Portraits d'Alexandre Kerenski

Portrait d'Alexandre Kerenski
Portrait d'Alexandre Kerenski (2e portrait)
Artiste
Date
Type
Technique
Dimensions (H × L)
116 × 85 cm
Localisation
Collection privée (Russie)

Les Portraits d'Alexandre Kerenski sont deux tableaux peints par le peintre russe Ilia Répine en 1917-1918.

Alexandre Kerenski (1881-1970), homme politique russe, membre du Parti socialiste révolutionnaire, est au moment où il est représenté sur ce portrait pour 100 jours à la tête du gouvernement provisoire arrivé au pouvoir après la révolution de Février. Il dispose alors d'une très grande popularité.

Répine l'apprécie et lui porte un vif intérêt. Il fait avec son élève Isaak Brodsky plusieurs études et croquis sur le vif au Palais d'hiver. Ils ne terminent les portraits que séparément, dans leur atelier, après la révolution d'Octobre qui fait perdre à Kerenski le pouvoir.

Répine peint ses deux portraits à l'huile sur linoléum, dans une manière libre, à la fois impressionniste et expressionniste. Ils se distinguent par des détails de la composition, mais se rassemblent dans une mise à nu adroite de traits psychologiques de Kerenski, dont il semble qu'elle ait été exacte.

Le premier portrait est conservé au Musée central d'État d'histoire contemporaine de Russie, auparavant Musée de la révolution, pour lequel il fut donné par Répine à Brodsky lui-même. Le second se trouve dans une collection privée en Russie, où il a abouti après la vente aux enchères des archives A. F. Kerenski du Centre Harry Ransom (en) de l'Université du Texas à Austin,

Contexte

Alexandre Kerenski

Alexandre Kerenski, début 1917.

Symbole de la nouvelle Russie née avec la révolution de Février, Alexandre Fiodorovitch Kerenski est en 1917, ancien avocat[Note 1], ayant commencé sa carrière juridique avec la révolution russe de 1905 et député de la 4e Douma d'État de l'Empire russe (ru). Il occupe successivement au sein du gouvernement provisoire les fonctions de ministre de la justice, de ministre de la guerre, de ministre président, et enfin de commandant suprême des armées[1],[2].

Kerenski est alors extrêmement populaire, et au sommet de sa carrière politique. Il concentre sur lui les espoirs de changement[3]. Les quelques mois où il est au pouvoir sont cependant semés de crises et de difficultés majeures.

En juillet, la démission des ministres cadets (ou KD) provoque une nouvelle crise ministérielle[4]. Au même moment, les Bolchéviques organisent un soulèvement, les journées de Juillet, qui se solde par un échec. Kerenski dirige alors un cabinet de transition, puis forme un gouvernement à majorité socialiste. À l'âge de 36 ans, il est le plus jeune chef de gouvernement de la Russie au XXe siècle.

Il fait face ensuite à la personnalité autoritaire du général Kornilov, qui envoie des troupes dans la capitale et demande le retrait des ministres « incapables ». Il destitue Kornilov tout en s'appuyant sur les soviets pour bloquer l'avancée de ses partisans. Kerenski prend lui-même le commandement de l'armée et instaure une République russe le .

À la fin du mois de septembre, il forme un troisième gouvernement de coalition. Il n'arrive cependant pas à répondre à l'aspiration de la population à la paix, et cherche au contraire à respecter les engagements de la Russie vis-à-vis de la Triple-Entente, c'est-à-dire de continuer la guerre jusqu'à une victoire de plus en plus hypothétique. Cette option, ainsi que des erreurs tactiques, conduit à ce qu'il soit écarté du pouvoir par la révolution d'Octobre. Le jugement porté sur son action, sous l'influence de l'historiographie soviétique, est sévère : Léon Trotski voit ainsi en lui un « demi-cadet, demi-socialiste, demi-révolutionnaire »[5], simplement « accroché à la révolution »[2].

Il est un excellent orateur, transportant littéralement son auditoire, et se mettant lui-même hors de lui, jusqu'à présenter des troubles nerveux, dans lesquels certains voient l'effet de drogues. Acteur manqué, il aime et sait plaire, et son aspiration à la popularité, après avoir souvent excité en vain son ambition politique, a pris la forme d'une passion douloureuse[6],[7].

Alexandre Kerenski haranguant les troupes en juin 1917.

Vladimir Nemirovitch-Dantchenko écrira plus tard[8]:

« Kerenski ne se brulait pas seulement lui-même, il consumait tous ceux qui l'entouraient au feu de son enthousiasme. En l'écoutant, vous avez l'impression que tous vos nerfs s'étirent vers lui, et sont liés aux siens comme par un nœud. Il vous semble, que c'est vous-même qui parlez, que dans la salle, dans le théâtre, sur la place, ce n'est pas Kerenski, mais vous qui êtes devant la foule, dominant ses pensées et ses sentiments. Vous n'avez qu'un seul cœur avec lui, et il est large, comme le monde, et parfait, comme lui. »

Bien que Kerenski aimât être au centre de l'attention, il n'y a que peu de portraits qui restent de lui[1],[9]. En dehors des photographies, et des tableaux peints pendant son exil, les seuls actuellement connus sont les trois commencés par Ilia Répine et son élève Isaak Brodsky, dans l'été 1917, quant Kerenski était président du gouvernement et commandant suprème des armées[1].

