Madras (/ma.dʁas/ ou /ma.dʁɑs/[a],[2]; en tamoul : மெட்ராஸ், /mɛʈrɑːs/) ou Chennai[b] (en tamoul : சென்னை, /t͡ɕenːaɪ̯/[c]Écouter) est la capitale du Tamil Nadu, l'État indien le plus au sud. C'est la plus grande ville de l'État quant à la superficie et la population, et elle est située sur la côte de Coromandel, dans le golfe du Bengale. Selon le recensement indien de 2011, Chennai est la sixième ville la plus peuplée d'Inde et forme la quatrième agglomération urbaine la plus peuplée. La Greater Chennai Corporation est l'organe civique responsable de la ville ; c'est la plus ancienne corporation urbaine de l'Inde, créée en 1688 - la deuxième plus ancienne au monde après Londres.
Historiquement, Chennai et ses environs ont fait partie des royaumes Pallava, Chola, Pandya et Vijayanagara pendant de nombreux siècles. Les terres côtières, qui contenaient alors le village de pêcheurs Madrasapattinam, ont été achetées par la British East India Company au souverain Nayak Damarla Venkatadri (ou Venkatappa) Nayaka, au XVIIe siècle[4]. La garnison britannique a établi la ville et le port de Madras, et a construit Fort St. George - la première forteresse britannique en Inde - qui a été brièvement conquise par les Français en 1746, avant de devenir la capitale d'hiver de la présidence de Madras, une province coloniale du Raj britannique dans le sous-continent indien. Après l'indépendance de l'Inde en 1947, Madras est restée la capitale de l'État de Madras et de l'actuel Tamil Nadu. La ville a été officiellement rebaptisée Chennai en 1996.
La ville de Madras compte plus de six millions d'habitants et constitue le centre commercial, culturel et économique majeur de l'Inde du Sud.
Elle est la sixième ville d'Inde par sa population. Elle comptait 6 221 782 habitants au recensement de 2011 contre 4 216 268 habitants au recensement de 2001, mais la superficie de la ville est passée de 174 km2 à 426,7 km2. La zone métropolitaine s'étend sur 1 189 km2 et compte environ 11 503 000 habitants (en 2022)[5], ce qui en fait la quatrième région métropolitaine la plus peuplée d'Inde.
La ville portait le nom de Madras jusqu'en 1996. Ce nom proviendrait de Madraspattinam, un village de pêcheurs au nord du fort Saint-George[7]. Toutefois, il a été pensé un temps que son utilisation ait été incertaine avant la colonisation. Des cartographes attribuent également le nom Madras à Mundir-raj[8] et d'autres suggèrent que les Portugais, arrivés par la mer au XVIe siècle, ont nommé le village Madre de Deus (Mère de Dieu). D'autres théories suggèrent encore que le nom proviendrait d'une famille portugaise, les Madeiros, d'un prêtre chrétien[9], d'une école coranique (médersa) ou du mot madhu-ras (miel en hindi).
Comme de nombreuses villes en Inde, le nom de Madras a été changé ces dernières années, sous prétexte d'abolir un reliquat colonial. En 1996, la ville est officiellement devenue Chennai, qui est une forme abrégée de Chennapattanam, la ville construite autour du fort Saint-George[10]. Ce nom provient de celui du roi télougouDamarla Chennappa Nayakudu(en), naïck de Calastri et Vandavachi, et père de Damarla Venkatadri Nayakudu, auprès de qui les Britanniques ont acquis la ville en 1639. Ce dernier avait auparavant rebaptisé la ville à la mémoire de son père[4]. La première utilisation du nom Chennai daterait du dans un acte de vente de la Compagnie anglaise des Indes orientales[11]. Certains avancent une autre étymologie, Chennai proviendrait du temple de Chenna Kesava Perumal (Vishnou), le mot chenni signifiant visage en tamoul et le temple étant considéré comme le visage de la ville[12].
Si le nom de Madras fait depuis quelques décennies l'objet de critique de la part de certains mouvements post-coloniaux, une inscription trouvée à Penneswaramadam, dans le district de Krishnagiri, infirme néanmoins la validité de cette position[13],[14]. Gravée sur un rocher des berges du Ponnaiyar et datée du , cette inscription, édictée en tamoul sous le règne de Kampana II de Vijayanagara, fait notamment état de ses conquêtes dans le Tondaimandalam. Parmi les villes côtières prises dans cette région, y est cité le port de Mādarasanpattanam, une mention qui constitue la plus ancienne référence formelle à la ville de Madras[13],[14]. Cet ancien nom, plus tardivement francisé en Madraspatan, a été adopté dans de nombreuses langues sous la forme de Madras. Par ailleurs, l'usage de « Madras » reste courant parmi les locaux et de nombreux indiens, et est même officiel dans la désignation de nombreuses institutions de la ville, telles que la Haute Cour de Madras[15].
