Né le à Bordeaux et baptisé le 2 février suivant à l'église Saint-André[1], Noël Lacroix est le troisième des quatre enfants de Barthélemy Lacroix, maître perruquier et de Marie Bergey demeurant à Bordeaux (Gironde), paroisse Saint-Siméon.
Formation cléricale
À l'âge de treize ans, il est placé par son père dans une maison de commerce, mais il tend vers le sacerdoce et à la suite de l'intervention de l'abbé Allary, de la paroisse Sainte-Colombe il entre au collège de Guyenne à l'âge de quinze ans où il suit des études théologiques tout en consacrant une partie de son temps libre à des activités apostoliques tant au sein des hôpitaux, des prisons que dans la rue[2],[3].
Revêtu du sacerdoce, il est nommé en décembre 1770 vicaire de la paroisse de Saint-Estèphe auprès de l'archiprêtre; il y reste pendant deux ans. Il est rappelé à Bordeaux en 1771 où il devient bénéficier de l'église Sainte-Colombe[2].
Prêtre à Sainte-Colombe (1771-1791)
Au sein de la paroisse Sainte-Colombe, à vingt-cinq ans, Noël Lacroix exerce son ministère pendant dix-huit ans jusqu'à la Révolution avec succès comme en témoigne le chanoine Gaussens : « Humble prêtre, sans mission spéciale, par le mouvement de son zèle et de l'Esprit de Dieu, qui le guidait, l'abbé Lacroix entreprit, lui seul, l'éducation des jeunes ecclésiastiques placés en dehors des séminaires et son entreprise lui réussit. Bordeaux vit avec admiration ce que Paris avait vu un siècle auparavant. Sainte-Colombe c'était Saint-Lazare, Noël Lacroix c'était Vincent de Paul. »[2].
Depuis le milieu du mois d'avril 1791, l'église Sainte-Colombe, devenue bien national, est fermée et les curés et bénéficiers habitant dans des immeubles appartenant à l'ancien conseil de fabrique de Sainte-Colombe reçoivent l'ordre de quitter les logements qu'ils occupaient[3]. Noël Lacroix étant copropriétaire d'un immeuble familial au 4 rue du Loup, à cent mètres de là, peut maintenir sa présence au sein de la paroisse.
Prêtre réfractaire à Bordeaux (1791-1794)
Comme tous les desservants de Sainte-Colombe, il refuse de prêter serment à la constitution civile du clergé. Les prêtres réfractaires étant alors poursuivis et arrêtés, il se cache dans son immeuble de la rue du Loup où il continue à recevoir ses fidèles et y « célèbre secrètement la messe dans le grenier de son vieux logis »[3]. Après la mort du père Pannetier, guillotiné le , il devient le confesseur de Marie-Thérèse-Charlotte de Lamouroux, future fondatrice de la Maison de la Miséricorde de Bordeaux[3]. Il exerce clandestinement son ministère pendant trois années et quatre mois, d'avril 1791 à peu de temps après fin juillet 1794.
Exil à Lisbonne (1794-1801)
À l'époque de la Terreur il se réfugie à Lisbonne au Portugal où il ne tarde pas à être distingué ce qui lui vaut le nom de saint prêtre français[4] et d'attirer l'attention des hauts personnages de la Cour : le comte de Mesquitella lui propose de venir loger chez lui et d'accepter les fonctions de précepteur de ses enfants et de ceux du duc de Cadaval, proche parent du Roi du Portugal. Il accepte, à la condition de ne pas être gêné dans ses œuvres[3]. Durant son exil, il écrit : Traité sur la patience et la conformité à la volonté de Dieu (objet d'une édition posthume en 1843) et divers opuscules à l'intention des jeunes gens[4].
Retour en France (1801)
Dès que la religion n'est plus persécutée en France, il revient fin 1801 à Bordeaux et organise à titre privé, dans sa maison de la rue du Loup, des cérémonies du culte catholique[3],[4].
Prêtre à Saint-Paul et chanoine honoraire (1802-1807)
Le , « Mgr d'Aviau le nomme chanoine honoraire et prêtre sacriste[Note 1] à Saint-Paul où il renouvelle les œuvres qui avaient donné de si remarquables résultats dans la paroisse Sainte-Colombe ; s'intéresse à toutes les œuvres pieuses ou charitables de Bordeaux et Mgr d'Aviau put dire dans son éloge "qu'il y avait en lui l'étoffe de dix prêtres". Il reprend dans cette paroisse son catéchisme et s'occupe de l'éducation des jeunes clercs[4],[3].
