Pierre Charles, né le à Schaerbeek (Bruxelles) et décédé le à Louvain (Belgique), est un prêtre jésuite belge, philosophe, théologien et missiologue. On lui doit en particulier l'animation de la rencontre annuelle de la Semaine missiologique de Louvain.
En 1914, Charles est nommé professeur de théologie dogmatique à Egenhoven/Louvain (le théologat jésuite) où il enseignera toute sa vie. Son sujet préféré était le traité de l’Incarnation du Christ qui le conduisait à développer des idées originales sur l’enracinement de la foi chrétienne parmi des peuples aux différentes cultures. C’est à l’origine de sa ‘Théologie de la Mission, ou Missiologie. A l'Université grégorienne de Rome, la faculté de Missiologie est créée en 1932, dont la collection annuelle de Studia missionalia est inaugurée en 1943[1].
Missiologie
Dès 1920, il défend l'idée d'Églises autonomes dans les pays de missions[1]. Cet aspect de sa missiologie - qui semble aller de soi aujourd'hui - n'était pas évident à l'heure où il mena son combat pour une ‘catholicité’ (c’est-à-dire ‘universalité’) effective de l'Église. Il avait coutume de dire qu'il n'est pas normal qu'un Japonais doive se convertir deux fois: à la foi chrétienne et à une expression de celle-ci dans les schèmes culturels occidentaux.
Répondant à la demande de missionnaires du Congo, il lança en 1923 une collection de monographies, les Xaveriana, qui traitait de problèmes socio-culturels rencontrés par les missionnaires.
À partir de 1922 les rencontres annuelles appelées Semaines missiologiques de Louvain permettent aux théologiens et spécialistes de débattre en profondeur des sujets touchant à l’inculturation de la foi chrétienne: mariage, polygamie et famille, sorcellerie, rôle de la femme, liturgie, etc. Ces semaines eurent un grand succès. Les publications qui s’ensuivirent (les Dossiers de l'Action missionnaire) étaient une lointaine préparation du concile Vatican II.
Il insistait sur la décolonisation des peuples et surtout des églises. Il encourageait la formation d’un clergé local et la nomination d’évêques indigènes.
Par ses sermons de l’avent à Louvain il mobilisa un groupe d’universitaires avec lesquels il fonda l'Association universitaire catholique pour l'aide aux missions [AUCAM], qui s’engagea dans une formation poussée de laïcs congolais dans des domaines scientifiques (médecine et agriculture). Leur Institut universitaire congolais fondé en 1940 est à l’origine de la première université congolaise, l’Université Lovanium (1951), devenue Université de Kinshasa.
Prophète de l’unification mondiale
A l’image de Teilhard, duquel il était proche, il envisageait le rapprochement inéluctable, les énergies convergentes et l’unification grandissante de la race humaine. Dans la Bibliographie nationale belge, Joseph Masson le décrit comme un ardent apôtre, prophète de l'unification du monde, l'égalisation des races, l'émancipation des colonisés, la nécessité de donner à l'Église une pluralité de visages selon les divers espaces culturels.
Sans être wallon il imaginait volontiers la participation de la Wallonie à ce grand mouvement d’intégration des énergies humaines. Il écrivit dans La Terre wallonne : "Quels sont ceux qui croient que la Wallonie a besoin d'aide, et qui jugent que, pour l'aider, il faut l'instruire de ce qu'elle est? Qu'ils viennent en toute confiance: qu'ils parlent en toute franchise. Nous appelons de grand cœur toutes les énergies sincères qui voudront bien se joindre à nos efforts désintéressés. Nous n'avons pas encore de chronique sociale. L'art wallon cherche des historiens. L'inventaire religieux de nos provinces n'est pas même ébauché. Tout est à faire, et c'est fort bien: car si tout est à faire, c'est que rien n'a encore été mal fait"[3].
Écrits
Charles fut également auteur d'ouvrages de spiritualité qui eurent du succès. Cette spiritualité jaillissait de la même théologie d'incarnation et d'engagement dans les réalités concrètes du monde et de la vie quotidienne.
La robe sans couture, Louvain, 1923
La prière de toutes les heures (3 vol.), Bruxelles, 1924
La prière missionnaire, Paris, 1935
Dossiers de l'action missionnaire, Louvain, 1939
Missiologie, Paris, 1939
Les protocoles des sages de Sion, Paris, 1939
La prière de toutes les choses, Bruxelles, 1947
Études missiologiques, Bruges, 1956
L'Église, sacrement du monde, Bruges, 1960
Notes et références
↑ ab et cEtienne Fouilloux, Les Jésuites, Histoire et Dictionnaire, Paris, Bouquins éditions, , 556 p. (ISBN978-2-38292-305-4)
↑Pierre Charles: Les protocoles des sages de Sion, dans Nouvelle Revue théologique, vol. 65, 1938, pp.56-78, 966-969, 1083-1084.
↑Pierre Charles, « Notre tâche religieuse », in La Terre wallonne (15.10.1921), p. 8-27
Voir aussi
Bibliographie
Pierre Charles, « Dante et la Mystique », Revue néo-scolastique de philosophie, vol. 23ᵉ année, no 90, , p. 121-139 (lire en ligne)
Jean Levie, « In memoriam : le père Pierre Charles », Nouvelle Revue théologique, vol. 76, 1954, p. 254-273.
S. Brown, Fr. Pierre Charles, in R. Nash (éd), Jesuits, Dublin, 1956