Répine dans la révolution de février

Depuis 1903, Répine, célèbre peintre de genre et portraitiste, vit avec l'écrivaine Natalia Nordman dans sa propriété des Pénates, dans le village de Kyokkala, sur les rives du Golfe de Finlande, dans le Grand-Duché de Finlande, alors rattaché à l'Empire Russe[10],[11]. Il accueille avec ferveur la révolution de Février, qui met fin au despotisme absolu et proclame la république, ce dont il se réjouit[12].

Le , Répine se rend pour la première fois depuis la révolution à une réunion des peintres de la capitale, dans la salle du conseil de l'Académie des beaux-arts. Présidant la réunion avec Vladimir Makovski, il prononce quelques discours enflammés, à l'aide desquels il parvient à obtenir de ses confrères que la « conférence spéciale » qui était placée auprès du commissaire du ministère de la cour continue à exister, et la création d'une nouvelle organisation, l'« Union des acteurs des arts plastiques » («Союза деятелей пластических искусств»), caressant l'espoir de réorganiser l'académie des beaux-arts, sur le modèle d'une commune de production et de savoir[13].

Réunion au ministère de la guerre en août 1917 ; Savinkov est au centre, Kerenski à sa gauche.

Dans cette effervescence, Répine est aussi peintre : en , Répine raconte dans une lettre à Catherine Breshkovski, qu'il vient de vivre « un des jours les plus extraordinaires de sa vie » : « de façon complètement inattendue, je me suis retrouvé dans le bureau de Kerenski, pendant une session du corps des officiers généraux, réunie d'urgence en présence du gén[éral] Kornilov. J'y ai pu voir Savinkov, et ce bel homme de Terechtchenko, et encore quelques autres personnages, s'éclairant au soleil de Kerenski. Un tel bouquet ne pouvait que m'assommer. Et de fait, quand je suis monté dans la salle à manger, par escalier en colimaçon, la tête avait commencé à me tourner »[13],[14].

Le peintre est invité pour le déjeuner et il se met à son album de croquis, dans lequel il couche de rapides études des présents : « En m'installant, dans l'espoir de dessiner Kornilov, je vois entrer la grand-mère de la révolution russe[Note 2], et je saute sur une autre page de l'album »[13],[14] ; « le déjeuner se termina rapidement. Il fallait faire des croquis au petit bonheur la chance, des visages intéressants au plus haut degré changeaient constamment de position —mais du vôtre, j'ai un peu réussi à saisir certaines expressions »[14].

Répine et Kerenski

Portrait d'Ilia Répine par Isaak Brodsky (1912).
Kerenski dans son bureau au Palais d'hiver.

L'appréciation de Répine sur Kerenski est complexe, et évolue dans le temps. Politiquement, il s'en déclare proche, et fait partie de ceux qui espèrent qu'il sera celui qui sauvera la révolution russe[15].

Dans sa relation de peintre à modèle, comme Répine écrit dans ses mémoires que cela a été souvent le cas[Note 3], il tombe sous l'emprise du nouveau gouvernant de la Russie. Il est, selon l'historien d'art Andreï Iepichine (ru), tout simplement possédé par Kerenski, conquis par ses qualités humaines et poétiques, et il écrit dans une lettre au sculpteur Mikhaïl Olenine : « quelle nature complexe et géniale. Cet homme est né Napoléon ; quel talent, quelle énergie ! Et pourquoi est-il toujours d'une originalité si inattendue ; et en tout simple et bon, comme marqué par le doigt de Dieu »[15].

Lorsque Répine montre le portrait à Korneï Tchoukovski, venu le voir aux Pénates, celui-ci note dans son journal, le , « que Kerenski a un regard sans éclat, dans un portrait léché d'un brun pale, mais qu'il a dans ses cheveux un reflet de soleil des plus insipides et des plus prétentieux »[17]. Le peintre lui répond[17] :

« Il le fallait, ce n'est pas un portrait mémorial, mais un portrait né du hasard, d'un homme fait par le hasard ... En vérité, d'un homme génial ... [Je m]'incline devant Kerenski ... »

Mais dans les séances de pose, Répine remarque que Kerenski est d'une dignité presque impériale, et se présente comme un homme de rien. Il y voit un usurpateur, comme Grigori Otrepiev (ru)[18] .

Par la suite, de façon peut-être convenue ou rapportée, Répine déclarera qu'il n'aimait pas Kerenski, et qui avait tout de suite vu en lui « un imposteur du socialisme »[6],[19].

Esquisses et peinture des portraits

Après le soulèvement bolchévique de juillet 1917, Kerenski emménage au Palais d'hiver, s'installe dans les appartements de l'empereur Nicolas II, se déplace dans l'équipage du Tsar et travaille sur l'immense bureau des empereurs de Russie[6].

Répine dessine alors à l'aquarelle et aux crayons de couleur dans l'Amirauté ou la bibliothèque de Nicolas II du Palais d'hiver, où ont lieu les réunions du gouvernement[20]. Il rassemble plus particulièrement en juillet et en le matériel pour les portraits de Kerenski qui seront le fruit des visites dans les locaux du gouvernement provisoire[20],[21].

Par la suite, il racontera simplement et de façon bourrue aux peintres soviétiques venus aux Pénates, que ce portrait « avait été fait d'après des études sur le vif dans le cabinet de Nicolas II. Nous dessinions ensemble avec Brodsky ... J'ai peint Kerenski comme il était, assis sur le fauteuil, éclairé par le soleil »[13],[22].

Répine et Brodsky tirant le portrait de Kerenski.

