous l'eau. Ils ont également des organes hydrostatiques, placés sur les segments abdominaux 4 à 6, près des spiracles, qui permettent à l'insecte de garder son orientation dans l'eau[3]. Lorsque leur mare s'assèche, elles peuvent s'envoler grâce à leurs ailes développées, permettant ainsi la colonisation de mares temporaires et la dispersion[7].
Alimentation
Tant les juvéniles que les adultes sont zoophages et prédatrices, chassant à l'affut dans les herbiers ceinturant les plans d'eau. Elles peuvent manger voracement des larves d'insectes, notamment des larves de moustiques, jusqu'à 90 par jour, des fourmis, des larves de libellules et de coléoptères et des annélides[7], voire des têtards et des petits poissons[8]. Par leur régime alimentaires, ces punaises sont donc des contrôleurs de la prolifération des moustiques.
Cycle de développement
Chez Ranatra parvipes, lors de la ponte, la femelle insère son ovipositeur dans les tissus végétaux et le retire à chacun des œufs pondus, qui sont dès lors attachés au végétal par deux filaments. L’œuf, d'abord blanc, se teinte en orange au fur et à mesure de sa maturation[7]. Le développement embryonnaire dure de 7 à 12 jours. Après l'éclosion, comme chez tous les Hétéroptères, le juvénile passe par 5 stades et 5 mues avant de devenir adulte. Chez Ranatra parvipes vicina, le stade 1 dure 6 jours, le stade 2, 4 jours, le stade 3, qui voit apparaître les ébauches alaires, 4 jours également, le stade 4, qui voit l'allongement des ailes postérieures, 6 jours, et le stade 5, 11 jours. L'insecte atteint le stade adulte 31 jours après l'éclosion. Chez Ranatra elongata, cette durée est plutôt de 40 à 45 jours[8].
Stridulation
Certaines espèces de Ranatra sont capables d'émettre des stridulations[3].
Parasites
On a observé chez Ranatra des parasites du genre Hydrachna (acariens trombidiformes)[8].
Systématique
Le premier taxon supragénérique formé à partir de Ranatra est celui de « Ranatridae », créé par John William Douglas et John Scott en 1865 dans The British Hemiptera, vol. I (Hemiptera-Heteroptera)[9]. La plupart des auteurs lui donnent aujourd'hui le rang de sous-famille, bien que certains aient proposé celui de famille. Aujourd'hui, la classification la plus souvent retenue est celle de la synthèse de Štys & Jansson (1988)[10].
Les Ranatrinae sont séparés en trois tribus distinctes, les Austronepini, les Goondnomdanepini et les Ranatrini. Les deux premières sont monotypiques (ne comprennent qu'un seul genre, avec respectivement une et trois espèces) et restreintes à l'Australie. Les Ranatrini comprennent deux genres, Cercotmetus et Ranatra. Ce dernier, très riche en espèces, est encore en discussion pour en établir la phylogénie, et comprend plusieurs groupes d'espèces[6],. Il est considéré comme s'étant diversifié à partir de plusieurs foyers[4].
I. Lansbury a révisé les Ranatra de la région indomalaise en 1972[11], ainsi que le genre Cercotmetus en 1973[12]. Pingping. Chen, Nico Nieser et Jen-Zon Ho ont révisé les espèces chinoises en 2004[4]. A. D. Tran et Herbert Zettel ont révisé les espèces du groupe de R. gracilis[6] ainsi que celle du groupe de R. biroi[13] en 2021.
Étymologie
Le terme de « Ranatrinae » est dérivé du nom de genre Ranatra, donné par Fabricius en 1790, semble-t-il à partir de Rana, le nom latin de la grenouille[4].
↑ ab et c(en) Randall T. Schuh et Christiane Weirauch, True bugs of the world (Hemiptera, Heteroptera) : classification and natural history., Manchester, Siri Scientific Press, , 800 p. (ISBN978-0-9957496-9-6 et 0-9957496-9-8, OCLC1125224106, lire en ligne), p. 212-215
↑ abc et dP. Chen, N. Nieser et J. Z. Ho, « Review of Chinese Ranatrinae (Hemiptera: Nepidae), with descriptions of four new species of Ranatra Fabricius », Tijdschrift voor Entomologie, vol. 147, no 1, , p. 81–102 (ISSN0040-7496 et 2211-9434, DOI10.1163/22119434-900000142, lire en ligne, consulté le )
↑ ab et cA.D. Tran et H. Zettel, « Taxonomic review of the Ranatra gracilis group sensu Lansbury, 1972 (Nepomorpha: Nepidae), with descriptions of four new species », Raffles Bulletin of Zoology, vol. 69, , p. 45–70 (DOI10.26107/RBZ-2021-0005, lire en ligne, consulté le )
↑ ab et cFrédéric Darriet et Jean-Marc Hougard, « Étude en laboratoire de la biologie et des capacités prédatrices de l'Hétéroptère aquatique Ranatra parvipes vicina (Signoret, 1880) à l'encontre des larves de moustiques », Revue d'hydrobiologie tropicale, vol. 26, no 4, , p. 305-311 (lire en ligne [PDF])
↑ ab et c(en) T. K. Raghunatha Rao, « On the biology of Ranatra elongata (Fabr.) (Heteroptera: Nepidae) and Sphaerodema annulatum Fabr. (Heteroptera: Belostomatidae) », Proceedings of the Royal Entomological Society of London. Series A, General Entomology, vol. 37, nos 4-6, , p. 61–64 (DOI10.1111/j.1365-3032.1962.tb00288.x, lire en ligne [PDF], consulté le )
↑John William Douglas et John Scott, The British Hemiptera, London : Robert Hardwicke, (lire en ligne), p. 46
↑(en) Štys, P. et Jansson, A., « Check-list of recent family-group and genus-group names of Nepomorpha (Heteroptera) of the world », Acta Entomologica Fennica, vol. 50, , p. 1-44
↑(en) I. Lansbury, « A review of the Oriental species of Ranatra Fabricius (Hemiptera-Heteroptera: Nepidae) », Transactions of the Royal Entomological Society of London, vol. 124, no 3, , p. 287–341 (DOI10.1111/j.1365-2311.1972.tb00367.x, lire en ligne, consulté le )
↑I. Lansbury, « A review of the genus Cercotmetus Amyot & Serville, 1843 (Hemiptera-Heteroptera: Nepidae) », Tijdschrift Voor Entomologie, vol. 116, , p. 83–106 (lire en ligne, consulté le )
↑A. D. Tran et H. Zettel, « Taxonomy of the Ranatra biroi group sensu Lansbury, 1972 (Nepomorpha: Nepidae), with descriptions of two new species », Raffles Bulletin of Zoology, vol. 69, , p. 507521 (ISSN0217-2445, DOI10.26107/RBZ-2021-0068, lire en ligne, consulté le )