Le monastère Saint-Matthieu ou monastère de Mar Matta (en syriaque : ܕܝܪܐ ܕܡܪܝ ܡܬܝDayro d-Mor Mattay) est un monastère syriaque orthodoxe situé dans la plaine de Ninive sur le mont Alfaf à 35 kilomètres au nord-est[1] de la ville de Mossoul, dans le nord de l'Irak. Il est dédié à saint Matthieu, ermite syriaque du IVe siècle, ayant fui des persécutions sous l'empereur Julien pour se consacrer à la vie érémitique dans la région. Celle-ci est sous la domination de l'État islamique depuis 2014 et de nombreux chrétiens ont dû fuir ces lieux où ils étaient présents depuis les premiers temps de la chrétienté.
Fondé au IVe siècle, il a été pendant longtemps le lieu de résidence du Maphrien de l'Orient (le maphrien était un haut dignitaire syriaque orthodoxe pour les provinces perses). C'est aujourd'hui le siège d'un archevêché. Le monastère est fameux pour sa collection inestimable de manuscrits syriaques[2].
Histoire
Les débuts
Ce monastère a été fondé en 363. C'est donc l'un des plus anciens du monde chrétien. Son fondateur, un saint ermite du nom de Matthieu, était originaire d'Amida au bord du Tigre. Il fuit avec des compagnons des persécutions sous l'empereur Julien qui frappent sa région natale, juste après avoir conquis la ville qui avait été auparavant prise par le SassanideChapour II, et se réfugie dans la plaine de Ninive où il fonde un ermitage sur le mont Alfaf. C'est lui qui convertit le prince Benham et sa sœur Sarah. Au fil des années, une communauté nestorienne se forme dans les environs. Le monastère forme aussi des missionnaires qui partent affermir les communautés chrétiennes des côtes de l'Inde.
Conquête musulmane
Trois siècles plus tard, la région est conquise par les armées musulmanes. En 1171, des troupes kurdes lancent des attaques contre le monastère, mais il est défendu par la population locale qui avait gardé la foi chrétienne. Ensuite les Kurdes proposent aux moines de verser un tribut de trente dinars en échange de la cessation de leurs attaques. Les moines acceptent et renvoient les milices de défense chrétiennes dans les villages. Quelques jours plus tard, les Kurdes s'emparent du monastère qu'ils pillent et tuent quinze moines. Les moines survivants s'enfuient à Mossoul. Le gouverneur de Mossoul vient en représailles chasser les Kurdes qui entretemps avaient massacré des villages de chrétiens et détruit le monastère Saint-Serge (Mar Sergis)[3].
Une autre attaque kurde a lieu en 1369 qui provoque la destruction de nombre de manuscrits. Le XIXe siècle est également ponctué d'attaques kurdes[4] contre le monastère qui de ce fait est abandonné une douzaine d'années[5].
Liens avec l'Église syro-malankare
Le monastère est étroitement lié par son histoire à l'Église syro-malankare ; ainsi en 1663, un moine du nom de Yaldo devient maphrien d'Orient au monastère. En 1683, Thomas II de Malabar écrit au patriarche pour lui demander l'envoi d'un évêque et de quatre théologiens. L'année suivante, le patriarche discute de ce sujet au cours d'un synode réuni au monastère Saint-Ananias de Mardin. Le synode conclut par la décision de Yaldo d'abdiquer du maphrianat et de partir en mission en Inde. Il expire quelques jours après son arrivée sur la côte de Malabar, après un voyage éprouvant. Sa dépouille est toujours conservée à l'église saint-Thomas de Kothamangalam, dans le Kerala[6].
Un synode important se tient au monastère en 1930 sous le patriarcat d'Élias III qui recommande la scolarisation plus importante des filles, la nécessité des cours de catéchisme pour les enfants dans chaque église et la permission du calendrier grégorien pour les communautés américaines.
Le monastère appartient toujours à l'Église syriaque orthodoxe et il dessert les petits villages chrétiens des environs. La fête du saint fondateur a lieu le marquant ainsi la date d'un pèlerinage au monastère qui est très suivi par les Syriaques orthodoxes ou catholiques, ainsi que par les chrétiens locaux d'autres confessions.
Lors de la mainmise (2014-2017) des milices islamistes de l'État islamique dans la région, le monastère se trouve sur la ligne de front. Il accueille de nombreuses familles de paysans chrétiens obligés de fuir leurs villages. Le monastère bénéficie de la protection de milices locales du Dwekh Nawsha (milice armée assyrienne) et de Peshmergas (milices kurdes). En , l'archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul, Mgr Nicodème Daoud Sharaf, parvient à y abriter la relique de saint Thomas qui se trouvait dans l'église Saint-Thomas de Mossoul[7].
Christiane Chaillot, Vie et spiritualité des Églises orthodoxes orientales, éd. du Cerf, 2011
(en) Oswald Parry, Six months in a Syrian Monastery, Being a Record of the Visit to the Head Quarters of the Syrian Church in Mesopotamia, with Some Account of the Yazidis or Devil Worshippers of Mosul and el Jilwah, Their Sacred Book, Londres, 1895, chapitre XIX.