Brodsky donne plus de détails dans ses mémoires[23] :

« en 1917, après la révolution de Février, quand Kerenski se fit connaître, Répine, aguiché par les journaux qui exaltaient ce « héros », voulut faire son portrait. Je ne me souviens pas par qui nous arrivâmes à obtenir l'accord de Kerenski pour poser pour Répine, et en même temps pour moi. L'aide de camp de Kerenski nous fit entrer dans son bureau, qui était auparavant la bibliothèque de Nicolas II. Nous nous mîmes au travail. Répine fit sa petite étude avec son coffret portable, je dessinais au fusain ... Cette séance se répéta un mois, jusqu'à la révolution d'Octobre. Kerenski n'avait pas vraiment d'attention pour nous. Mon dessin resta dans le palais, et s'y perdit. Répine fit son grand portrait de Kerensky d'après ses études. »

Le fait de poser dans le bureau de Nicolas II dans le Palais d'hiver a évidemment pour Kerenski une signification latente : assis dans le fauteuil de l'empereur renversé, le nouveau dirigeant de la Russie conforte et élève son statut politique[6],[24].

Répine et Brodsky terminent séparement leurs portraits dans leurs ateliers en 1918, quand Kerenski a été écarté du pouvoir par la révolution d'Octobre[6],[24]. Aux Pénates, Répine travaille sur le premier portrait, et se met au second en même temps qu'à celui de l'ambassadeur du Royaume-Uni George Buchanan (en)[20]. Il s'applique à sa tâche avec tant d'opiniâtreté qu'il ne prend pas conscience des événements révolutionnaires[10], et il peint le portrait d'une nouvelle manière[24].

Description des portraits d'Ilia Répine

Le déserteur (1917) Musée d'art de Vitebsk.

Caractéristiques communes

Le premier portrait de Kerenski (114 × 84 cm) et le second (116 × 85 cm) sont peints à l'huile sur linoléum[25],[26]. Répine, coutumier des expérimentations techniques ou artistiques en peinture[15], a peint dans cette même année 1917 sur ce support un portrait d'un des personnages-type de la révolution, Le déserteur («Дезертир»)[27].

Photographies d'Alexandre Kerenski :
en 1917, photographie de Piotr Otsoup (haut) ;
en 1917 (milieu) ;
en 1918 (bas).

Répine a vraisemblablement peint en même temps les deux portraits. Ils se distinguent par une manière libre et spontanée, à la limite, selon les critiques, de l'impressionnisme[15] et même de l'expressionnisme, forme pour laquelle le peintre est en retard de dix ans sur beaucoup de ses contemporains, selon les mots de Grigori Revzine (ru)[28]. Mais les jeux du pinceau et de la lumière ne montrent pas de changement dans la technique picturale et la maîtrise des couleurs, toutes deux accomplies[29].

Le personnage de Kerenski est, d'après la description d'Andreï Iechipine, « plongé dans un milieu exclusivement d'air et de clarté », duquel il s'extrait comme une tache de lumière à part, s'opposant aux autres surfaces d'ombre[15],[30].

La construction des toiles souligne la pose inconfortable du modèle, et, selon les historiens d'art, rend ainsi un trait de caractère de Kerenski, une sorte de franchise et de véracité sur lui-même, saisie tout de suite et avec exactitude par Répine, fort de ses nombreuses années d'expérience de portraitiste[21],[30].

Sa tonalité est privée, voire intime, ce qui ne permet pas de les considérer comme des portraits officiels ou de parade[15]. Répine peint Kerenski comme un homme presque flasque, bilieux, gris, ravagé, neurasthénique[7],[19]. Il compose un ensemble qui amène le spectateur à saisir et comprendre cet état psychologique[15],[21].

Premier portrait

Dans le premier portrait, Kerenski est représenté au dessus des genoux, assis de profil dans un fauteuil d'ébéniste, sur lequel il semble sur le point de se redresser. Il incline légèrement la tête, avec un demi-sourire narquois, et regarde vers le spectateur avec un regard pénétrant. Son visage exprime à la fois l'apaisement et la fatigue, il semble n'avoir pas dormi, et être cependant détendu — ce qui ne se produisait jamais dans sa vie réelle de chef du gouvernement de la Russie révolutionnaire, où il portait tous les fardeaux de la jeune république, et ne se déchargeaient pas de ce poids.

Le portrait est peint sans soin, et semble même inachevé. Cela est vraisemblablement lié au fait que Répine, dans ses dernières années, ne pouvait peindre que de la main gauche. La tête est grande par rapport au torse, le corps est fin, presque enfantin ; les poignets ne sont pas en proportion et dépassent des manchettes roulées à la hâte de la tunique de coupe militaire et de couleur kaki. L'imprécision des détails ne prive pas l'œuvre de sa force expressive, presque excessive, et l'image de Kerenski devient une première relique d'un nouveau « personnage historique »[15],[31],[30],[19],[28],[32].

Second portrait

Le second portrait semble d'une composition plus réfléchie, et il est plus achevé sur le plan artistique. La lumière s'y pose non seulement sur le visage, mais aussi sur des mains nerveuses et sèches, l'une revêtue d'un gant noir, signe renvoyant peut-être à la personnalité cachée du modèle. Les choix de couleurs sont des tons vert-bouteille profonds et étouffés, pourpres et bruns. La lumière est au contraire gaie, mêlée des scintillements de la poussière dans les rayons qui s'écoulent des fenêtres dans la pièce, et elle crée une atmosphère d'intimité. Selon l'explication donnée par Répine à Aleksandr Grigoriev en 1926, la lumière du soleil incarne la joie, et Kerenski, des forces sombres. La silhouette de Kerenski se détache, modelée comme une sculpture, et poussée vers le spectateur. Elle semble en même temps repoussante et attirante : le visage, représenté de face, est figé dans un sourire brumeux, le regard brille dans la pénombre et se perd dans l'absence, comme celui d'un cocaïnomane[15],[31],[30],[19]. L'ensemble n'est pas sans rappeler la « nuance verdâtre », que les opposants politiques de Kerenski trouvaient dans son aspect extérieur, et dont ils laissaient entendre qu'elle était liée à une dépendance à l'alcool, à la morphine ou à la cocaïne[2].

