Le terme mirliton comporte plusieurs sens en musique : il peut désigner un petit instrument de musique populaire, un procédé organologique et enfin une qualité dépréciative de certaines musiques ou poésies.
Étymologie
Dans une étude publiée en 2001, Hans Mattauch, de l'université technique de Brunswick, fait remonter à 1723 l'apparition du mot mirliton dans le premier sens de « coiffure de gaze pour femmes[3] ».
L'étymologie exacte du mot mirliton reste inconnue. On peut seulement remarquer que le mot mirliton rappelle le mot mirlitaire, manière comique et péjorative pour désigner les militaires qui apparaît en 1781 chez Rétif de la Bretonne[5].
Par métonymie ou synecdoque, le terme de mirliton est passé dans la langue courante d'une partie d'instrument ou d'un procédé organologique à un nom d'instrument. [réf. souhaitée]
En effet, le mirliton désigne[Quand ?] une fine membrane (végétale ou animale) vibrante recouvrant un trou, servant de cavité de résonance, mis en branle par la vibration sonore — mais non par le souffle seul — et qu'on rencontre dans de nombreux instruments de musique du monde : flûtes et chalemie traditionnelles (en Chine notamment), mais aussi xylophones traditionnels (balafon africain, marimba mexicain). Cette membrane a la particularité de déformer et d'amplifier le son en y apportant un buzz et une résonance nasillarde[6][réf. à confirmer].
Beaucoup de peuples utilisent aussi des mirlitons dans leurs cérémonies religieuses afin de maquiller ou transformer la voix humaine ; l'instrumentiste fait résonner la membrane en chantant dans l'instrument.[réf. nécessaire]
La flûte à mirliton est devenue au fil du temps le mirliton tout court, elle peut être fabriquée simplement à l'aide d'un tube quelconque percé d'un trou, de pelure d'oignon ou d'un papier ciré très fin et d'un élastique[7], mais est également désormais fabriquée industriellement, généralement en métal ou en matière plastique, à titre d'instrument festif ou à destination des enfants notamment et est aussi dénommé alors kazoo.
Historique
En 1636, Marin Mersenne décrit cet instrument qu'il appelle « eunuque »[8] :
« Le quatriesme Chalumeau (figuré sur la planche d'illustration) est appelé Eunuque par quelques-uns, mais la difference de ses sons ne vient pas de celle de ses trous, ny de sa longueur comme il arrive aux autres : car elle ne fait point d'autre son que celuy de la bouche, ou de la langue qui parle, dont elle augmente la force & la resonance par le moyen de sa longueur & de sa capacité, & par une petite peau de cuir mince, & déliée comme la peau d'un oignon, dont on affuble le haut, où l'on void A, afin que le vent & la voix que l'on pousse par le trou B, qui fait l'emboucheure, aille frapper cette peau comme un petit tambour, qui donne un nouvel agreement à la voix par ses petits tremblemens qui la reflechissent. La boëtte ou le pavillon AB, sert à couvrir ladite peau, & ses trous donnent l'issuë à la voix, quoy qu'ils ne soient pas nécessaires. Or l'on fait quatre ou cinq parties différentes de ces Flustes pour un concert entier, qui a cela par-dessus toutes les autres Flustes, qu'il imite davantage le concert des voix, car il ne luy manque que la seule prononciation, dont on approche de bien prés avec ces Flustes. »
« Le quatrième chalumeau (figuré sur la planche d'illustration) est appelé Eunuque par quelques-uns, mais la différence de ses sons ne vient pas de celle de ses trous, ni de sa longueur comme il arrive aux autres : car elle ne fait point d'autre son que celui de la bouche, ou de la langue qui parle, dont elle augmente la force et la résonance par le moyen de sa longueur et de sa capacité, et par une petite peau de cuir mince, et déliée comme la peau d'un oignon, dont on affuble le haut, où l'on voit A, afin que le vent et la voix que l'on pousse par le trou B, qui fait l'embouchure, aille frapper cette peau comme un petit tambour, qui donne un nouvel agrément à la voix par ses petits tremblemens qui la réfléchissent. La boîte ou le pavillon AB, sert à couvrir ladite peau, et ses trous donnent l'issue à la voix, quoiqu'ils ne soient pas nécessaires. Or l'on fait quatre ou cinq parties différentes de ces flûtes pour un concert entier, qui a cela par-dessus toutes les autres flûtes, qu'il imite davantage le concert des voix, car il ne lui manque que la seule prononciation, dont on approche de bien près avec ces flûtes. »
L'appellation « flûte eunuque » est aussi utilisée de nos jours en français pour désigner le mirliton. C'est l'un de ses deux noms usuels en anglais : « eunuch flute » ; l'autre est « onion flute », « flûte à l'oignon[9] ». De même en allemand, on l'appelait également jadis « Zwiebelflöte » (« flûte à l'oignon »), puisqu'elle comportait dans sa fabrication une pelure d'oignon.