Supérieur de séminaire (1807-1809) et chanoine titulaire à Saint-André (1807-1813)
En 1807 il succède à l'abbé Drivet qui avait réuni quelques jeunes gens aspirant à l'état ecclésiastique. À force d'obstination, il réussit à obtenir que cet embryon de séminaire soit reconnu et puisse occuper l’ancien couvent des capucins[4]. En récompense à tant de zèle, Mgr d'Aviau le fait entrer dans son conseil et lui confère la dignité de chanoine titulaire de la Cathédrale Saint-André de Bordeaux le 18 octobre 1807[3].
Mais en avril 1808, l'empereur qui passe à Bordeaux au retour de Bayonne, contrarié par une discussion théologique avec l'archevêque et des membres du clergé du diocèse, fait savoir ensuite à l'archevêque qu'il ne reconnaissait plus M. Thierry pour grand vicaire, M. Delort pour secrétaire général ni M. Lacroix pour supérieur du grand séminaire de Bordeaux[5].
Le 4 avril 1809, Noël Lacroix assemble ses élèves et après un dernier discours, célèbre la messe et s'en va. Il retourne dans son vieux logis de la rue du Loup, auprès de sa sœur Jeanne et partage son temps entre l'accomplissement de ses devoirs de chanoine titulaire, de directeur spirituel de ses séminaristes et de prêtre auxiliaire de la paroisse Saint-Paul[3].
Décès
Le dimanche 13 juin 1813, en descendant de la chaire à Saint-Paul, il se sent malade. Il meurt le d'une fluxion de poitrine[3]. Son corps est porté à la cathédrale Saint-André. Les pauvres forment une haie sur son passage et les personnes les plus recommandables de la Ville ainsi que la jeunesse en foule l'accompagnent. Mgr d'Aviau dit : « Quel prêtre, quel saint nous avons perdu ! ». Il est inhumé au cimetière de la Chartreuse[3].
Tombe
Histoire
Par subvention recueillie parmi ses amis et ses admirateurs, un monument funéraire est érigé sur sa tombe[6],[2],[3]. Il est composé d'une croix en grès gris dressée sur un piédestal cubique dont les faces présentent sur quatre plaques de marbre blanc une épitaphe latine due à Marie-Louis Auguste de Martin du Tyrac de Marcellus, proche du défunt[6],[3].
L’ensemble repose sur une large embase carrée de marbre noir à deux marches.
Cette croix fut la première dressée dans cette vaste nécropole publique[3]créée par arrêté du et occupant le terrain de l'ancien couvent des Chartreux confisqué à la Révolution[7]. Vu l'anti-cléricalisme de l'époque, pour le chanoine Gaussens, « le nom qu'il portait encouragea à cette hardiesse[2] ».
Épitaphe
Plaque avant Hic Jacet In Christo Requiescens Natalis LACROIX Presbyter. In Ecclesia Burdigalensi Canonicus Animarum Rector Peritus Et Mitis. Leni Facunclia Juvenes Christo Lucrifaciens. Bonis Omnibus Flebilis Obiit. VIII Cal : Jul. Anno D. M. D. C. C. C. X. III Natus Annos LXVII.[Note 2]
Plaque côté droit Fidem Exilio Confessus. Doctrinam Christi Sermonibus. Exemplis. Vita Omni Prædicavit. Nunc Videt Quod Credidit.[Note 3]
Plaque côté gauche Pauperes Elæmosyna. Mœrentes Consilio Reficiens. Dulci Charitatis Vinculo Omnes Devinciebat. Charitatem ipsam, Revelata facie. Nunc Contemplatur.[Note 4]
Plaque arrière Terrena Temnens Nihil Nisi Cælestia Anhelabat Nunc Spes Adimpletur.[Note 5]
Notes et références
Notes
↑Dénomination attribuée durant les premières années de la période concordataire aux prêtres nommés par l'évêque avant leur reconnaissance officielle par le gouvernement.