Portrait d'Isaak Brodsky

Portrait de Kerenski, Isaak Brodsky (1917).

À la différence de ceux de Répine, le portrait peint par Isaak Brodsky montre au spectateur un visage droit, sans souffrance et sans équivocité du héros, du dirigeant du peuple, du chef politique capable de réaliser des miracles avec volonté et énergie, celui qu'attendait la Russie. Kerenski, grand, d'une constitution athlétique, regarde, décidé et sur de lui. Il fixe avec des yeux froids, investigateurs, le spectateur, devant lequel il est comme suspendu dans une pose menaçante, qui nait de la taille surproportionnée de son corps et de ses épaules, à l'inverse des tableaux de Répine. Le peintre, futur auteur d'un portrait emphatique de Lenine, est un graphiste accompli et naturaliste scrupuleux. Il rejette complètement les artifices de couleurs que comportaient ses œuvres précédentes, pré-révolutionnaires. La silhouette de Kerenski surgit, en relief, se détache devant le mur blanc. Il n'y a pas dans la toile de « répineries », de repos impérial de fauteuil d'ébéniste ou de jeu merveilleux de lumière. Brodsky, selon l'appréciation d'Andreï Iepichine, reproduit le jeu de l'acteur jouant le chef, que Kerenski n'était pas dans les faits, alors que Répine l'a plutôt mis à nu[3],[31]. Les portraits de Répine ne peignent pas son enthousiasme, mais Kerenski lui-même dans ses contradictions[15] .

Sort des tableaux

Bolcheviks. Ilia Répine (1918).

Après l'installation du pouvoir soviétique et la proclamation de l'indépendance de la Finlande à la fin 1917, Répine perd sa nationalité et décide de vivre avec un passeport Nansen dans sa propriété des Pénates. Ses biens en Russie sont confisqués et ses œuvres les plus célèbres sont en Union soviétique, où elles deviennent des instruments de propagande et sont considérées comme des idéaux-types du réalisme socialiste. D'autres, dérangeantes pour le pouvoir, comme les Bolcheviks, sont ignorés[6],[10],[11],[33],[27].

En 1926, des peintres soviétiques de l'Association des artistes de la Russie révolutionnaire, dont Ievgueni Katsman (ru), Pavel Radimov (ru) et Alexandre Grigoriev (ru), que Répine ne connaît pas personnellement, mais aussi Isaak Brodsky se rendent à Kyokkala[6],[34].

D'après les souvenirs de Grigoriev, le commissariat du Peuple à l'éducation les a munis d'argent pour acheter des œuvres de Répine, mais il se refuse à en vendre, et à la fin, après une longue dispute, montrant une toile posée sur un chevalet dans un coin, il leur dit : « je ferais mieux de vous donner le portrait de Kerenski »[19]. Cette proposition surprend la délégation, mais elle ne la refuse pas[35]. Répine expose alors le portrait à la lumière et les visiteurs sont frappés par « la finesse de caractère et la vivacité de la peinture »[19].

Le peintre fait ainsi don de la première version du portrait de Kerenski au musée de la Révolution[6]. Il sait probablement, mais cela est passé sous silence, que Kerenski a lui-même approuvé la décision de créer ce musée dans le bâtiment du Club des Anglais, sur proposition du commissaire du Gouvernement provisoire à Moscou, Nikolaï Kichkine (ru)[36].

En 1926, le portrait de Kerenski est exposé à la VIIIe exposition de l'Association des artistes de la Russie révolutionnaire et dans l'exposition « La Révolution dans les arts figuratifs » du Musée de la Révolution. Il suscite l'intérêt du public et de la presse. Il est qualifié dans la revue illustrée Ogoniok de « représentation collective de la Kerenchtchina », c'est-à-dire de l'intelligentsia bourgeoise défaite.

Après l'exposition, le portrait est transféré au « département de la conservation spéciale » (Spetskhan), et son existence est pratiquement oubliée, au point qu'il n'est pas inscrit dans l'inventaire en 1935 et qu'il est décidé de le détruire, avec la motivation qu' « il ne possède pas de valeur artistique ». Il est sauvé par des collaborateurs du musée, qui retirent son cadre et le déposent avec d'autres toiles dans le spetskhan, où il est relégué jusqu'à la Perestroïka et l'ouverture des archives. En 1992, il est restauré et immédiatement montré dans l'exposition « Personnages d'une époque. 1917-1985 » («Лица эпохи. 1917—1985»), puis dans de nombreuses autres expositions[30].

Le Musée central d'État d'histoire contemporaine de Russie (ex-musée de la Révolution) en 2016.

Le portrait est toujours conservé au Musée de la Révolution de l'URSS, rebaptisé en 1998 Musée d'État central de l'histoire contemporaine de Russie[6], mais il reste inconnu du grand public[37],[38]. À cause d'une déformation du linoléum, il a fait l'objet d'une restauration importante en 2002, avec une égalisation de la surface, un nettoyage et la consolidation de la couche colorée, et également la confection d'un encadrement spécial[30].

Ce musée conserve aussi le portrait de Kerenski par Brodsky[24].

