Pirates et corsaires de Salé

Les corsaires faisant couler des vaisseaux chrétiens au large de Salé, gravure du XVIIe s.

L'expression « corsaires de Salé » désigne les pirates ou corsaires opérant entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle à partir des actuelles Salé et Rabat au Maroc, ex-Salé-le-Vieux et Salé-le-Neuf dont le fief était l'actuelle kasbah des Oudayas, située à l'embouchure du fleuve Bouregreg.

Origine

Les pirates et corsaires salétins étaient essentiellement recrutés parmi les morisques installés au Maroc, les renégats européens et les locaux de La Maâmora regroupant diverses tribus marocaines avec une minorité de pirates originaires d'autres pays du Maghreb ou de Turquie[1].

Historique

Salé jusqu'au XVIe siècle

Salé-le-Vieux, l’un des ports des plus importants de l’époque mérinide, servait d'arsenal et de base aux navires en partance pour la guerre en Al-Andalus[2].

Depuis la fin du XIIIe siècle, il s'y ajoute une petite activité de piraterie[3]. Cette activité se poursuit au XVe siècle, période durant laquelle, selon Mármol, « on y équipe des fustes pour courir les côtes de la Chrétienté ». Luiz de Sousa, pour sa part, atteste la prise d'une caravelle portugaise en 1530[3].

L'arrivée des Morisques d'Espagne

À partir de 1609, après les riches Hornacheros qui ont anticipé l'expulsion et quitté l'Espagne pour le Maroc avec leurs biens, a lieu l'arrivée en masse des morisques dits Andalous, expulsés sans pouvoir emporter leurs biens.

La population de Salé-le-Vieux se montrant hostile à leur implantation, l'essentiel de cet afflux de population se concentre à la kasbah des Oudéïas[4], où se rassemblent les riches Hornacheros, et dans la ville basse de Salé-le-Neuf.

Origines de la République de Salé

L'âge d'or de la course maritime débute après cet événement ; il se forme une communauté de corsaires, à la tête de laquelle se trouvent Ibrahim Vargas, puis Jan Janszoon. Le pouvoir des sultans cesse temporairement d'être reconnu en 1627, moment de transition dynastique au Maroc avant l'avènement des Alaouites.

La République de Salé

La kasbah des Oudaïas, capitale de la République corsaire.

La République de Salé, ou République du Bouregreg (« Salé » désigne à l'époque l'ensemble des implantations sur les deux rives de l'embouchure du Bouregreg) ou République des pirates du Bou Regreg, est une république maritime, qui a existé à l'embouchure du fleuve Bouregreg de 1627 à 1668, formée des trois cités[5] de Salé, de Rabat et de la Kasbah, siège du diwan. Le développement de ces deux dernières cités, situées sur la rive gauche de l'embouchure du Bouregreg, est à l'origine de l'actuelle ville de Rabat, appelée alors « Salé-le-Neuf ».

Il s'agit effectivement d'une association de pirates[6], ou tout au moins de corsaires. Née de l'arrivée des musulmans expulsés par décision du roi d'Espagne, cette communauté de pirates, abritée des attaques par les hauts-fonds protégeant l'entrée de l'embouchure du Bouregreg, prospéra en attaquant des navires et en effectuant des raids jusqu'en Cornouailles, et même en Islande, où est capturée Guðríður Símonardóttir dite Tyrkja-Gudda (Gudda la Turque). Elle laisse au Royaume-Uni le souvenir des Sallee Rovers (« les écumeurs des mers de Salé »), comme en témoignent les aventures de Robinson Crusoé, captif des corsaires de Salé.

Les villes de Salé et de Rabat ont été victimes de plusieurs bombardements français, qui ont occasionné beaucoup de dégâts matériels, mais sans résultats importants. Le premier a lieu en 1629, par une escadre de sept vaisseaux commandée par l'amiral Isaac de Razilly[7].

Au XVIIe siècle, le marabout Sidi M'hamed El-Ayachi mène depuis Salé une lutte contre les Espagnols basés à La Mamora et contre ses rivaux Dilaïtes[8],[9].

Les corsaires après la fin de la République du Bouregreg

Après le rattachement de Salé et de Rabat au Maroc en 1668[10],[11],[12],[13], la piraterie continue et s'intensifie pendant le règne du sultan Moulay Rachid mais cette fois-ci dans tout le Maroc. Lorsque Moulay Ismaïl succède à son frère Moulay Rachid mort en 1672[14], il reprend le contrôle de plusieurs villes côtières du Maroc, et ainsi, Salé et plusieurs villes côtières continuent le djihad jusqu'en 1818, lorsque Moulay Sliman déclare mettre fin à la guerre sainte[15].

Organisation

Le chébec, proche de la polacre et de la pinque, était l'un des bâtiments préférés des corsaires Salétins, du fait de sa vitesse. De plus, les rames permettaient une approche discrète, même en l'absence de vent.