Cette démarche de rebaptisation de la ville répondait à une volonté de politiciens régionaux ethnocentristes (ici le parti du DMK), contribuant à une tendance nationale pour ce genre de procédure, plutôt qu'à un « retour » vers un nom précolonial qui aurait été d'usage auparavant[16]. Similairement à Bombay ou Mumbai. Il s'agissait pour ses initiateurs d'affirmer leur présence dans la ville et de façonner cette dernière selon leur imaginaire politique et idéologique[16].
Histoire
Thomas, l'un des douze apôtres, est associé à Madras. La tradition des chrétiens locaux rapporte qu'il est venu en Inde pour évangéliser la colonie juive qui y était installée depuis le VIIe siècle avant notre ère. Selon cette tradition il est mort en martyr à Madras en l'an 72, transpercé par une lance[réf. nécessaire], sur un petit mont appelé aujourd'hui le mont Saint-Thomas, où un sanctuaire a été édifié, et où les chrétiens indiens viennent en pèlerinage.
Au-delà de ce « mont Saint-Thomas », la figure de l'apôtre est également présente dans le nom d'une banlieue de Madras, Santhome (à Mylapore). Édifiée au-dessus de la crypte, où reposerait la tombe de l'apôtre, une basilique a été édifiée à la fin du XIXe siècle, la basilique Saint-Thomas, située en bord de mer. En 1986, lors de son voyage apostolique en Inde, le pape Jean-Paul II s'est recueilli près de cette tombe[17].
Madras est l'un des premiers avant-postes de la British East India Company. La ville est fondée en 1639 lorsque la compagnie choisit Madraspattinam, un petit village de pêche, pour s'y installer. La ville compte alors environ 7 000 habitants[18].
Après la défaite de la France en 1761 et la destruction de la ville rivale de Pondichéry, George Town s'est développée peu à peu, devenant la ville moderne de Madras et absorbant plusieurs bourgs voisins.
En 1901, Madras compte environ 540 000 habitants[18]. Dès le début du XXe siècle, Madras est la principale agglomération du Sud de l'Inde[18].
En 1971, la municipalité centre de Madras compte 2,6 millions d'habitants contre 3,5 millions pour son agglomération[18]. À la même époque, environ un tiers de la population de la ville vit dans un bidonville ou un habitat dégradé[18].
En 1996, le gouvernement a abandonné le nom de Madras et rebaptisé la ville Chennai. En 2001, la municipalité de Madras compte plus de 4 millions d'habitants, alors que son agglomération en compte 7 millions[18].
Démographie et culture
La majeure partie des habitants de Madras sont Tamouls et leur langue maternelle est le tamoul. Le caractère cosmopolite de la ville a donné un pidgin particulier qu'est le Madras bashai ou tamoul de Madras. Un dialecte qui attribue un aspect identitaire et engagé chez une partie des Madrasiens[21]. L'anglais est largement parlé, mais est presque exclusivement employé dans les affaires et l'enseignement.
Outre les Tamouls, les Télougous sont très nombreux, du fait de la proximité géographique de Madras avec l'Andhra Pradesh. Les télougophones bénéficient d'une présence ancienne dans la région et significative dans l'histoire de la ville[22],[23]. D'autres communautés issues d'autres régions du pays forment une part considérable de la population de Madras, telles que les communautés rajasthanie, biharie, malayalie, canaraise, goudjaratie, sindhie, pendjabie…
Des populations étrangères résident également dans cette ville, qui compte la troisième population d'expatriés en nombre après Bombay et Delhi, estimée à plus de 100 000 personnes en 2016[24]. L'installation de nombreuses entreprises étrangères et les investissements étrangers sont en grande partie moteurs de cette dynamique démographique. Les plus importantes communautés d'expatriés sud-coréens et japonais en Inde sont installées à Madras, les sud-coréens formant également la plus importante communauté étrangère résidente[25],[26],[27].
Madras est connu comme un des hauts-lieux de la cuisine indienne traditionnelle du Sud. La cuisine des restaurants est habituellement bon marché au regard de la qualité qu'elle offre. Les plats typiques sont entre autres les dosas (crêpes), le idli (un gâteau de riz), le sambhar (ragoût fait de lentilles, piments, graines de coriandre et d'autres épices).