Le second portrait de Répine a fait partie de la collection d'œuvres figuratives des archives A. F. Kerenski du Centre Harry Ransom (en) de l'Université du Texas à Austin, il a été ensuite vendu sur le marché de l'art, et fait maintenant partie d'une collection privée en Russie[2],[6],[20],[39].

En 2017, pour le centenaire de la Révolution, le premier portrait de Répine et celui de Brodsky ont figuré dans l'exposition «Некто 1917», à la Nouvelle Galerie Tretiakov sur le Krymski Val[40],[41],[42].

Le portrait de Kerenski est présenté à l'exposition Répine du Petit Palais à Paris du 5 octobre 2021 au 23 janvier 2022[43].

Dans la littérature

Un poème de Vladimir Maïakovski, Ca va bien ! («Хорошо!»), comparant Kerenski à Napoléon fait référence aux trois portraits : « Ses yeux de Bonaparte, une tunique uniforme/ ... / Cousu à l'histoire, numéroté et signé / Ils l'ont dessiné, Brodsky et Répine »[Note 4],[6],[21],[27],[31].

Notes et références

Notes

  1. en russe : присяжный поверенный, Avoué assermenté (ru)
  2. Catherine Breshkovski, à laquelle est adressée la lettre.
  3. Le peintre, lorsqu'il travaille à des portraits, reconnait lui-même « s'enamourer pour un court moment » de son modèle, dans une « lune de miel » obligée avec ceux dont il crée une image. Les chercheurs voient dans son caractère passionné une « rationalité professionnelle »[16].
  4. Dans le texte russe : «Глаза у него бонапартьи и цвета защитного френч» (vers 166 et suivants) et «Пришит к истории, пронумерован и скреплен,/и его рисуют — и Бродский и Репин» (vers 260 et suivants[44].