↑Traduction de Taillefer dans Vie de M. Lacroix (voir en bibliographie), p.75 : ICI REPOSE DANS LA PAIX DU SEIGNEUR NOËL LACROIX PRÊTRE CHANOINE DE L’ÉGLISE DE BORDEAUX SAGE ET BON DIRECTEUR DES ÂMES. PAR SA DOUCE ÉLOQUENCE IL GAGNAIT LES JEUNES GENS À JÉSUS-CHRIST REGRETTÉ DE TOUS LES GENS DE BIEN IL MOURUT LE VIII DES CAL. DE JUIL. L’AN DU SEIG.r MDCCCXIII ÂGE DE LXVII ANS.
↑ Taillefer, p. 76 : CONFESSEUR DE LA FOI, IL PRÊCHA, TOUTE SA VIE, LA DOCTRINE DU FILS DE DIEU, PAR SES DISCOURS ET SES EXEMPLES. MAINTENANT IL VOIT CE QU'IL A CRU.
↑ Taillefer, p. 76 : SOUTENANT LES PAUVRES PAR SES AUMÔNES, LES AFFLIGÉS PAR SES CONSOLATIONS, IL EXHORTAIT TOUT LE MONDE DANS LES LIENS DE SA TENDRE CHARITÉ. MAINTENANT IL CONTEMPLE FACE À FACE ET SANS VOILE LA CHARITÉ MÊME.
↑ Taillefer, p. 76 : IL NE DÉSIRAIT QUE LES CHOSES DU CIEL, MAINTENANT IL POSSÈDE CE QU'IL ESPÉRAIT.
Références
↑Archives départementales de la Gironde - Paroisse Saint-André - BMS - 1746 - vue 12/93
↑ abcd et eabbé Étienne Gaussens, Éloges de... : M. l'abbé Lacroix, supérieur du grand séminaire de Bordeaux (Éloge prononcé le 25 août 1845 à la distribution solennelle des prix du Petit Séminaire de Bordeaux), Bordeaux, Gounouilhou, , 309 p. (lire en ligne), p. 68-69; 72; 75; 85.
↑ abcdefghijklm et nThéodore Ricaud, Souvenirs Bordelais : l'ancienne paroisse Sainte-Colombe, Bordeaux, Feret et fils, 1911-1913 (lire en ligne), p. 198; 175; 200-201; 201; 202; 214,§2; 214,§4; 215; 216; 217,§2; 217,§3; 217,§4; 217, §4; 217, §4.
↑ abcd et eÉdouard Feret, Statistique générale du Département de la Gironde, t. 3, partie 1, Bordeaux, Guillaumin, Feret & Fils, 1878-1889, 640 p. (lire en ligne), p. 350-351
↑ a et bPar un prêtre du diocèse de Bordeaux, Vie de M. Lacroix, chanoine titulaire de Bordeaux..., Bordeaux, Th. Lafargue, , 116 p. (présentation en ligne), p. 73, début §3; 73, fin §3;.
↑Voir le site Cimetières de France et d'ailleurs, Bordeaux, Cimetière de la Chartreuse.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Un prêtre du diocèse de Bordeaux, Vie de M. Lacroix, chanoine titulaire de Bordeaux..., Bordeaux, Th. Lafargue, , 76 p. sur 138.
Abbé Étienne Gaussens, Éloges de... : M. l'abbé Lacroix, supérieur du grand séminaire de Bordeaux (Éloge prononcé le 25 août 1845 à la distribution solennelle des prix du Petit Séminaire de Bordeaux), Bordeaux, Gounouilhou, , 309 p. (lire en ligne), p. 63-86.
Théodore Ricaud, Souvenirs Bordelais : l'ancienne paroisse Sainte-Colombe, Bordeaux, Feret et fils, 1911-1913 (lire en ligne), p. 175; 200; 201; 202; 214; 215; 216; 217.
Antoine Louis Bertrand, Histoire des Séminaires de Bordeaux et de Bazas, t. 2, Bordeaux, Feret, , 438.
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Encyclopédie des gens du monde : répertoire universel des sciences, des lettres et des arts ; avec des notices sur les principales familles historiques et sur les personnages célèbres, morts et vivans. C - Car, vol. 4,Partie 2, Paris, Treuttel et Würtz, , 399 p., p. 429-431.
Abbé Pouget, Vie de Mademoiselle de Lamourous : dite la Bonne Mère, Fondatrice et première Supérieure de la maison de la Miséricorde de Bordeaux, Paris, Perisse Frères, , 455 p., p. 39.
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