Ses travaux ont porté sur l'existentialisme et la philosophie des sciences, et plus particulièrement la philosophie de la biologie dont elle est considérée comme étant la fondatrice[1]. Elle a enseigné à l'université de Californie de 1965 à 1978. De 1988 à sa mort, elle était professeur émérite d'honneur en philosophie[2] à l'université de Virginia Tech. Elle a été présidente de la Société américaine de métaphysique en 1976.
Elle part ensuite étudier en Allemagne avec Martin Heidegger et Karl Jaspers puis revient en aux États-Unis où elle obtient un doctorat en philosophie au Radcliffe College, appelé « l'annexe de l'université Harvard », l'un des seuls à accepter de délivrer des diplômes aux femmes. Ne pouvant trouver de poste en raison de la Dépression et du sexisme ambiant, elle part étudier Kierkegaard au Danemark, puis dirige un pensionnat pour jeunes filles dans l'Illinois. De 1937 à 1944, elle enseigne dans des postes subalternes à l'université de Chicago, jusqu'à son licenciement à l'entrée de la seconde guerre mondiale[3].
À la suite de cette mise à l'écart pendant 15 ans de la vie universitaire, mise à l'écart jugée scandaleuse par Michael Wedin, un professeur de l'université de Chicago, elle se retire alors, avec David Grene, un fermier d'origine irlandaise connu pour ses traductions du théâtre grec qu'elle a épousé l'année précédente, dans sa ferme de l'Illinois, puis en 1952 dans s ferme en Irlande, où elle élève porcs et poulets, s'occupe de ses deux enfants, et rédige deux livres, Dreadful Freedom: A Critique of Existentialism en 1948 et Heidegger en 1957[3],[4]. Elle commence à collaborer par correspondance avec le polymatheMichael Polanyi qu'elle avait rencontré à Chicago, et participe activement à la transposition de ses conférences lors des Gifford Lectures, qui sont réunis dans le livre Personal Knowledge. De 1958 à 1960 elle enseigne à l'université de Leeds, puis les deux années suivantes à celle de Belfast. En 1961, elle divorce, et rentre aux États-Unis en 1962[4].
Travaux
Profondément indépendante, elle admirait Aristote sur lequel elle écrit un livre remarqué. À l'inverse, son rejet de Descartes et de son Cogito ergo sum lui vaut d'être marginalisée. L'une de ses caractéristiques réside dans la transversalité dont elle a fait preuve dans ses travaux[3],[5].
Elle a étudié ou travaillé avec de nombreux philosophes contemporains, qu'elle a presque tous rejeté ensuite[6] avec sa grande liberté de ton[7], mais dit tenir en estime que Michael Polanyi, Maurice Merleau-Ponty et le psychologue James J. Gibson qui l'a beaucoup influencé avec son ouvrage Approche écologique de la perception[8]. Elle s'est dite fortement influencée par leurs travaux, ainsi que par ceux de Helmuth Plessner qui ont contribué à la formation de ses idées épistémologiques[9].
En 1995, l'International Society for the History, Philosophy, and Social Studies of Biology a créé un prix pour les jeunes chercheurs en son nom. L'institution, dont elle a été la fondatrice, lui rend hommage à en raison « non seulement son travail dans l'histoire et la philosophie de la biologie illustrent le fort esprit de travail interdisciplinaire fondamentale [de la société, mais aussi parce qu'] elle a joué un rôle central dans réunissant divers spécialistes de la biologie, avant même la formation de la Société[10]. ».
Sa nécrologie dans le New York Times indique qu'elle était « l'un des premiers philosophes à soulever des questions au sujet de la théorie synthétique de l'évolution, en combinant la théorie darwinienne de l'évolution, la compréhension du patrimoine génétique de Mendel et des découvertes les plus récentes de la biologie moléculaire. ». Elle est co-auteur avec David Depew de la première histoire de la philosophie de la biologie. En 2002, elle est la première femme philosophe à avoir une notice dans la Bibliothèque des philosophes vivants, ce qu'elle expliquera ainsi en 2005 : « J'ai pensé qu'ils devaient être désespérément à la recherche d'une femme »[5].
Ouvrages
Philosophers Speak for Themselves: From Descartes To Kant. Readings in the Philosophy of the Renaissance and Enlightenment (1940) en collaboration avec Thomas Vernor Smith
Dreadful Freedom: A Critique of Existentialism (1948)
↑ a et b(en) James R. Griesemer, Michael V. Wedin et Arthur M. Shapiro, « Marjorie Glicksman Grene - In Memoriam », sur senate.universityofcalifornia.edu/, (consulté le )
↑Voir la conclusion de son interviewer sur The Beliver : « By way of the twentieth century in review, then, let me see if I have this right: you studied with Heidegger, but then rejected his philosophy; studied and worked with existentialists, like Jaspers, but then rejected their work; same for logical positivists, with Carnap and Hempel; Sartre is a brilliant writer but untenable in reality; the critical theorists, Frankfurt Marxists—we didn’t get to them actually, but you’ve said they were unintelligible; I forgot to ask about pragmatism, but from the LLP bio you don’t sound too keen on pragmatism, William James and John Dewey. » (Si l'on passe le XXe siècle en revue alors, voyons si j'ai bien compris : vous avez étudié avec Heidegger, mais rejeté sa philosophie ; étudié et travaillé avec les existentialistes, comme Jaspers, mais rejeté leur travail ; même chose pour les positivistes logiques, avec Carnap et Hempel ; Sartre est un écrivain brillant mais intenable dans la réalité ; les théoriciens critiques, les marxistes de Francfort - nous ne les avons pas abordé, mais vous avez dit qu'ils étaient inintelligibles ; j'ai oublié de poser des questions sur le pragmatisme, mais d'après votre biographie dans la Bibliothèque des philosophes vivants, vous n'avez par l'air d'être emballée par le pragmatisme, William James et John Dewey ?)
↑Interrogée sur la doctrine politique de George W. Bush, elle répond « There can’t be any such thing! The man hasn’t got a mind. So how can there be a doctrine? » (traduction libre : Cela ne peut pas exister ! L'homme n'a pas d'intellect. Alors comment pourrait-il exister une doctrine ?)