Références

  1. a b et c Епишин (Iepichine) 2011, p. 31-32.
  2. a b c et d (en) « Portrait of Alexsandr Fyodorovich Kerensky, 1917. Ilya Repin », sur Harry Ransom center (hrc.utexas.edu) 344 Wall (consulté le )
  3. a et b Епишин (Iepichine) 2011, p. 34.
  4. En mois de juin, le congrès panrusse des soviets de l'unité des forces en présence. Sur 822 délégués, les socialistes révolutionnaires sont 285, les Menchéviques 248, les Bolchéviques 105.
  5. Léon Trotski, Histoire de la revolution russe (lire en ligne), « Chapitre 30 Kérensky et Kornilov »
  6. a b c d e f g h i j et k Епишин (Iepichine) 2011, p. 32.
  7. a et b Пророкова (Prokorova) 1997, p. 434-435.
  8. (ru) Ю. Безелянский (I. Bezelianski), « Правители новой России » [« Les gouvernements de la nouvelle Russie »], Журнал «Алеф»,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Петрусевич (Petroussevitch) 2004, p. 102.
  10. a b et c (ru) С. Андреев (S. Andreïev), « Почему великий художник Илья Репин так и не вернулся на родину » [« Pourquoi le grand peintre Ilia Répine n'est-il pas revenu dans sa patrie. »], sur РБК,‎ (consulté le )
  11. a et b (ru) А. Паананен (A. Paananen), « Борьба за Илью Репина: СССР хотел, чтобы известный художник вернулся из Финляндии » [« La lutte pour Ilia Répine ; l'URSS veut que le célèbre peintre revienne de Finlande »], sur Ilta-Sanomat,‎ (consulté le )
  12. Пророкова (Prokorova) 1997, p. 429-430.
  13. a b c et d Пророкова (Prokorova) 1997, p. 433.
  14. a b et c Кириллица (Kirillina) 2008, p. 115.
  15. a b c d e f g h i et j Епишин (Iepichine) 2011, p. 33.
  16. Чуковский К. И. (K. I. Tchoukovski) 1969, p. 37-38.
  17. a et b Чуковский (Tchoukovski) 2013, p. 222.
  18. Пророкова (Prokorova) 1997, p. 435.
  19. a b c d e et f Григорьев (Grigoriev) 1969, p. 288.
  20. a b c et d Кириллица (Kirillina) 2008, p. 116.
  21. a b c et d Пророкова (Prokorova) 1997, p. 434.
  22. Петрусевич (Petroussevitch) 2004, p. 102, 104.
  23. Бродский (Brodsky) 1940, p. 79-80.
  24. a b c et d Петрусевич (Petroussevitch) 2004, p. 104.
  25. (ru) « Портрет А.Ф.Керенского. 1918 » [« Le portrait d'A. Kerenski. 1918 »], sur CultObzor.ru (consulté le )
  26. (ru) « Портрет А.Ф.Керенского. 1918 » [« Portrait d'A. F. Kerenski. 1918 »], sur Art-Catalog.ru (consulté le )
  27. a b et c Пчелов (Ptchelov) 2012, p. 238.
  28. a et b (ru) Г. Ревзин (G. Revzine), « Землистое лицо русского искусства. Илья Репин на фоне Пергамского алтаря » [« Visages de la terre de l'art russe. Ilia Répine devant l'altar de Pergame »], sur Коммерсантъ,‎ (consulté le )
  29. Епишин (Iepichine) 2011, p. 32-33.
  30. a b c d e et f Петрусевич (Petroussevitch) 2004, p. 105.
  31. a b c et d Федюк (Fediouk) 2009, p. 145.
  32. (ru) « Портрет А. Ф. Керенского » [« Portrait d'A. Kerenski »], sur Государственный каталог Музейного Фонда Российской Федерации (consulté le )
  33. (en) Michael Amundsen, « Repin: A Russian Master’s Life and Work in Finland, Kadriorg Art Museum, Estonia », Financial Times, (consulté le )
  34. Григорьев (Grigoriev) 1969, p. 287.
  35. (ru) Кораблева О. В. (O. V. Korablena), « Несколько знаменательных дней из жизни А. В. Григорьева » [« Quelques jours remarquables dans la vie de A. V. Grigoriev »], sur Козьмодемьянский музейный комплекс,‎ (consulté le )
  36. Петрусевич (Petroussevitch) 2004, p. 104-105.
  37. (ru) « Живопись » [« Peinture »], sur Государственный центральный музей современной истории России (consulté le )
  38. (ru) « Шедевры российских музеев привезли в Екатеринбург к юбилею Свердловской области » [« Les chefs-d'œuvre des musées russes apportés à Iekaterinbourg pour le jubilé de l'oblast de Sverdlovsk »], sur ТАСС,‎ (consulté le )
  39. (ru) Быкова Л. А. (L. A. Bykova), « Архив А.Ф. Керенского в Центре гуманитарных исследований Техасского университета » [« Archives d'A. F. Kerenski au centre de recherches humanitaires de l'Université du Texas »], Отечественные архивы, no 3,‎ , p. 18—24 (lire en ligne)
  40. (ru) О. Кабанова (O. Kabanova), « Третьяковская галерея собрала картины, написанные в год революции » [« La galerie Tretiakov rassemble des peintures faites l'année de la Révolution »], sur Ведомости,‎ (consulté le )
  41. (ru) Ж. Васильева (J. Vassilieva), « Нечто в багровых тонах » [« Quelque chose dans les tons pourpres »], sur Российская газета,‎ (consulté le )
  42. (ru) М. Каменский , Д. Лукашин, З. Трегулова (M. Kamenski, D. Loukanchine, Z. Trgoulova)), « Четыре искусства » [« Quatre arts »], sur Говорит Москва,‎ (consulté le )
  43. Exposition Répine
  44. (ru) Маяковский Владимир Владимирович (Vladimir Vladimirovitch Maïakovski), « Хорошо! » [« Ca va bien ! »], sur az.lib.ru (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Ilya Repin, « Илья Репин - воспоминания учеников и друзей. Публикации о Репине », sur ilya-repin.ru (présentation en ligne, consulté le ) ;
  • (ru) Brodsky I. I. (I. I. Brodsky), Мой творческий путь. Рукопись подготовлена к печати И. А. Бродским [« Mon chemin de création. Manuscrit préparé pour l'impression par I. A. Brodsky »], Искусство,‎ 1940 (réédition 2014) (ISBN 978-5-4453-0746-4, OCLC 945416579, lire en ligne) ;
  • (ru) Пророкова С. А. (S. A. Prorokova), Илья Репин [« Ilia Répine »], ТЕРРА,‎ (1re éd. 1960), 479 p. (lire en ligne), « Накануне [La veille] ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article ;
  • (ru) Чуковский К. И. (K. I. Tchoukovski), Илья Репин [« Ilia Répine »], Moscou, Искусство, coll. « Жизнь в искусстве »,‎ , 145 p. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article ;
  • (ru) Григорьев А. В. (A. V. Grigoriev) et И. А. Бродский, В. Н. Москвинов (I. A. Brodski, V. N. Moskinov) (dir.), Новое о Репине : статьи письма художника, воспоминания учеников и друзей, публикации [« Du nouveau sur Répine : lettres du peintre, souvenirs d'élèves et d'amis, publications »], Leningrad, Художник РСФСР,‎ , « Воспоминания [Souvenirs] ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • (ru) Петрусевич Т. (T. Petroussevitch), « Портрет в поисках зрителя », Журнал «Третьяковская галерея», Государственная Третьяковская галерея, no 4 (05),‎ , p. 102-105 (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article ;
  • (ru) Кириллина Е. В., Под Вздорнова Г. И. (I. V. Kirillina, T. I. Vzdornova), Художественная культура русского зарубежья, 1917-1939 : сборник статей [« Culture picturale russe et étrangère, 1917-1939 : recueil d'articles »], Индрик,‎ , 480 p. (lire en ligne), « И. Е. Репин. Другая жизнь (Куоккала 1917–1930) I. E. Répine. Une autre vie (Kyokkala 1917–1930) ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (ru) Глазунов И. С. (I. S. Glazounov), Россия распятая [« La Russie crucifiée »], vol. 1, Голос-Пресс,‎ , 416 p. (lire en ligne) ;
  • (ru) Федюк В. П. (V. P. Fediouk), Керенский [« Kerenski »], Moskva/Москва, Молодая гвардия,‎ , 405 p. (ISBN 978-5-235-03206-4, OCLC 316329228, lire en ligne), « Первая любовь революции [Premier amour de la révolution] » ;
  • (ru) Епишин А. С. (A. S. Iepichine), « Три портрета Александра Керенского » [« Trois portraits d'Alexandre Kerenski »], Исторические, философские, политические и юридические науки, культурология и искусствоведение. Вопросы теории и практики, Tambov, Грамота,‎ 2011. no 7 (13) (ISSN 1997-292X, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article ;
  • (ru) Пчелов Е. В. (I. V. Ptchenov), « Илья Ефимович Репин и социалистический реализм » [« Ilia Répine et le réalisme socialiste »], Труды «Русской Антропологической Школы»., Moscou,‎ , p. 234-250 (ISSN 2223-9340, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article ;
  • (ru) Чуковский К. И. (K. I. Tchoukovski), Полное собрание сочинений [« Recueil des œuvres complètes »], vol. 11 : Дневник 1901—1921 [Journal 1901-1921], FTM,‎ , 594 p. (ISBN 978-5-4467-0021-9).
  • Collectif, Ilya Répine 1844-1930 - Peindre l'âme russe, Catalogue d'exposition du 5 octobre 2021 au 23 janvier 2022, Petit Palais Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, 260 pages, éd. Paris Musées, 2021

