Le système des sous-sections est une structure sociale unique qui divise les sociétés aborigènes d'Australie en un nombre de groupes, chacun combinant un ensemble particulier de membres d'une famille. Dans l'anglais vernaculaire des Aborigènes du centre de l'Australie, les sous-sections sont appelées « skins ». Chaque sous-section reçoit un nom qui peut être utilisé pour faire référence aux membres individuels de ce groupe. L'appartenance à un skin est transmise par les parents aux enfants.
Le nom des groupes peut varier. Il y a des systèmes avec deux sous-groupes (appelés moitiés ou en anglais moieties en études des liens de parenté), des systèmes à quatre sous-groupes, voire six ou huit. Certains groupes de langues l'étendent en ayant des formes masculines et féminines distinctes, donnant jusqu'à seize différents noms de skin, par exemple en warlpiri et en pintupi. Tandis que l'appartenance à un skin est idéalement basée sur un lien de sang, le système des sous-sections chez les Aborigènes d'Australie est « classificatoire », ce qui signifie que des personnes qui ne sont pas des relations par le sang sont assignées à une sous-section. Ce système est universel, ce qui signifie que chaque membre de la société y est intégré.
Les systèmes de sous-sections sont présents dans les sociétés aborigènes du nord, du centre et de l'ouest de l'Australie. Sur la base d'une analyse détaillée et de la comparaison des différents systèmes de sous-section et de la terminologie, et en particulier les préfixes apparents /j-/ pour les hommes et /n-/ pour les femmes, il s'agirait d'une innovation sociale provenant de la région de Daly River dans le Territoire du Nord et qui s'est ensuite rapidement répandue vers le sud à d'autres groupes[1].
Systèmes à deux groupes
Yolngu
La peuple yolŋu, au nord-est de la terre d'Arnhem, se décompose suivant deux grandes descendances : les Dhuwa et les Yirritja. Chaque famille est représentée par les membres de différentes tribus, ayant chacun un territoire, une langue, des totems et des philosophies différents.
Les poissons, les pierres, rivières et mer appartiennent à chacune de ces moitiés. Les choses qui ne sont pas Dhuwa et Yirritja sont appelées wakinŋu. Les Yolŋu ont aussi un système de parenté avec huit sous-sections, quatre Dhuwa et quatre Yirritja qui créent des moitiés.
L'écriture l.y indique que les lettres représentent deux phonèmes distincts et ne sont pas un digraphe.
Des systèmes similaires sont présents dans la plupart des langues de la région du Pilbara, en dépit de quelques variations dans les formes des noms. Par exemple, les locuteurs du ngarla(en) utilisent Milangka là ou les locuteurs du martuthunira utilisent Pal.yarri.
Alyawarra
Le groupe des langues alyawarre en Australie centrale a aussi un système à quatre sections mais utilise des termes différents du martuthunira[3].
Chaque Lardil appartient à l'un de ces groupes. La section à laquelle leur grand-père appartenait détermine la leur ; par conséquent une femme ou un homme Balyarriny ont un grand-père Balyarriny. Les membres de chaque groupe ne peuvent épouser que les membres d'un autre groupe précis.
Une fois que le groupe d'appartenance d'une personne est déterminé, sa relation avec les autres Lardils peut être déterminée. Ainsi un Ngarrijbalangi est un « père » pour un Bangariny, un « beau-père » pour un Yakimarr et un « fils » pour un autre Bangariny, soit dans le sens social, soit par la lignée.
La mécanique des liens de parenté chez les Lardil signifie que les générations mâles forment un cycle allant de l'avant puis en arrière entre deux sous-sections. Ngarrijbalangi est « père » pour un Bangariny et Bangariny est « père » pour un Ngarrijbalangi, de même pour les trois autres paires d'une sous-section. Les générations de femmes, toutefois, forment un cycle entre quatre sous-sections avant de revenir au point de départ. Cela signifie qu'une femme appartient à la même sous-section que son arrière-arrière-grand-mère.
