Philip Milton Roth, né le à Newark dans le New Jersey et mort le [2] à New York[1], est un écrivainaméricain, auteur d'un recueil de nouvelles et de 26 romans, dont plusieurs ont fait l'objet d'adaptations cinématographiques.
Roth publie avec succès un premier recueil de nouvelles, Goodbye, Columbus, en 1959. Dix ans plus tard, il obtient une célébrité phénoménale avec la publication de Portnoy et son complexe, roman comique en forme de monologue d'un jeune avocat juif traumatisé par une mère à l'amour étouffant sur le divan de son psychanalyste. Satires vives et crues des mœurs de la petite bourgeoisie juive-américaine, ces deux livres suscitent la controverse au sein de la communauté juive, et valent à l'auteur d'être considéré comme l'« enfant terrible » du roman juif-américain jusqu'aux années 1990. Roth reviendra avec humour sur les attaques de ses plus virulents détracteurs dans son autobiographieLes Faits[4], et dans les premiers romans du « cycle Zuckerman », L'Écrivain des ombres, Zuckerman délivré et La Leçon d'anatomie, qui transposent ses débuts d'écrivain par le biais de son double fictionnel de prédilection, Nathan Zuckerman, auteur du scandaleux Carnovsky, qui n'est pas sans faire penser à Portnoy et son complexe.
Se prenant de passion pour Franz Kafka, il se rend régulièrement à Prague où il se lie aux dissidents et romanciers tchèques, parmi lesquels Milan Kundera et Ivan Klíma, ce qui lui vaut d'être interdit de séjour en Tchécoslovaquie en 1975. L'épisode inspirera l'intrigue de L'Orgie de Prague (1985), et Roth contribuera néanmoins à faire découvrir ces écrivains ainsi que d'autres romanciers d'Europe de l'Est, tel que Bruno Schulz, dans le monde anglophone en tant que directeur de collection pour les éditions Penguin.
Années 1980 et 1990
Jusqu'au milieu des années 1980, Roth partage sa vie entre les États-Unis et Londres, avec sa compagne, l'actrice britannique Claire Bloom (en couple à partir de 1975, ils divorcent en 1994[5]). Il livre les sentiments mêlés que lui inspire la société anglaise dans La Contrevie (1986) et Tromperie, et rédige deux livres autobiographiques, Les Faits, et Patrimoine (1991) qui conte la dernière année de la vie de son père, Herman.
Ayant renoué avec le succès critique et commercial grâce à son livre Le Théâtre de Sabbath (1995), portrait crépusculaire, cocasse et bouleversant d'un vieux marionnettiste nihiliste et lubrique, Roth entame l'une des périodes les plus prolifiques de son œuvre, et lui donne, depuis Pastorale américaine (1997), une inflexion historique, pour se pencher sur quelques-uns des grands moments de crise de la gauche américaine au XXe siècle et l'histoire de l'acculturation des Juifs originaires d'Europe de l'Est aux États-Unis.
Dernières années
En , il annonce, dans une interview du Point, qu'il arrête l'écriture et que Némésis sera son dernier roman[6]. Il le confirme en , lors d'un entretien avec Nelly Kaprièlian pour Les Inrockuptibles[7],[8].
Comme celle de Thomas Wolfe, lecture qui le marqua quand il était adolescent[10], l'œuvre de Philip Roth forme une vaste fresque à la lisière de la fiction et de l'autobiographie, qui traite dans une prose aux qualités uniques d'ironie et de clairvoyance des thèmes aussi puissants que les tumultes de la sexualité et de la psychologie masculines, le poids de l'Histoire et de l'héritage, la hantise de la désagrégation du corps et de la mort, et la place du judaïsme et de la littérature dans la civilisation occidentale.
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Cité, en 2003, par le célèbre critique Harold Bloom parmi les quatre principaux auteurs américains vivants, avec Cormac McCarthy, Don DeLillo et Thomas Pynchon[11], il est avec ces deux derniers l'un des principaux représentants du courant postmoderne[12], mais son œuvre variée ne s'y résume pas. Adoptant un style satirique aussi bien que plus sérieux, mêlant souvent à ses romans des aspects autobiographiques, parfois même de façon avouée comme dans Tromperie (Deception, 1990) et Opération Shylock, Philip Roth est célébré comme l'un des grands auteurs juifs américains avec Saul Bellow et Bernard Malamud[12], identité qui nourrit souvent ses intrigues sur un ton humoristique (Portnoy et son complexe), et dans lequel évoluent le plus souvent ses personnages (à commencer par Nathan Zuckerman).
La réflexion de Roth sur l'identité américaine, notamment à travers l'histoire des années 1940 à 1960, nourrit ses œuvres les plus récentes (Pastorale américaine, Le Complot contre l'Amérique). Souvent cité parmi les favoris du prix Nobel de littérature, Philip Roth ne l'a pas reçu, fait qualifié d'anomalie par diverses autorités comme le New York Times[13], James Ellroy ou Toni Morrison[14], laquelle demeure le dernier romancier américain lauréat du Nobel (le chanteur et poète Bob Dylan l'ayant reçu en 2016).
Philip Roth est enfin l'un des rares auteurs américains à voir son œuvre faire l'objet d'une édition par la Library of America de son vivant. Ce qui n'est arrivé que deux fois par le passé, avec Eudora Welty et Saul Bellow. La publication des neuf volumes s'est achevée à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de l'écrivain, en 2013[15],[16]. En France, une partie de son œuvre a été publiée dans la Bibliothèque de la Pléiade de son vivant, dans un volume paru en 2017[17]. Un deuxième volume paraît en 2022[18].