Articles connexes

Liens externes

Read other articles:

Sing of LoveAlbum studio karya The RolliesDirilis1973 (1973)[1]Genre funk pop Durasi31:56LabelPurnamaKronologi The Rollies The Rollies(1972) Sing of Love(1973) Rollies Live Show(1976) Sing of Love (atau Sign of Love) adalah album keenam dari grup musik The Rollies yang dirilis pada tahun 1973 di bawah label Purnama. Album Sing of Love ditempatkan pada peringkat ke-81 dalam daftar 150 Album Indonesia Terbaik versi majalah Rolling Stone Indonesia yang diterbitkan pada edisi #32...

 

American politician (born 1952) John HickenlooperOfficial portrait, 2021United States Senatorfrom ColoradoIncumbentAssumed office January 3, 2021Serving with Michael BennetPreceded byCory Gardner42nd Governor of ColoradoIn officeJanuary 11, 2011 – January 8, 2019LieutenantJoe GarcíaDonna LynnePreceded byBill RitterSucceeded byJared PolisChair of the National Governors AssociationIn officeJuly 13, 2014 – July 25, 2015DeputyGary HerbertPreceded byMary FallinSu...

 

Federalist Paper by Alexander Hamilton This article needs additional citations for verification. Please help improve this article by adding citations to reliable sources. Unsourced material may be challenged and removed.Find sources: Federalist No. 77 – news · newspapers · books · scholar · JSTOR (June 2018) (Learn how and when to remove this template message) Federalist No. 77 Alexander Hamilton, author of Federalist No. 77AuthorAlexander HamiltonOri...

Partai Reformasi Rakyat Partido Reporma ng PilipinasKetua umumMiriam Defensor SantiagoJuru bicaraNarciso Santiago IIIDibentuk12 April 1991 (1991-04-12)Kantor pusatKota QuezonIdeologiDemokrasi KristenFeminismePosisi politikKiri tengahAfiliasi internasionalTidak adaWarnaMerahKursi di Senat1 / 24 Gubernur provinsi1 / 79 Situs webwww.miriam.com.ph Partai Reformasi Rakyat adalah partai politik yang ada di Filipina. Partai ini didirikan pada tanggal 12 April 1991 sebagai partai politik da...

 

Cet article est une ébauche concernant un homme politique italien. Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment ?) selon les recommandations des projets correspondants. Pour les articles homonymes, voir Bertinotti. Fausto Bertinotti Fausto Bertinott en 2008. Fonctions Président de la Chambre des députés 29 avril 2006 – 28 avril 2008(1 an, 11 mois et 30 jours) Législature XVe Prédécesseur Pier Ferdinando Casini Successeur Gianfranco Fini Dép...

 

追晉陸軍二級上將趙家驤將軍个人资料出生1910年 大清河南省衛輝府汲縣逝世1958年8月23日(1958歲—08—23)(47—48歲) † 中華民國福建省金門縣国籍 中華民國政党 中國國民黨获奖 青天白日勳章(追贈)军事背景效忠 中華民國服役 國民革命軍 中華民國陸軍服役时间1924年-1958年军衔 二級上將 (追晉)部队四十七師指挥東北剿匪總司令部參謀長陸軍�...

Greene projectile point from central New York State Greene projectile points are stone projectile points manufactured by Native Americans what is now the Northeastern United States generally in the time interval of 300–800 AD.[1] Description Greene points are generally about 2 to 4 inches (5.1 to 10.2 cm) long with an average around 2.5 inches (6.4 cm). They are lanceolate in shape with weak or no shoulders and are 2¼ to 2½ times as long as they are wide.[1] ...

 

1996 studio album by DioAngry MachinesCover art by Paul R. GregoryStudio album by DioReleasedOctober 4, 1996 (1996-10-04)StudioTotal Access (Redondo Beach, California)GenreHeavy metalLength44:14LabelMercuryProducerRonnie James DioDio chronology Strange Highways(1993) Angry Machines(1996) Inferno: Last in Live(1998) Professional ratingsReview scoresSourceRatingAllMusic[1]Collector's Guide to Heavy Metal7/10[2] Angry Machines is the seventh studio album b...

 

Ancient near eastern views on structure and origins of the cosmos Mesopotamia's image of the world, following the path Gilgamesh takes in the Epic of Gilgamesh Ancient near eastern (ANE) cosmology refers to the plurality of cosmological beliefs in the Ancient Near East (including Ancient Egypt, Babylonia, Sumer, Akkad, Ugarit, and ancient Israel and Judah) from the 4th millennium BC until the formation of the Macedonian Empire by Alexander the Great in the 4th century BC. This system of cosmo...

21st race of the 2017 NASCAR Xfinity Series 2017 Mid-Ohio Challenge Race details Race 21 of 33 in the 2017 NASCAR Xfinity SeriesDate August 12, 2017Official name 5th Annual Mid-Ohio ChallengeLocation Lexington, Ohio, Mid-Ohio Sports Car CourseCourse Permanent racing facility2.258 mi (3.634 km)Distance 75 laps, 169.35 mi (272.542 km)Scheduled Distance 75 laps, 169.35 mi (272.542 km)Average speed 64.154 miles per hour (103.246 km/h)Pole positionDriver Sam Hornish Jr. Team PenskeTime 1:23.9...