Pintupi
Le pintupi du désert occidental a un système à huit sections, rendu complexe par des formes distinctes pour les sous-sections masculines et féminines : le masculin commençant par Tj et le féminin par N. Le système des Warlpiri(en) est presque identique[4]:
Genre
Nom de sous-section
Préférences pour un premier mariage :
Les enfants seront :
Masculin
Tjapaltjarri
Nakamarra
Tjungurrayi, Nungurrayi
Féminin
Napaltjarri
Tjakamarra
Tjupurrula, Napurrula
Masculin
Tjapangati
Nampitjinpa
Tjapanangka, Napanangka
Féminin
Napangati
Tjampitjinpa
Tjangala, Nangala
Masculin
Tjakamarra
Napaltjarri
Tjupurrula, Napurrula
Féminin
Nakamarra
Tjapaltjarri
Tjungurrayi, Nungurrayi
Masculin
Tjampitjinpa
Napangati
Tjangala, Nangala
Féminin
Nampitjinpa
Tjapangati
Tjapanangka, Napanangka
Masculin
Tjapanangka
Napurrula
Tjapangati, Napangati
Féminin
Napanangka
Tjupurrula
Tjakamarra, Nakamarra
Masculin
Tjungurrayi
Nangala
Tjapaltjarri, Napaltjarri
Féminin
Nungurrayi
Tjangala
Tjampitjinpa, Nampitjinpa
Masculin
Tjupurrula
Napanangka
Tjakamarra, Nakamarra
Féminin
Napurrula
Tjapanangka
Tjapangati, Napangati
Masculin
Tjangala
Nungurrayi
Tjampitjinpa, Nampitjinpa
Féminin
Nangala
Tjungurrayi
Tjapaltjarri, Napaltjarri
Kunwinjku
Le gunwinggu de l'ouest de la terre d'Arnhem a un système similaire : le masculin se forme en commençant par na- et le féminin se forme en commençant par ngal-[5] :
Genre
Nom de sous-section
Préférence pour un premier mariage :
Préférence pour un deuxième mariage :
Les enfants du premier mariage seront :
Les enfants du deuxième mariage seront :
Masculin
Nabulanj
Ngalwakadj
Ngalkangila
Nabangardi, Ngalbangardi
Nakodjok, Ngalkodjok
Féminin
Ngalbulanj
Nawakadj
Nakangila
Nawamud, Ngalwamud
Nawamud, Ngalwamud
Masculin
Nangarridj
Ngalkangila
Ngalwakadj
Nakodjok, Ngalkodjok
Nabangardi Ngalbangardi
Féminin
Ngalgarridj
Nakangila
Nawakadj
Nakamarrang, Ngalkamarrang
Nakamarrang, Ngalkamarrang
Masculin
Nakamarrang
Ngalkodjok
Ngalbangardi
Nawakadj, Ngalwakadj
Nakangila Ngalkangila
Féminin
Ngalkamarrang
Nakodjok
Nabangardi
Nabulanj, Ngalbulanj
Nabulanj, Ngalbulanj
Masculin
Nawamud
Ngalbangardi
Ngalkodjok
Nakangila, Ngalkangila
Nawakadj, Ngalwakadj
Féminin
Ngalwamud
Nabangardi
Nakodjok
Nangarridj, Ngalgarridj
Nangarridj, Ngalgarridj
Masculin
Nawakadj
Ngabulanj
Ngalgarridj
Nawamud, Ngalwamud
Nakamarrang, Ngalkamarrang
Féminin
Ngalwakadj
Nabulanj
Nangarridj
Nabangardi, Ngalbangardi
Nabangardi, Ngalbangardi
Masculin
Nakangila
Ngalgarridj
Ngalbulanj
Nakamarrang, Ngalkammarang
Nawamud, Ngalwamud
Féminin
Ngalkangila
Nangarridj
Nabulanj
Nakodjok, Ngalkodjok
Nakodjok, Ngalkodjok
Masculin
Nakodjok
Ngalkamarrang
Ngalwamud
Nabulanj, Ngalbulanj
Nangarridj, Ngalgarridj
Féminin
Ngalkodjok
Nakamarrang
Nawamud
Nawakadj, Ngalwakadj
Nawakadj, Ngalwakadj
Masculin
Nabangardi
Ngalwamud
Ngalkamarrang
Nangarridj, Ngalgarridj
Nabulanj, Ngalbulanj
Féminin
Ngalbangardi
Nawamud
Nakamarrang
Nakangila, Ngalkangila
Nakangila, Ngalkangila
Chaque personne est ainsi identifiée par sa lignée patrilinéaire et matrilinéaire, par la sous-section de son père et de sa mère.
