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Le néothomisme — dont l'université de Louvain fut un des foyers[1] — réactualise le réalisme en philosophie. Bien que l'Église soit largement responsable du mouvement, on peut y distinguer différents courants. Les représentants les plus importants du néo-thomisme sont Jacques Maritain et Étienne Gilson.
Genèse
Au XIXe siècle, la doctrine de Thomas d'Aquin est largement oubliée, et la scolastique a subi de vives critiques[2]. Pour Marcel Régnier, elle restait bien présente dans les universités européenne, mais sous une forme diluée que à l'on ne pouvait plus appeler « thomisme »[3]. Toutefois, diverses réactions se font jour au XIXe siècle. En Allemagne, on assiste à une réaction de la scolastique et de la philosophie de Saint Thomas, en réaction à la philosophie kantienne et néo-kantienne; en Italie, c'est un retour à la philosophie « aristotélico-thomiste »; différents auteurs, comme Victor Cousin, s'intéressent à la philosophie médiévale[4].
C'est dans ce contexte que va arriver, en 1879, l'encyclique Aeternis Patris de Léon XIII sur la philosophie chrétienne, qui marque le départ d'un renouveau du thomisme qui sera ainsi à l'origine d'une « néo-scolastique » ou d'un « néo-thomisme »[5],[2]. Le pape souhaite faire de la pensée de Thomas d'Aquin le modèle pour la chrétienté et pour initier cette démarche, il va s'appuyer sur l'université de Louvain. Il demande aux évêques qui chapeautent l'établissement d'y créer une chaire de philosophie thomiste. Elle va être confiée, en 1882, à un jeune professeur de 31 ans, Désiré-Joseph Mercier (le futur cardinal Mercier). Celui-ci va être un allié de choix: il soutient le projet avec enthousiasme. Ajouté au soutien sans faille du pape, cela va faire de Louvain l'un des centres de la renaissance thomiste, qui va marquer la pensée catholique à la fin du XIXe siècle[6]. Et on va alors assister à une floraison de manuels dits « thomistes », qui s'inspirent le plus souvent des commentateurs de la scolastique tardive comme le jésuite François Suarez (1548-1617)[7], ce qui donnera même lieu à une sorte d'académisme thomiste, voire un conservatisme, bien éloignés de la liberté critique dont avait fait preuve Thomas d'Aquin à son époque[7].
Courants
La présentation qui suit reprend les divisions établies par le François-Joseph Thonnard[8]. L'apparition de courants dans le néo-thomisme s'explique par le fait que, en dehors des 24 thèses officielles qui doivent être reprises, nombre de points peuvent être « librement » débattus.
Les représentants de ce courant n'ont pas d'abord pour but de s'éloigner de la doctrine thomiste, mais de montrer (ou démontrer) ce qu'elle a d'éternellement durable, en matière de métaphysique notamment. Tous adoptent une attitude critique vis-à-vis de ce qu'ils considèrent être des "erreurs" de la modernité, erreurs auxquelles ils opposent des positions thomistes[non neutre]. La plupart des ouvrages de ce courant sont écrits en latin.
Signalons :
Abbé Frédéric Lebrethon (1812-1879), auteur d'une Petite somme théologique de Saint Thomas d'Aquin, à l'usage des ecclésiastiques et des gens du monde en 4 vol.
Tommaso Maria Zigliara (1833-1893), auteur italien d'une Summa philosophica en 3 vol. Léon XIII le nomma Cardinal et président de l'Académie de Saint Thomas.
Albert Farges, auteur d'Études philosophiques en 9 vol. et d'un Cours de philosophie adopté comme manuel par beaucoup de séminaires.
Le père Réginald Garrigou-Lagrange (1877-1964), auteur d'une Synthèse thomiste et de Dieu, son existence et sa nature.
Le chanoine Henri Collin (1888-1979), auteur d'un Manuel de philosophie thomiste, adapté aux derniers programme de l'enseignement secondaire en 2 vol.
Le Cardinal Billot (1846-1931) dont le retour à saint Thomas manifeste son indépendance vis-à-vis de Suarez (qui influence beaucoup les néo-thomistes allemands).
Courant progressiste
Ce courant ne se contente pas de restaurer les anciennes doctrines thomistes, mais tente d'incorporer tout ce que la pensée moderne a pu découvrir de bon. Il vise à enrichir le thomisme tout en se montrant sévère envers ce qui est qualifié d'« erreurs » de la pensée moderne. Le chef de ce mouvement est le Cardinal Mercier.
Plusieurs écoles se réclament de la démarche progressiste :
L'école progressiste tente d'enrichir et de renouveler le thomisme « en lui faisant, dit le père Sertillanges, assimiler toute la substance nutritive que les siècles ont, depuis, élaborée ». En ce sens la réflexion thomiste se répand dans tous les domaines, de la politique à la métaphysique, de la morale à l'épistémologie. Le représentant français majeur de ce courant est certainement, outre Sertillanges, Jacques Maritain. Citons également le cardinal Mercier, fondateur de l'Institut supérieur de philosophie de Louvain où enseigna Joseph Maréchal ainsi que Pierre Scheuer. Enfin, la néoscolastique italienne de l'école de Milan, fondée par le Père Agostino Gemelli, fondateur de la Revue de philosophie Scolastique. Se réclamant eux aussi de Mercier, ils veulent repenser « la philosophie éternelle » du docteur angélique pour répondre aux problèmes actuels. Ils combattent le positivisme scientiste et l'idéalisme hégélien de Croce et Giovanni Gentile. Les travaux s'axent actuellement autour des liens entre le thomisme et les courants actuels tels que la phénoménologie, notamment par les travaux d'Emmanuel Falque.
École indianiste
Un groupe de Jésuites belges missionnaires en Inde, résidant au collège Saint-Xavier de Calcutta, va s'atteler à interpréter les doctrines métaphysiques du Vedânta à la lumière du thomisme. Si dans un premier temps il s'est plutôt agi de montrer, avec une visée missionnaire marquée (l'inculturation de la foi chrétienne), en quoi les différentes formes du Vedânta aboutissaient à des explications partielles en accord avec ce que le thomisme à lui seul démontrait, les travaux plus récents de cette école ont davantage été dans le sens d'un dialogue inter-philosophique et -théologique avec enrichissement métaphysique ou même mystique mutuel. Les figures marquantes de cette école sont les Pères Georges Dandoy, Pierre Johanns, et Richard De Smet. On peut aussi citer Michel (Michaël) Ledrus, professeur de philosophie indienne à l'Université Grégorienne, de Rome.
École critique
L'école critique tend à souligner les faiblesses du thomisme et considère certaines des 24 thèses comme seulement probables. Par exemple, Pedro Descoqs critique l'hylémorphisme et discute la distinction entre essence et existence.
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Bibliographie
Marcel Régnier, « Le thomisme depuis 1870 », dans Yvon Belaval (Dir.), Histoire de la philosophie, vol. III : du XIXe siècle à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Encyclopédie de la Pléiade », , xix,1385, p. 483-500.
François-Joseph Thonnard, Précis d'histoire de la philosophie, Paris, Desclée de Brouwer, 1966 (5e éd. revue et corrigée), 1277 p. (présentation en ligne, lire en ligne), chapitre 6: Le néo-thomisme
Fernand Van Steenberghen, « Comment être thomiste aujourd'hui? », Revue Philosophique de Louvain, 4e série, vol. 85, no 66, , p. 171-197 (lire en ligne)