L'Ophrys de la Drôme est une espèce de plante herbacée de la famille des Orchidaceae. Selon les sensibilités des botanistes, cette Ophrys est considérée comme une espèce ou une sous-espèce sous les noms scientifiquesOphrys drumana et Ophrys bartolonii subsp. saratoi ou considérée, avec les autres taxons du groupe O. bertolonii comme un hybride nommé Ophrys ×flavicans Ce groupe est défini par son labelle à la pilosité noirâtre à échancrure avant plus ou moins prononcée et à la macule plus ou moins quadrangulaire ; l'Ophrys de la Drôme se distinguant essentiellement des fleurs plus nombreuses et plus petites, par une cavité stigmatique de son gynostème ronde et par un labelle plus long à l'échancrure peu prononcée à la macule centrée. Dans sa considération spécifique, elle est endémique de Provence en France, où elle apprécie les pelouses calcicoles et la présence d'abeilles solitaires du genre Mégachiles dont elle mime la femelle afin de séduire le mâle pour une pollinisation par pseudocopulation.
Décrite en 1823 à partir de spécimens italiens, l'espèce Ophrys bertolonii définit l'ensemble des Ophrys au labelle aux poils noirs en forme de selle et à la macule plus ou moins quadrangulaire. En France, en 1868, le Niçois Jean-Baptiste Barla décrit[3] deux variétés qu'il considère comme des hybrides proches de cette espèce: O. Bertoloni var. aranifero-Bertoloni et O. Bertoloni var. bilineata, que le botaniste parisien Edmond-Gustave Camus[4] et sa fille, Aimée Antoinette Camus[5], renomment en 1893 Ophrys ×saratoi et Ophrys ×barlae[6]
L'holotype d'Ophrys bertolonii ayant été détruit pendant la seconde guerre mondiale, une définition plus stricte portant sur « le labelle en forme de selle et la cavité stigmatique étroite dépourvue de parois latérales » est mise en place dans les années 1970, ouvrant ainsi la voie à l'éclatement taxonomique et à quelques confusions[2],[7].
Participant à ce mouvement, le belge Pierre Delforge décrit en 1988 une population de l'Est de Valence qu'il nomme Ophrys drumana[1] ainsi qu'en 1989 une espèce de répartition provençale et ligurienne nommée Ophrys aurelia et considère qu'une petite population de Grasse morphologiquement proche de l'Ophrys Aurélien représente l'Ophrys saratoi de Camus & Camus[2]. En 2001, le méditerranéen Rémy Souche interprète l'Ophrys de la Drôme comme la sous-espèce saratoi d'Ophrys bartolonii, synonyme des taxons de Barla et Camus & Camus[6] alors que Marcel Bournérias approuve la définition d'Ophrys drumana de Delforge et considère O. saratoi comme une forme d'O. aurelia[8].
Aujourd'hui, les auteurs de Flora Gallica[9] soutenus par l'INPN[10] et Tela Botanica[11] approuvent la spécificité de cette population et synonymisent l'ensemble des définitions de Barla, Camus & Camus, Delforge, Souche et Bournérias en considérant O. Saratoi comme le nom correct et en ne tenant pas compte de la définition de Delforge et Bournérias ; alors que l'hybridité est actuellement préférée par les botanistes du jardin botanique de Kew qui nomment Ophrys ×flavicans indifféremment l'ensemble des taxons du groupe O. bertolonii[12].
Il s'agit d'une plante élancée mesurant de 10 à 35 cm de haut, à l’épi étalé et aux fleurs petites d'une dimension maximum de 24 mm. Ces fleurs présentent trois sépales roses à médiane verte disposés en étoile ainsi que deux pétales, plus foncés, à bords ondulés. Le labelle, d'une longueur de 9 à 12 mm, est le plus souvent entier et ses bords sont rabattus, plutôt courts et droits, ce qui donne l'impression que la labelle est plus long que large. De couleur brun rouge, finement et densément pileux, il est orné d'une macule centrale bleuâtre, voire rougeâtre, dont le contour est souvent plus clair et présente parfois un ocelle. Au bout du labelle se trouve un court et large appendice jaunâtre à verdâtre. Le gynostème montre un bec court et fin et porte des pollinies jaunes[8],[6].