Extension du système aux personnes non membres du groupe familial
Les étrangers ayant d'importantes interactions avec un groupe peuvent obtenir un skin qui sera généralement basé sur les personnes avec lesquelles elles ont interagi et le type d'interaction.
Aunty et uncle (« tante » et « oncle ») sont des termes utilisés pour s'adresser aux personnes plus âgées avec lesquels le locuteur n'est pas nécessairement lié.
Brother et sister est utilisé de manière plus générale pour faire référence aux enfants de la sœur de la mère ou du frère du père de quelqu'un (donc, des cousins), comme dans beaucoup de langues aborigènes.
Cousin-brother et cousin-sister sont souvent utilisés pour désigner les enfants de la sœur de la mère ou du frère du père de quelqu'un (donc, des cousins).
Cousin fait référence aux enfants de la sœur du père de quelqu'un ou du frère de la mère de quelqu'un, mais peut également être étendu aux personnes liées d'une quelconque manière et de la même génération, par exemple de personne ayant les mêmes arrière-grands-parents, ce qui serait un cousin au second degré en termes aborigène.
Dans le sud-est du Queensland, daughter est utilisé pour faire référence à une femme de la génération des grands-parents d'une personne. Cela est dû à la nature cyclique des systèmes de parentés traditionnels et du système de miroir dans les langues australiennes.
Father et mother inclut tous les membres d'une famille de la génération des parents, tels que les oncles et tantes ainsi que leurs cousins et leurs beaux-frères ou belles-sœurs.
Grandfather et grandmother peut faire référence à toutes les personnes de la génération des grands-parents. Grandfather peut également être utilisé pour tout homme âgé respecté à qui le locuteur n’est pas lié.
Poison fait référence à une relation qu'une personne est obligé d'éviter, cf. langue d'évitement.
Le terme second ou little bit en Australie du nord, est utilisé avec un membre distant de la famille qui est décrit en utilisant un terme de parenté proche. Par exemple, le second father de quelqu'un ou le little bit father est un homme de la génération de cette même personne qui n’est pas lié de manière proche au locuteur. Généralement, avoir une second mother signifie qu'une femme de la même génération que la mère d'une personne se comporte comme une mère et serait susceptible de s'occuper de cette personne si quelque chose arrivait aux parents de cette personne. Ces termes s'opposent à close, near ou true.
Un skin ou skin group est une section déterminée par la skin (peau) des parents d'une personne et détermine qui elle peut épouser.
Son peut faire référence à tous les hommes de la génération suivante, tels que les neveux, de la même façon que daughter peut faire référence à toutes les femmes de la génération suivante, dont les nièces.
(en) Patrick McConvell, « Backtracking to Babel: the chronology of Pama–Nyungan expansion in Australia », Archaeology in Oceania, no 31, , p. 125–144
(en) Janet Sharp et Nicholas Thieberger, Bilybara : Aboriginal languages of the Pilbara region, Port Hedland (Australie-Occidentale), Wangka Maya, The Pilbara Aboriginal Language Centre, (ISBN0-646-10711-9)
(en) Jim Wafer, A Simple Introduction to Central Australian Kinship Systems, Alice Springs (Territoire du Nord), Institute for Aboriginal Development,
(en) Steven Etherington et Narelle Etherington, Kunwinjku Kunwok : a short introduction to Kunwinjku language and society, Kunwinjku Language Centre, , 183 p. (ISBN0-9586909-0-1, lire en ligne)