À la voix active des verbes réguliers, il est formé, à la première conjugaison, du thème morphologique de cette forme, qui contient le suffixe-av-, et, aux autres classes de conjugaison, du radical spécifique de cette forme, avec des désinencespersonnelles identiques à toutes les conjugaisons. Exemples[2] :
Personne
1re conjugaison amāre « aimer »
2e conjugaison vidēre « voir »
3e conjugaison dūcere « conduire »
3e conjugaison avec -iō au présent capere « prendre »
4e conjugaison sentīre « sentir »
1re sg.
amāvī
vīdī
dūxī
cēpī
sēnsī
2e sg.
amāvistī
vīdistī
dūxistī
cēpistī
sēnsistī
3e sg.
amāvit
vīdit
dūxit
cēpit
sēnsit
1re pl.
amāvimus
vīdimus
dūximus
cēpimus
sēnsimus
2e pl.
amāvistis
vīdistis
dūxistis
cēpistis
sēnsistis
3e pl.
amāvērunt
vīdērunt
dūxērunt
cēpērunt
sēnsērunt
Cette forme exprime un procès passé d'aspect perfectif qui peut être de deux sortes : ayant un rapport avec le présent (valeur appelée perfectum presens, héritée du parfait proto-indo-européen[1]) ou sans rapport avec celui-ci (perfectum historicum)[3], valeur qu'il a reprise d'une autre forme synthétique de passé proto-indo-européen, l'aoriste[4]. On trouve un exemple pour sa première valeur dans la phraseat tibi nōs dedimus dābimusque etiam « mais nous t'en avons donné et t'en donnerons à nouveau » (sous-entendu « maintenant tu en as ») (Plaute), et des exemples pour la seconde valeur sont vēnī, vīdī, vīcī « je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu » (Suétone)[5].
Dans les langues romanes
Le latin a transmis aux langues romanes seulement le parfait exprimant des procès sans rapport avec le présent, sous la forme du passé simple. L'autre valeur, de rapport avec le présent, a été assumée par le passé composé, qui avait commencé de se développer également en latin[1].
En français, le passé simple se forme régulièrement du radical du verbe à l'infinitif présent, suivi d'une voyelle caractéristique pour le groupe de verbes, et par des désinences spécifiques[6]. Exemples :
Personne
1er groupe chanter
2e groupe finir
3e groupe avec -i- partir
3e groupe avec -u- vouloir
1re sg.
je chantai
je finis
je partis
je voulus
2e sg.
tu chantas
tu finis
tu partis
tu voulus
3e sg.
il/elle/on chanta
il/elle/on finit
il/elle/on partit
il/elle/on voulut
1re pl.
nous chantâmes
nous finîmes
nous partîmes
nous voulûmes
2e pl.
vous chantâtes
vous finîtes
vous partîtes
vous voulûtes
3e pl.
ils/elles chantèrent
ils/elles finirent
ils/elles partirent
ils/elles voulurent
En français standard du XXIe siècle, le passé simple n'est plus utilisé dans le registre de langue courant. Son emploi est limité à la langue de la littérature artistique (romans, récits, contes), ainsi qu'aux écrits d'histoire et biographiques. Dans la langue courante, il est remplacé par le passé composé, qui le concurrence dans les écrits historiques et biographiques aussi. Exemples en phrases :
Le peintre Matissenaquit en 1869 et mourut en 1954. Il peignit le célèbre tableau « La Danse » en 1909, il vécut longtemps dans le Midi et il fut l'ami de Picasso.
En italien
En italien, le passé simple, appelé passato semplice ou passato remoto (littéralement « passé lointain ») se forme, pour les verbes réguliers, du radical de l'infinitif présent, avec des terminaisons qui comprennent une voyelle spécifique pour la classe de conjugaison, les mêmes qu'à l'infinitif (-a-, -e-, respectivement -i-) et les désinences. Exemples[7] :
Personne
1re conjugaison parlare « parler »
2e conjugaison credere « croire »
3e conjugaison dormire « dormir »
1re sg.
parlai
credei/credetti
dormii
2e sg.
parlasti
credesti
dormisti
3e sg.
parlὸ
credé/credette
dormì
1re pl.
parlammo
credemmo
dormimmo
2e pl.
parlaste
credeste
dormiste
3e pl.
parlarono
crederono/credettero
dormirono
Remarques :
À la 2e conjugaison, certains verbes ont des variantes de formes personnelles.