Madras est également un centre culturel important, célèbre pour la musique classique sud-indienne, ou musique carnatique, et une des danses classiques sud-indiennes, le Bharata natyam. Les deux disciplines artistiques ont connu leur institutionnalisation et leur développement moderne dans la ville, à travers la seconde moitié du XIXe siècle et le XXe siècle[28],[29]. Des milliers de personnes et de très nombreuses écoles y enseignent la musique et la danse, comme la fameuse Fondation Kalakshetra. Les visiteurs affluent à Madras pendant les mois de décembre-janvier, période du festival centenaire de musique carnatique de la ville, connue sous le nom de « Madras Music Season(en) ».
La riche scène musicale de la ville a contribué à l'admission de Madras au réseau des villes créatives de l'UNESCO dans le domaine de la musique[30]. Une scène musicale qui est relativement ancienne mais aussi diversifiée, entre la musique classique carnatique, les productions plus populaires des films musicaux indiens en langues tamoule, télougoue et malayalam (Kollywood, Tollywood et Mollywood) et des autres genres musicaux en vogue, ainsi que la musique folklorique, dont le Gaana(en), genre propre à Madras.
Le Loyola College est une institution jésuite d'enseignement supérieur. Fondée en 1925 par des missionnaires jésuites français, l'institution est aujourd'hui affilié à l'université de Madras, tout en bénéficiant d'un grand degré d'autonomie.
Madras est un port pétrolier et un centre industriel dans le secteur industriel majeur à l'échelle de l'Inde, notamment les quartiers nord de la ville autour du port d’Ennore[18].
Le Sud de l'agglomération est lui marqué par des activités tertiaires, que cela soit l'enseignement supérieur, les télécommunications, la médecine, la finance ou encore les sièges sociaux d'entreprises[18].
En 2015, la ville vote une loi interdisant la construction de panneaux d'affichage publicitaires dans l'espace public[32].
Madras est la capitale de l'État du Tamil Nadu. Le gouvernement et la législature de l'État, ainsi que la Haute Cour de Madras dont la compétence s'étend sur le Tamil Nadu et Pondichéry, sont situés à Madras. Madras est divisée en trois circonscriptions pour la Lok Sabha (Madras Nord, Madras Central, Madras Sud) et 14 pour l'Assemblée législative du Tamil Nadu.
Selon les estimations du gouvernement, Madras devrait commencer à manquer d'eau souterraine dès 2020[36]
Climat
Madras bénéficie d'un climat tropical de savane correspondant au type Aw de la classification de Koppen. Le climat est chaud et humide une bonne partie de l'année, avec des températures journalières excédant fréquemment 40 °C pendant l'été. La ville connaît, lors de la mousson nord-est de septembre-décembre, l'essentiel de sa période humide.
Relevé météorologique de Madras. Altitude : 16 m (période 1971-1990).
Le Championnat du monde d'échecs 2013 s'est tenu à Madras du 6 au 26 novembre ; c'est là qu'Anand a perdu son titre face au norvégien Magnus Carlsen[38]. La ville avait déjà postulé pour l'organisation de la précédente édition en 2012 où Viswanathan Anand affrontait Boris Guelfand mais c'est la candidature de Moscou qui avait été retenue, la Fédération internationale des échecs promettant alors à Madras l'organisation du match 2013 en cas de victoire d'Anand[38]. Pour l'édition 2013, Madras était pourtant en concurrence avec Paris, offrant 2,55 millions d'euros pour cette organisation contre 3,45 millions pour la capitale française mais la FIDE a préféré tenir l'engagement qui avait été pris sur décision de son seul président, Kirsan Ilioumjinov[38].
↑(en) Julie Mariappan, « Madras high court did not agree to changing its name to high court of Tamil Nadu: Centre », The Times of India, (ISSN0971-8257, lire en ligne, consulté le )
↑ a et b(en) Mary Elizabeth Hancock, The politics of heritage from Madras to Chennai, Indiana University Press, (ISBN978-0-253-35223-1, OCLC762342058), I (The Formal City and Its Pasts), chap. 2 (« Governing the Past: Chennai's Histories »)
↑(en) Ashok Kumar, Terrorism, Naxalism & Insurgency in India, New Delhi, K.K. Publications, (ISBN9788178442563), chap. 7 (« Naxalism in Chhattisgarh and other States »), p. 209
↑(en) « A look at how developers are catering to the increasing population of expatriates in the city », The Hindu, (ISSN0971-751X, lire en ligne, consulté le )
↑M. S. S. Pandian, « Tamil Cultural Elites and Cinema: Outline of an Argument », Economic and Political Weekly, vol. 31, no 15, , p. 950–955 (ISSN0012-9976, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Ketu H. Katrak, « Innovations in Contemporary Indian Dance: From Religious and Mythological Roots in Classical Bharatanatyam: Innovations of Classical Bharatanatyam », Religion Compass, vol. 7, no 2, , p. 47–58 (DOI10.1111/rec3.12030, lire en ligne, consulté le )