Polémique avec Wikipédia
En , Blake Bailey, le biographe de Philip Roth, a essayé de supprimer un passage de l'article de l'édition en anglais de Wikipédia sur le roman La Tache : la page relayait une théorie partagée par de nombreux critiques que le personnage principal du roman s'inspirait de la vie de Anatole Broyard. Aucune source ne faisant état de l'inexactitude de cette théorie, la modification est annulée[19]. L'incompréhension des principes de l'encyclopédie par le biographe ont conduit Philip Roth à écrire une lettre ouverte à Wikipédia dans The New Yorker[20]. Cette tribune constituant dès lors une source pour ses dires, les informations ont été reportées dans l'article dès la parution du magazine[21]. L'anecdote a été commentée dans la presse internationale[22] allant jusqu'à faire réagir la fille d'Anatole Broyard trouvant anormal le fait que l'écrivain « veuille contrôler de manière dictatoriale les conclusions que d'autres tirent de ses personnages »[19].
Première apparition de Nathan Zuckerman dans My Life as a Man, 1974 (trad. Georges Magnane, Ma vie d'homme, 1976). Les quatre romans sont réunis dans Zuckerman Bound (jeu de mots entre Zuckerman enchaîné et « Zuckerman relié »), trilogie et épilogue.
Du côté de Portnoy et autres essais, 1978 ((en) Reading Myself and Others, 1975), trad. Michel et Philippe Jaworski
Les Faits : Autobiographie d'un romancier, 1990 ((en) The Facts: a Novelist's Autobiography, 1988), trad. Michel Waldberg ; nouvelle traduction par Josée Kamoun, 2020
Parlons travail, 2004 ((en) Shop Talk: a Writer and His Colleagues and Their Work, 2001), trad. Josée Kamoun
Pourquoi écrire ?, 2019 ((en) Why write ?, 2017), trad. Lazare Bitoun, Michel et Philippe Jaworski et Josée Kamoun
Ce volume contient : Du côté de Portnoy et autres essais - Parlons travail - Explications dont notamment la lettre ouverte à Wikipédia.
Anthologie
Romans et nouvelles (1959-1977), trad. de l'anglais (États-Unis) par Georges Magnane, Henri Robillot et Céline Zins et révisé par Brigitte Félix, Aurélie Guillain, Paule Lévy et Ada Savin. Édition de Brigitte Félix, Aurélie Guillain, Paule Lévy et Ada Savin, préface de Philippe Jaworski, éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2017, 1280 p. Contient : Goodbye, Columbus, La Plainte de Portnoy (Portnoy et son complexe), Le Sein, Ma vie d'homme, Professeur de désir.
Romans et récits (1979-1991), trad. de l'anglais (États-Unis) par Mirèse Akar, Jean-Pierre Carasso, Josée Kamoun, Maurice Rambaud et Henri Robillot et révisé par Aurélie Guillain et Philippe Jaworski. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski. Avec la collaboration de Brigitte Félix, Aurélie Guillain et Paule Lévy, éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2022, 1584 p. Contient : L'Écrivain fantôme - Zuckerman délivré - La Leçon d'anatomie - L'Orgie de Prague - La Contrevie - Les Faits. Autobiographie d'un romancier - Tromperie - Patrimoine. Une histoire vraie.
Rémi Astruc, Le Renouveau du grotesque dans le roman du XXe siècle, Paris, Classiques-Garnier, 2010
Patrick Badonnel, Daniel Royot et Derek Parker Royal, Philip Roth, American Pastoral, Paris, Atlande, 2011 (ISBN978-2350301693)
(en) Philip Roth, les ruses de la fiction, André Bleikasten, Paris, Belin, coll. « Voix américaines », 2001 lire un compte-rendu
(en) Alan Cooper, Philip Roth and the Jews, SUNY Series in Modern Jewish Literature and Culture, 1996 (ISBN0-7914-2910-5)
Andrée Ferretti, « Et pourtant…, triomphe la littérature / Exit le fantôme de Philip Roth », Nuit blanche, magazine littéraire, n° 119, été 2010, p. 46-47 (Article).
(de) Till Kinzel, Die Tragödie und Komödie des amerikanischen Lebens. Eine Studie zu Zuckermans Amerika in Philip Roths Amerika-Trilogie, Heidelberg, Winter, (American Studies, 137), 2006 (ISBN3-8253-5223-4)
(en) S. Milowitz, Philip Roth Considered: The Concentrationary Universe of the American Writer, 2000 (ISBN0-8153-3957-7)
(en) Norman Podhoretz, « The Adventures of Philip Roth », Commentary, ; repris sous le titre « Philip Roth, Then and Now » dans The Norman Podhoretz Reader, 2004, p. 327-348
(en) Derek Parker Royal, Philip Roth: New Perspectives on an American Author, 2005 (ISBN0-275-98363-3)
(en) Elaine B. Safer, Mocking the Age: The Later Novels of Philip Roth, SUNY Series in Modern Jewish Literature and Culture, 2006 (ISBN0-7914-6709-0)
Steven Sampson, Corpus Rothi, Paris, Éditions Léo Scheer, coll. « Variations »
(en) Sebastian Schmitt, Fifties Nostalgia in Selected Novels of Philip Roth, Trier, WVT (MOSAIC, 60), 2017 (ISBN978-3-86821-740-7).
(en) George J. Searles éd., Conversations with Philip Roth, 1992 (ISBN978-0-87805-558-6)
(en) Debra B. Shostak, Philip Roth-Countertexts, Counterlives, 2004 (ISBN1-57003-542-3)
(de) Wiebke-Maria Wöltje, My finger on the pulse of the nation. Intellektuelle Protagonisten im Romanwerk Philip Roths, WVT (Mosaic, 26), Trèves, 2006 (ISBN3-88476-827-1)