À la troisième personne du singulier de la 1re conjugaison, la voyelle caractéristique change en -ὸ, et la désinence est -ø- (zéro).
En italien aussi, le passé simple exprime des procès sans rapport avec le présent. Il est courant dans la narration littéraire, typiquement dans les contes, dans les biographies et dans les écrits d'histoire. Il s'oppose au passé composé, qui exprime, lui aussi, des procès d'aspect perfectif mais ayant un rapport avec le présent. Toutefois, le passé composé tend à remplacer le passé simple dans la langue parlée courante. Il y a des différences quant à la fréquence du passé simple par rapport au passé composé, en fonction des variétés régionales. Le passé simple est très rare en Italie du Nord et dans une grande partie de l'Italie centrale mais, à mesure qu'on avance vers le sud, il est de plus en plus fréquent, étant utilisé le plus souvent dans le Mezzogiorno[8]. Exemples en phrases :
Pier Paolo Pasolini nacque nel 1922. Fu uno dei più famosi scrittori del Neorealismo « Pier Paolo Pasolini naquit en 1922. Il fut l'un des plus célèbres écrivains néoréalistes ».
En roumain
Le passé simple roumain, appelé perfect simplu (litt. « parfait simple »), est marqué par les suffixes, communs avec l'infinitif, -a- à la 1re conjugaison et -i- ou -î/â- à la 4e[9]. Les verbes de la 2e conjugaison et une partie des verbes de la 3e ont le suffixe spécifique -u-, et les autres de la 3e, le suffixe spécifique -se-. Exemples :
Personne
1re conjugaison au suffixe changé en -ă- a aduna « rassembler »
1re conjugaison au suffixe changé en -e- a tăia « couper »
2e conjugaison a începe « commencer »
3e conjugaison en -u- a părea « paraître »
3e conjugaison en -se- a zice « dire »
4e conjugaison en -i- a sorbi « siroter »
4e conjugaison en -î/â- a coborî « descendre »
1re sg.
adunai
tăiai
părui
începui
zisei
sorbii
coborâi
2e sg.
adunași
tăiași
păruși
începuși
ziseși
sorbiși
coborâși
3e sg.
adună
tăie
păru
începu
zise
sorbi
coborî
1re pl.
adunarăm
tăiarăm
părurăm
începurăm
ziserăm
sorbirăm
coborârăm
2e pl.
adunarăți
tăiarăți
părurăți
începurăți
ziserăți
sorbirăți
coborârăți
3e pl.
adunară
tăiară
părură
începură
ziseră
sorbiră
coborâră
Remarques :
À la 3e personne du singulier, la désinence est -ø-.
La séquence -ră- est considérée comme faisant partie des désinences en cause.
À la 3e personne du singulier de la 1re conjugaison, le suffixe -a- change en -ă- ou en -e-, la différence entre les deux changements étant due aux contextesphonétiques différents.
L'accent tonique frappe le suffixe du passé simple, sauf à la 3e conjugaison avec -se-, où l'accent (marqué par soulignement) est sur le radical à certaines personnes et sur le suffixe à d'autres.
Dans le cas de certains verbes de la 1re conjugaison avec -a-/-ă-, la forme de la 3e personne du singulier du passé simple ne diffère de celle de la même personne de l'indicatif présent que par la place de l'accent : adună (passé simple) vs adună (présent).
Les verbes de la 4e conjugaison avec -î/â- présentent l'alternance orthographiqueî/â, les deux lettres transcrivant la même voyelle [ɨ].
En roumain aussi, le passé composé a repris, dans le registre courant, et même dans les textes d'histoire et biographiques, la valeur du passé simple d'exprimer des procès sans rapport avec le présent, en provoquant sa limitation à la narration artistique, par exemple dans les propositions incises accompagnant le discours direct, étant plus fréquent à la 3e personne, surtout du singulier, ex. – Unde ai fost? întrebă el. – M-am plimbat în parc, răspunse ea « – Où étais-tu ? demanda-t-il. – Je me suis promenée dans le parc, répondit-elle ».