Liste de corsaires

Les plus célèbres

Corsaires de Salé-le-Vieux (Salé)

Corsaires de Salé-le-Neuf (Rabat)

Notes et références

  1. Philippe Hrodej et Gilbert Buti, Dictionnaire des corsaires et des pirates, CNRS editions, (ISBN 978-2-271-07702-8, lire en ligne)
  2. Henri Terrase, Les portes de l'Arsenal de Salé, ed. Hespéris, 1999 p. 357-371
  3. a et b L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727 : Un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 37
  4. Site classé patrimoine de l'UNESCO.
  5. Coindreau 2006, p. 50
  6. Pickens, Peuriot et Ploquin 1995, p. 230
  7. Martijn Theodoor Houtsma, E.J. Brill's First Encyclopaedia of Islam, 1913-1936, Volume 9, ed. Brill, 1987 (ISBN 9004082654) p. 549
  8. Salé: Naissance d'une ville, prouesses de Ayachi sur www.selwane.com
  9. The Cambridge history of Islam par P. M. Holt, Ann K. S. Lambton, Bernard Lewis p. 247
  10. (en) Michael Dumper et Bruce E. Stanley, Cities of the Middle East and North Africa : a Historical Encyclopedia, Oxford, ABC-CLIO, , 439 p. (ISBN 978-1-57607-919-5 et 1-57607-919-8, lire en ligne), p. 306
  11. Coindreau p. 53
  12. (es) Mikel de Epalza, Los Moriscos antes y después de la expulsión, Madrid, Editorial MAPFRE, , 312 p. (ISBN 84-7100-249-3), p. 106
  13. Brahim Harakat, « Le makhzen sa'adien », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, nos 15-16,‎ , ? (lire en ligne)
  14. « Moulay Ismâïl, sultan alaouite du Maroc de 1672 à 1727 », sur histoiredumaghreb.com, (consulté le ).
  15. Coindreau p. 58
  16. Peter Lamborn Wilson, « Pirate Utopias »], p. 86-148.
  17. « Ahmed el Inglizi » dans The Real Guide, Morocco par Mark Ellingham, Shaun McVeigh Prentice Hall, p. 189 (ISBN 978-0-13-783697-0)
  18. a b c d e f g h i j k et l R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 93
  19. a et b Doukkali, p. 245
  20. a b c d et e Doukkali, p. 247
  21. a b c d et e Doukkali, p. 248
  22. Doukkali, p. 249
  23. Doukkali, p. 52
  24. Doukkali, p. 174
  25. (ar) Abdelaziz Benabdallah[le lien externe a été retiré], « Les Andalou », sur abdelazizbenabdallah.org.
  26. a et b Doukkali, p. 254
  27. Doukkali, p. 255
  28. Doukkali, p. 218
  29. Doukkali, p. 229
  30. a b c et d Doukkali, p. 235
  31. a et b Doukkali, p. 233
  32. Doukkali, p. 239
  33. Doukkali, p. 241
  34. Doukkali, p. 260
  35. a b et c Doukkali, p. 277
  36. a b et c R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 92
  37. a b et c L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727: un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 52
  38. a b c et d L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727: un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 199
  39. a et b L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727: un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 137
  40. R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 90
  41. a b et c R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 85
  42. a et b R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 91
  43. L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727: un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 172
  44. R. Coindreau, « Les Corsaires de Salé », p. 120
  45. L. Meziane, Salé et ses corsaires, 1666-1727: un port de course marocain au XVIIe siècle, p. 198

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Xavier Couplet, Rabat : Comment je suis devenue capitale, Rabat, Marsam, [détail de l’édition] (« Ma revanche avec l'aide de mes corsaires »), p. 61-73
  • Leïla Maziane, « Les corsaires de la « République » de Salé », Zamane, no 3,‎ , p. 50-53 (lire en ligne)
  • Leïla Maziane, « Course salétine et contre-course européenne en Méditerranée atlantique aux XVIIe et XVIIIe siècles », Ibla, no 202,‎ , p. 279-303
  • Leïla Maziane (préf. André Zysberg), Salé et ses corsaires, 1666-1727 : Un port de course marocain au XVIIe siècle, Mont-Saint-Aignan/Caen, Publications des universités de Rouen et du Havre/Presses universitaires de Caen, (ISBN 978-2-84133-282-3) [table des matières] [aperçu en ligne] Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Leïla Maziane, « Le vocabulaire maritime de la société corsaire de Salé-le-Neuf (Rabat) aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Jocelyne Dakhlia, Trames de langues. Usages et métissages linguistiques au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, , p. 97-104
  • Roger Coindreau (préf. Mohamed Zniber), Les Corsaires de Salé, La Croisée des chemins, , 2e éd. (1re éd. 1948) [détail des éditions] [aperçu en ligne] Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Robert Chastel, « Les corsaires du Bou Regreg : de la naissance à la fin de la course », dans Rabat-Salé : Vingt siècles de l’oued Bou Regreg, Rabat, La Porte, (ISBN 9981-889-07-5), p. 75-94
  • Jacques Caillé, « Le dernier exploit des corsaires du Bou Regreg », dans Hespéris : Archives berbères et bulletin de l'Institut des hautes études marocaines, t. XXXVII, (lire en ligne), p. 429-437
  • Henry de Castries, « Le Maroc d'autrefois : Les corsaires de Salé », Revue des deux Mondes,‎ (lire en ligne [archive du ])
  • Pierre Dan, Histoire de Barbarie et de ses corsaires, , 2e éd. (1re éd. 1646) (lire en ligne), « Des corsaires de la ville et république de Salé »
  • Samuel Pickens, Françoise Peuriot et Philippe Ploquin, Maroc : Les Cités Impériales, Courbevoie, www.acr-edition.com, , 311 p. (ISBN 978-2-86770-075-0, lire en ligne)
  • (ar) Jean Cousté (trad. Abu al-Kacem Achach), بيوتات مدينة سلا [« Les Grandes Familles indigènes de Salé »], Imprimerie officielle de Rabat, diffusion de la bibliothèque Sbihi,‎ , 152 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (ar) Mohamed Ibn Ali Doukkali, الاتحاف الوجيز، تاريخ العدوتين, Editions Maârif de Rabat, diffusion de la bibliothèque Sbihi,‎ , 2e éd., 400 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes

Liens externes