Morphologiquement, l'Ophrys de la Drôme est proche des espèces du groupe O. bertolonii qui sont définis par leur labelle en forme de selle aux flancs rabattus, aux poils noirâtre et à l'avant échancré.
O. drumana se distingue de la sous-espèce type Ophrys bertolonii subsp. bertolonii essentiellement par la cavité stigmatique de son gynostème ronde alors qu'elle est creuse chez cette dernière. De plus, la sous-espèce type n'est pas présente en France, mais en Italie, dans les Balkans et sur l'île de Corfou.
En France, est également présente l'Ophrys Aurélien (Ophrys aurelia) qui est aussi un taxon du groupe O. bertolonii. Elle s'en différencie par un labelle d'une longueur de 9 à 12 mm, habituellement plus court que les sépales contre 13 à 17 mm pour celui d'O. drumana, par ses petites fleurs plus prolifiques (de 4 à 12 contre 3 à 6) et par sa grande macule irrégulière plus centrée sur le labelle[8],[9]
Il s'agit d'une Orchidée terrestre géophyte à tubercule qui fleurit de début-mai à mi-juin[9],[8].
Dans sa définition hybride, l'Ophrys drumana a pour parents Ophrys × chiesesica Kleynen, 1989 et Ophrys × samuelii Soca, 1997[13]. Cependant, le fait que sa population soit homogène et stable, que des spécimens d'Ophrys Aurélien typés côtoient des spécimens d'Ophrys de la Drôme sans présence d'intermédiaires entre les deux et que l'aire de distribution de l'Ophrys de la Drôme soit plus septentrionale que celle d'Ophrys Aurélien sans pour autant que ses populations ne soient morphologiquement différentes suggèrent fortement une spécificité propre et remettent en question son hybridité[9].
Dans son acceptation en tant qu'espèce, l'Ophrys de la Drôme est endémique de la France et plus précisément de Provence, c'est-à-dire des contreforts du Massif central au massif du Vercors et dans les massifs littoraux méditerranéens[8].
O. saratoi se situe dans l'annexe B de la convention CITES, qui réglemente le commerce des espèces de faunes et de flore à l’échelon européen. En France, elle est classée « préoccupation mineure » au niveau national (sous le nom Ophrys saratoi et « quasi menacée » en Rhône-Alpes (sous le nom O. bertolonii subsp. saratoi)[10].
Références
↑ ab et cPierre Delforge, « Une orchidée nouvelle dans la Drôme. », Naturalistes belges, vol. 69, , p. 188 (lire en ligne)
↑ ab et cPierre Delforge, « Le groupe d'O. bertolonii en France. 1 Les Préalpes. », L'Orchidophile, vol. 20, no 85, , p. 13-21 (lire en ligne)
↑Edmond-Gustave Camus, « Monographie des Orchidées de France », Journal de Botanique, vol. 7, , p. 111-276 (lire en ligne)
↑Aimée Antoinette Camus, Edmond-Gustave Camus et Henri Lecomte, Iconographie des orchidées d'Europe et du bassin Méditerranéen, P. Lechavalier,, (DOI10.5962/bhl.title.15263, lire en ligne)
↑ abcd et eSous le nom Ophrys bertolonii subsp. saratoi (E.G.Camus) Soca : Rémy Souche, Les Orchidées sauvages de France : grandeur nature, Les Créations du pélican, , 340 p. (ISBN2-7191-0642-9 et 978-2-7191-0642-6)
↑Pierre Delforge, « Ophrys bertolonii, Ophrys aurelia, Ophrys romolinii », Naturalistes belges, vol. 84, , p. 53-60 (lire en ligne)
↑ abcdef et gSous le nom Ophrys drumana P. Delforge 1988 : Bournérias, Marcel, Prat, Daniel, et al. et (Collectif de la Société Française d’Orchidophilie), Les orchidées de France, Belgique et Luxembourg, Biotope, coll. « Parthénope », , 504 p. (ISBN978-2-914817-11-0)