Il est tout de même utilisé dans la parole courante dans certaines régions, comme l'Olténie, le Banat, la Crișana et une partie de la Munténie, non pas avec sa valeur de la variété standard, mais spécialisé pour les procès situés dans la journée où l'on parle, ex. Ieri am primit telegrama și azi venii aici « Hier j'ai reçu le télégramme et je suis venu(e) aujourd'hui ».
En espagnol
En espagnol, le passé simple, appelé pretérito perfecto simple (litt. « prétérit parfait simple ») des verbes réguliers est formé du radical de l'infinitif présent, suivi des voyelles caractéristiques -a-, à la 1re conjugaison, et -i- aux deux autres, plus les désinences. Exemples[10] :
Personne
1re conjugaison saltar « sauter »
2e conjugaison correr « courir »
3e conjugaison subir « monter »
1re sg.
salté
corrí
subí
2e sg.
saltaste
corriste
subiste
3e sg.
saltó
corrió
subió
1re pl.
saltamos
corrimos
subimos
2e pl.
saltasteis
corristeis
subisteis
3e pl.
saltaron
corrieron
subieron
Remarques :
À la 3e personne des 2e et 3e conjugaisons, la voyelle caractéristique est suivi de -e-.
L'accent tonique frappe les voyelles soulignées.
Aux 1re et 3e personnes du singulier de la 1re conjugaison, la voyelle caractéristique change et la désinence est nulle.
Aux 1re et 3e conjugaisons, la forme de la 1re personne du pluriel est identique à celle de la même personne à l'indicatif présent.
À la différence des langues traitées plus haut, en espagnol, le passé simple est courant dans la langue parlée, s'opposant au passé composé par la valeur exprimée : des procès passés d'aspect perfectif réellement ou subjectivement coupés du présent pour le passé simple, des procès passés d'aspect perfectif réellement ou subjectivement liés au présent pour le passé composé. Ces valeurs ressortent du contexte général ou de celui de la phrase, grâce à des compléments circonstanciels de temps[11]. Exemples[12] :
Fui al cine con Raúl « Je suis allé(e) au cinéma avec Raúl » ;
Ayer vi a Isabel « Hier, j'ai vu Isabel ».
Toutefois, dans certaines régions, le passé composé concurrence le passé simple dans la langue parlée. Par exemple à Madrid et au centre de l'Espagne en général, le passé composé remplace souvent le passé simple dans des phrases du genre de celles ci-dessus[12]. En revanche, en Amérique Latine, le passé simple est préféré même dans des cas où le procès a un rapport avec le présent, ex. Bebió demasiado « Il/Elle a trop bu » (sous-entendu possible, « ... c'est pourquoi il/elle est ivre »)[13].
Correspondants du passé simple dans d'autres langues indo-européennes
En anglais, l'une des valeurs de la forme appelée past simple ou simple past « passé simple » implique l'aspect perfectif et exprime des procès sans rapport avec le présent, correspondant à la valeur du passé simple des langues romanes, ex. The shop opened last week. Then it closed again two days later. « Le magasin a ouvert la semaine dernière, puis il a fermé de nouveau deux jours après ». Le past simple s'oppose nettement à la forme appelée present perfect (litt. parfait présent), correspondant au passé composé, mais seulement par sa valeur d'exprimer des procès passés d'aspect perfectif ayant un rapport avec le présent. Par ailleurs, le past simple des verbes qui expriment des états s'oppose à l'autre valeur de cette forme par l'expression de l'aspect imperfectif, correspondant ainsi à l'imparfait, ex. The Romans had a huge Empire « Les Romains avaient un empire immense »[14].
En allemand, la forme appelée Präteritum « prétérit » a des valeurs analogues à celles du past simple anglais. Ainsi, par exemple ich machte peut signifier je fis (perfectif), correspondant au passé simple, en opposition avec la forme appelée Perfekt « parfait », employée pour des procès ayant un rapport avec le présent, mais peut aussi signifier « je faisais » (imperfectif), correspondant à l'imparfait des langues romanes[1].
Dans des langues slaves
Le proto-slave, langue non attestée mais reconstituée, a hérité du proto-indo-européen l'aoriste, qui exprimait des procès passés d'aspect perfectif non duratifs et sans rapport avec le présent, utilisé dans des narrations[15]. Le proto-slave a développé également un parfait analytique qui a remplacé le parfait synthétique du proto-indo-européen, en reprenant sa valeur d'exprimer des procès ayant un rapport avec le présent, opposé ainsi à l'aoriste. Le parfait analytique a été transmis à toutes les langues slaves modernes. Certaines, comme le russe, ont perdu l'aoriste, remplacé par le parfait, mais d'autres l'ont conservé. En bulgare et en macédonien, l'aoriste est courant, et ces langues ont conservé aussi son opposition au parfait[1].