 

Passersby on Buenos Aires' Florida Street gaze at damage left by striking graphist union workers at La Nación. The Rodrigazo fractured Perón's bulwark, labor unions, and led to her downfall. Rodrigazo is the name given to a group of economic policies announced in Argentina on June 4, 1975, and their immediate aftermath. The name is from the fact that the policies were announced and implemented by Celestino Rodrigo, the Minister of Economy of Argentina appointed by President Isabel Perón in...

 

この項目には、一部のコンピュータや閲覧ソフトで表示できない文字が含まれています(詳細)。 数字の大字(だいじ)は、漢数字の一種。通常用いる単純な字形の漢数字(小字)の代わりに同じ音の別の漢字を用いるものである。 概要 壱万円日本銀行券(「壱」が大字) 弐千円日本銀行券(「弐」が大字) 漢数字には「一」「二」「三」と続く小字と、「壱」「�...

Shahid RahmanBiographieNaissance 20 octobre 1956 (67 ans)New Delhi, IndeNationalités allemandeargentineFormation Universidad Nacional del Sur, Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg, Universität des SaarlandesActivité Philosophe et mathématicienPériode d'activité 1993 --Conjoint Cheryl LobbEnfant Laura Milena, Djamal-AlexanderAutres informationsDirecteur de thèse Kuno Lorenz (en)modifier - modifier le code - modifier Wikidata Shahid Rahman, né en 1956 à New Delhi, e...

 

此條目可能包含不适用或被曲解的引用资料,部分内容的准确性无法被证實。 (2023年1月5日)请协助校核其中的错误以改善这篇条目。详情请参见条目的讨论页。 各国相关 主題列表 索引 国内生产总值 石油储量 国防预算 武装部队(军事) 官方语言 人口統計 人口密度 生育率 出生率 死亡率 自杀率 谋杀率 失业率 储蓄率 识字率 出口额 进口额 煤产量 发电量 监禁率 死刑 国债 ...

 

此條目可能包含不适用或被曲解的引用资料,部分内容的准确性无法被证實。 (2023年1月5日)请协助校核其中的错误以改善这篇条目。详情请参见条目的讨论页。 各国相关 主題列表 索引 国内生产总值 石油储量 国防预算 武装部队(军事) 官方语言 人口統計 人口密度 生育率 出生率 死亡率 自杀率 谋杀率 失业率 储蓄率 识字率 出口额 进口额 煤产量 发电量 监禁率 死刑 国债 ...

American college football season 1991 Kentucky Wildcats footballConferenceSoutheastern ConferenceRecord3–8 (0–7 SEC)Head coachBill Curry (2nd season)Offensive coordinatorRick Rhoades (1st season)Defensive coordinatorLarry New (2nd season)Home stadiumCommonwealth StadiumSeasons← 19901992 → 1991 Southeastern Conference football standings vte Conf Overall Team W   L   T W   L   T No. 7 Florida $ 7 – 0 – 0 10 – 2 ...

 

Akademi Presidensial Ekonomi Nasional dan Administrasi Publik Federasi RusiaMarkas besar RANEPANama sebelumnyaAkademi Ekonomi Nasional, Akademi Administrasi Publik RusiaJenisPublikDidirikan1977 (dibangun ulang tahun 2010)RektorAlexey Komissarov[1]Jumlah mahasiswa180,000LokasiMoskow, Rusia55°40′02″N 37°28′46″E / 55.66722°N 37.47944°E / 55.66722; 37.47944Koordinat: 55°40′02″N 37°28′46″E / 55.66722°N 37.47944°E / 55....

 

  提示:此条目页的主题不是滨海站、滨海西站或滨海港站。 滨海北站Binhaibei Railway Station[1][2]位置 中国天津市滨海新区地理坐标39°14′5.37″N 117°45′22.41″E / 39.2348250°N 117.7562250°E / 39.2348250; 117.7562250管辖机构北京局集团唐山直属站[3]途经线路津秦高速铁路站台总共2个、站台面2个股道总共4条其他信息电报码FCP拼音码BHB车站等�...

1993 film by Ronald F. Maxwell GettysburgTheatrical release posterDirected byRonald F. MaxwellScreenplay byRonald F. MaxwellBased onThe Killer Angelsby Michael ShaaraProduced byMoctesuma EsparzaRobert A. KatzStarring Tom Berenger Jeff Daniels Martin Sheen Maxwell Caulfield Kevin Conway C. Thomas Howell Richard Jordan James Lancaster Stephen Lang Sam Elliott CinematographyKees Van OostrumEdited byCorky EhlersMusic byRandy EdelmanProductioncompanies Turner Pictures TriStar Television Esparza/Ka...

 

Hari Peringatan Eropa untuk Korban Stalinisme dan NazismeDirayakan olehUni Eropa, Organisasi untuk Keamanan dan Kerja Sama di Eropa, Kanada, Amerika Serikat dan negara lainnyaJenisInternasionalMaknaHari peringatan bagi para korban rezim totaliter dan otoriterTanggal23 AgustusFrekuensitahunan Hari Peringatan Eropa untuk Korban Stalinisme dan Nazisme, atau dikenal juga dengan nama Hari Pita Hitam (Bahasa Inggris: Black Ribbon Day) adalah hari peringatan internasional bagi para korban rezim tota...