Dans le Guide de l'art instrumental, dictionnaire pratique et raisonné des instruments de musique anciens et modernes publié par Albert Jacquot en 1886[10], on trouve sa définition sous un autre nom encore :
« TROMPETTE DE CANNE. C’est le roseau fendu, servant de jouet aux enfants de la campagne ; ce roseau est évidé, à l’exception d’une petite membrane, qui résonne. Cet instrument n’est autre que le mirliton primitif. »
Les mirlitons de la foire de Saint-Cloud étaient jadis célèbres : « Mirliton et foire de Saint-Cloud sont synonymes[12]. »
En 1881, en s'inspirant du mirliton et le perfectionnant, le Français Bigot invente le bigophone, instrument beaucoup plus puissant, qui connaîtra une très grande popularité en France, Belgique, Allemagne, durant une cinquantaine d'années. Le bigophone sera vendu dans de nombreux pays : Russie, Suède, Angleterre, etc.
Vont apparaître ensuite des versions américaines du bigophone, connues sous le nom de songophone, vocophone, sonophone ou zobo, qui connaîtront un immense succès aux États-Unis. Ces instruments sont aujourd'hui oubliés par le grand public.
D'autres instruments ressemblent au mirliton, par exemple le kazoo ou gazou.
Le mirliton dans la culture
En 1733, Michel Corrette a composé Le Mirliton, Ier concerto comique pour trois flûtes ou violons avec la basse-continue. Ouvrage utile aux mélancoliques.
Pour des motifs différents, les vers de mirliton et la musique de mirliton sont des expressions péjoratives. Autrefois, on trouvait des poèmes de faible qualité imprimés sur des bandes de papier, enroulées autour du tube de l'instrument. Ce qui est à l'origine de l'expression « vers – ou rimes – de mirliton » pour désigner des vers trop faciles. De son côté, le son du mirliton a donné l'expression musique de mirliton pour désigner une musique sommaire et désagréable à écouter.
Dans certaines chansons paillardes, le mirliton est assimilé au pénis, comme dans Le Mirliton de Lisette, de F.-J. Girard en 1848[13], et aussi parfois au sexe féminin, comme dans Le Mirliton, chanson de salle de garde en 1911-1913[14].
Les dessins portés par une succession de signaux de chemin de fer leur a valu le nom de mirlitons, car ils rappellent la bandelette enroulée avec des poèmes autour du tube en carton de l'instrument populaire. Un signal au dessin différent, ayant la même fonction, employé dans le métro de Paris, a par la suite hérité du même nom.
Le mirliton est une chanson célèbre au XIXe siècle en France. Sur son air on a placé quantité de chansons. On y trouve notamment les paroles suivantes[17],[18] :
Mad'moisell', pour s'en servir
Il suffit d'une leçon !
Ah ! jouez du mirlitir,
Du ton, du mirliton !
En 1885, Aristide Bruant ouvre son célèbre cabaret : Le Mirliton, dans l'ancien local du Chat noir. Il existe jusqu'en 1895. Il crée et dirige également une revue du même nom qui paraît durant 22 ans, d' à avril 1906.
Le , Brazier et Carmouche donnent une parodie d'Hernani de Victor Hugo au théâtre de la Gaîté, intitulée O qu'nenni ou le Mirliton fatal. Cette parodie s'ajoute aux trois autres qui suivent la première d'Hernani. Malgré les critiques implicites portées par ces parodies, le buzz témoigne de l'intérêt porté à la pièce de Hugo.
↑Voir l'article Mirliton sur le site du CNRTL - Centre national de ressources textuelles et lexicales.
↑Rétif de la Bretonne, La Raptomachie, page 381 de La Découverte australe par un homme-volant, ou Le Dédale français, nouvelle très philosophique, 4e volume, Leipsick 1781.
↑(de) Horst Seeger, Musiklexikon in zwei Bänden, Leipzig, 1966.
↑F. Marin Mersenne, Harmonie universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique., S. Cramoisy éditeur, Paris 1636-1637, livre cinquième, pages 229 (illustration), 230 (description écrite).
↑Voir l'article Flute, or Onion Flute dans l'Encyclopædia Britannica 1911, qui cite le mirliton comme instrument complet.
↑Albert Jacquot, Guide de l'art instrumental, dictionnaire pratique et raisonné des instruments de musique anciens et modernes, indiquant tout ce qui se rapporte aux différents types d'instruments en usage depuis l'époque la plus reculée jusqu'à nos jours..., Fischbacher éditeur, Paris 1886. Notice BNF : FRBNF30641583. Texte en ligne : [1]
↑Extrait de la série « Les Beaux jours de la vie ». Légende de la gravure datant d'avant le 25 octobre 1845 et intitulée « Le retour de la foire de Saint-Cloud » : « Au diable les mirlitons et mirlitonneurs... Comment peut-on permettre un pareil instrument dans un pays où l'on tolère déjà la Clarinette !... »
↑ ab et cErnest Jaimes, La Fête de Saint-Cloud, chapitre de Le palais impérial de Saint-Cloud, le parc et la ville, pages 19-20, Brunox imprimeur-éditeur, Versailles 1867.
↑F.-J. Girard, Le Mirliton de Lisette, Chansons nationales et autres, Éditeur : chez tous les marchands de nouveautés, Paris 1848, page 87.
↑Le Mirliton, Anthologie hospitalière et latinesque, recueil de chansons de salle de garde anciennes et nouvelles, entre-lardées de chansons du Quartier latin, fables, sonnets, charades, élucubrations diverses, etc. Tome 2, par Bernard, Edmond Dardenne dit : Courtepaille ; avec un avant-propos de Taupin, Paris 1911-1913, page 326.