L'aorist s'est conservé en BCMS[16] aussi. Il est formé d'ordinaire du thème morphologique de l'infinitif des verbes perfectifs, constitué de leur radical et d'un suffixe qui est -ø- dans le cas de certains verbes. La marque de l'aoriste est un suffixe qui a trois allomorphes : -ø- pour les thèmes terminés en voyelle, -o- pour les thèmes terminés en consonne, à la 1re personne du singulier et à celles du pluriel, et -e- pour ces mêmes thèmes, aux 2e et 3e personnes du singulier[17]. Exemples :
La désinence des 2e et 3e personnes du singulier est -ø-.
L'exemple avec le thème en consonne ne subit pas le changement de celle-ci mais il y a des verbes dont cette consonne change, ex. ispeći « faire cuire (au four) », à l'aoriste ispekoh, ispeče, etc.
En BCMS, l'aoriste a à peu près le même statut que le passé simple français. Il est utilisé dans la narration littéraire, ex. – Dobar dan – reče nepoznati, skide šešir i predstavi se « Bonjour, dit l'inconnu, il enleva son chapeau et se présenta ». Dans la langue parlée et dans les écrits non littéraires, l'aoriste est remplacé par le parfait des verbes perfectifs, qui a repris, entre autres, la valeur de l'aoriste[19].
(ro) Avram, Mioara, Gramatica pentru toți [« Grammaire pour tous »], Bucarest, Humanitas, , 597 p. (ISBN973-28-0769-5)
(hr) Barić, Eugenija et al., Hrvatska gramatika [« Grammaire croate »], Zagreb, Školska knjiga, , 2e éd., 683 p. (ISBN953-0-40010-1)
(ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire général des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, (ISBN973-44-0229-3, lire en ligne)
(en) Browne, Wayles et Alt, Theresa, A Handbook of Bosnian, Serbian, and Croatian [« Manuel de bosnien, serbe et croate »], SEELRC, , PDF (lire en ligne)
Da Silva, Monique et Pereira-Tresmontant, Carmen, La grammaire espagnole, Paris, Hatier, (ISBN2-218-72267-4)
Delatour, Yvonne et al., Nouvelle grammaire du français : cours de civilisation française de la Sorbonne, Paris, Hachette, , 367 p. (ISBN2-01-155271-0, lire en ligne)
(ru) Iartseva, V. N. (dir.), Лингвистический энциклопедический словарь [« Dictionnaire encyclopédique de linguistique »], Moscou, Sovietskaïa Entsiklopedia, (lire en ligne)
(en) Kattán-Ibarra, Juan et Pountain, Christopher J., Modern Spanish Grammar. A practical guide [« Grammaire de l’espagnol moderne. Guide pratique »], Londres – New York, Routledge, , 2e éd., PDF (ISBN0-203-42831-5, lire en ligne)
(sr) Klajn, Ivan, Gramatika srpskog jezika [« Grammaire de la langue serbe »], Belgrade, Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, (ISBN86-17-13188-8, lire en ligne)
(en) Mondon, Jean-François R., Intensive Basic Latin: A Grammar and Workbook [« Manuel intensif de latin, niveau de base »], Londres / New York, Routledge, (ISBN978-1-315-74022-5, lire en ligne)
(en) Morwood, James, A Latin Grammar [« Grammaire latine »], Oxford – New York, Oxford University Press, (ISBN0-19-860277-4)
(en) Proudfoot, Anna et Cardo, Francesco, Modern Italian grammar: a practical guide [« Grammaire italienne moderne : guide pratique »], Londres / New York, Routledge, , 2e éd., PDF (ISBN0-415-33164-1, lire en ligne)
(en) Shenker, Alexander M., « Proto-Slavonic » [« Proto-slave »], dans Comrie, Bernard et Corbett, Greville G. (dir.), The Slavonic Languages [« Les langues slaves »], Londres – New York, Routledge, coll. « Language family descriptions », (ISBN0-415-04755-2), p. 60-124