Une martingale est une séquence de variables aléatoires (autrement dit un processus stochastique), telles que l'espérance mathématique à l'instant , conditionnellement à l'information disponible à un moment préalable , notée , vaut (avec ).
En particulier, dans un processus discret (t entier), .
Une martingale peut modéliser les gains / pertes accumulés par un joueur au cours de répétitions indépendantes d'un jeu de hasard à espérance nulle (même si le joueur s'autorise à modifier sa mise en fonction des gains passés), d'où l'emprunt du terme martingale au monde du jeu.
On dira que est un processus adapté à la filtration.
On parlera de sous-martingale si et de sur-martingale si .
Définitions
Processus stochastique
Un processus stochastique est une famille de variables aléatoires, généralement indexée par ou .
Filtration
Une filtration est une suite croissante de tribus (ou sigma-algèbres) , c'est-à-dire .
Filtration naturelle
Soit une suite de variables aléatoires. On dit que définie par est la filtration naturelle de la suite .
Processus adapté
On dit que le processus est adapté à la filtration si est -mesurable pour tout entier n.
Martingale dans
Soit une filtration.
Soit une suite de variables aléatoires.
On dit que est une martingale par rapport à si:
est adaptée à la filtration .
est intégrable pour tout entier n.
.
Si respecte les deux premières conditions, et alors on l'appelle sous-martingale, et si , alors on l'appelle sur-martingale.
On dit que est une -martingale.
Processus prévisible
Soit une filtration.
Soit une suite de variables aléatoires.
On dit que est un processus prévisible si est -mesurable et est -mesurable pour tout entier n.
Donnons ici une histoire anti-chronologique du nom (et non du concept) de martingale (issue de cette note[2]).
En théorie des probabilités, la première apparition du mot martingale (et non du concept) se trouve dans la thèse[3] de Jean Ville (en 1939), au chapitre IV, paragraphe 2 dans l'expression : « système de jeu ou martingale ». Il précise que ce terme est emprunté du vocabulaire des joueurs. Notons que la dénomination anglaise (martingale) a été reprise de la française par Joseph Leo Doob, alors rapporteur de la thèse de Ville.
La martingale dans les jeux
Dans le langage des jeux, le terme martingale, le dictionnaire[4] de l'Abbé Antoine François Prévost de 1750, définit le terme comme une stratégie qui consiste pour le joueur à doubler sa mise à chaque perte "pour se retirer avec un gain sûr, supposé qu'il gagne une fois". Plus tôt, en 1611, le dictionnaire franco-anglais de Randle Cotgrave[5]. définit L'expression « à la martingale » avec les termes : absurdly, foolishly, untowardly, grossely, rudely, in the homeliest manner (absurde, stupide, fâcheusement, grossièrement, brutalement, de manière laide). Notons que le terme martingale fait son apparition dans le dictionnaire de l'Académie française en 1762.
Selon une expression provençale[6], jouga a la martegalo signifierait : jouer de manière incompréhensible, absurde. C'est peut-être l'origine de l'application du terme "martingale" aux jeux. On peut penser que la stratégie de martingale peut être considérée comme absurde.
La martingale est absurde ?
Le terme martegalo se rapporte aux habitants de Martigues. La situation isolée de Martigues, au XVIe siècle, « a valu à ses habitants une réputation de naïveté proverbiale » ; on leur attribue une certaine « badauderie », de la « naïveté » ainsi que « des propos goguenards »[2].
Propriétés
Propriété 1
Soit une martingale.
On a
Autrement dit, la suite est constante.
Exemples de martingales
Soit une variable aléatoire intégrable et .
Alors est une -martingale.
Soit une suite de variables aléatoires indépendantes et centrées.
La suite définie par est une -martingale avec [7].
Soit une -martingale, soit un processus borné prévisible par rapport à .
Alors définie par est une -martingale.
Martingale de Doob
On étudie l'espérance conditionnelle d'une variable aléatoire X selon une suite de variables aléatoires définies sur le même espace probabilisé et on pose :
La suite des est appelée martingale de Doob.
Martingale de Wald
On définit la suite des selon la fonction génératrice d'une suite de variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées
La suite des est appelée martingale de Wald.
Exemple de martingale à temps continu
On peut par exemple définir des martingales avec des mouvements browniens. Ceci a de nombreux liens avec l'intégration stochastique. On commence par définir la filtration comme étant la filtration naturelle d'un mouvement brownien standard . Alors le processus stochastique est une martingale. Ceci donne par ailleurs la décomposition de Doob de la sous-martingale
Dominique Foata et Aimé Fuchs, Processus stochastiques : Processus de Poisson, chaînes de Markov et martingales, Dunod, , 256 p. (ISBN2 10 048850 3, présentation en ligne)
↑Tuomas Hytönen, Jan van Neerven, Mark Veraar et Lutz Weis, Analysis in Banach Spaces, Volume I: Martingales and Littlewood-Paley Theory, Springer Cham, (DOI10.1007/978-3-319-48520-1)
↑ a et bRoger Mansuy, « Histoire des martingales », Math. & Sci. hum. / Mathematical Social Sciences (43e année), 2005 (1), p. 105-113 (lire en ligne).
↑Ville, J., Étude critique de la notion de collectif, Paris, Gauthier-Villars,
↑[1]Manuel lexique ou dictionnaire portatif des mots François (1750).