Né en 1852 à Cologne, Ludwig Schemann était le fils d'un petit industriel de la Rhénanie. Après des études au progymnasium de Königswinter puis au gymnasium de Cobourg, où il avait appris le français, le latin et un peu d'hébreu, il passa successivement par l'université de Heidelberg, de Berlin et de Bonn, où il soutint sa thèse de doctorat d'histoire romaine, consacrée aux légions, en 1875[2],[3],[4].
Il faisait partie du cercle des proches de Richard et Cosima Wagner, installés à Bayreuth. Le compositeur lui fit connaître Gobineau, dont il était le grand ami, en 1882, peu avant sa mort[6]. C'est également lui qui lui conseilla de se consacrer à son œuvre, qu'il découvrit en en lisant La Renaissance[1],[7]. S'attachant à la traduction de ses ouvrages, il les fit paraître en allemand entre 1898 et 1914[8] (La Renaissance entre 1891 et 1894[1]). En , il fonda la Gobineau-Vereinigung (Société Gobineau), qui connut un grand succès[9] et dont il fut président jusqu'en 1920. C'est à cet organisme que Mathilde de la Tour décida de léguer en 1898 ses droits sur les manuscrits et la correspondance de Gobineau, les restes de sa bibliothèque, ses œuvres d’art et son mobilier. Le professeur Schemann proposa alors à la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg d'acheter cette collection Gobineau. Une subvention extraordinaire et un emprunt au fonds Saint-Thomas permirent d'acquérir l'ensemble[10] en 1908[11]. En 1911, à la mort de la comtesse, les livres de Gobineau, sa correspondance avec Alexandre de Humboldt, Prosper Mérimée, Ernest Renan, etc., ses objets et son mobilier furent transférés à la bibliothèque[10].
Toutefois, la contribution de Schemann au renom de Gobineau en Allemagne, à l'ombre du prestige de Wagner, eut pour effet de lui nuire en France, à une époque où régnait l'animosité entre les deux pays[12]. En 1943, dans l'article « Gobineau juge du fascisme », René Étiemble dénonçait à la fois « les chauvins à la Maurice Lange, qui accusent Gobineau de tous les péchés de Bismarck, et les chauvins à la Ludwig Schemann, qui prêchent un Gobineau pré-hitlérien »[13].
Politiquement ultra-conservateur, monarchiste, anti-libéral, nationaliste et pangermaniste[8], il signa en 1907, avec le peintre Hermann Hendrich, l'historien littéraire Adolf Bartels, Arthur Moeller van den Bruck, Houston Stewart Chamberlain et Henry Thode, l'appel à l'origine de la fondation du Werdandi Bund (Fédération Werdandi, du nom d'une déesse nordique, aussi appelée Verdandi, Verdanti ou Verthandi), association d'inspiration völkisch à laquelle adhérèrent environ 500 membres. Par ailleurs, il était membre de la branche fribourgeoise de la Gesellschaft für Rassenhygiene (Société pour l'hygiène de la race), qui était affiliée à la Gobineau-Vereinigung, et devint en 1928 le soutien public du Kampfbund für deutsche Kultur (Société pour la culture allemande), d'inspiration national-socialiste. En 1937, il était inscrit comme membre honoraire du Reichsinstitut für Geschichte des Neuen Deutschlands (Institut royal pour l'histoire de la nouvelle Allemagne), lui aussi d'inspiration nazie. La même année, le Goethe-Institut lui remit la Goethe-Medaille für Kunst und Wissenschaft (médaille Goethe pour l'art et la science)[14].
Ses archives sont conservées à la bibliothèque de l'université de Fribourg-en-Brisgau.
Choix de travaux
De legionum per alterum bellum Punicum historia quae investigari posse videantur, Université de Bonn, 1875
Mes Souvenirs sur Richard Wagner (Meine Erinnerungen an Richard Wagner), Stuttgart, 1902
Le comte Arthur Gobineau. Un souvenir visuel de Wahnfried (Graf Arthur Gobineau. Ein Erinnerungsbild aus Wahnfried), Stuttgart, 1907
Gobineau et la civilisation allemande (Gobineau und die deutsche Kultur), Leipzig, 1910
L'Ouvrage sur les races de Gobineau. Pièces et considérations à l'histoire et la critique de l'« essai sur l'inégalité races humaines » (Gobineaus Rassenwerk. Aktenstücke und Betrachtungen zur Geschichte und Kritik des « Essai sur l'inégalité des races humaines »), Stuttgart, 1910
Les Aléas de la vie d'un Allemand (Lebensfahrten eines Deutschen), Leipzig, 1925
La Race dans les lettres. Études sur l'histoire de la pensée de la race (Die Rasse in den Geisteswissenschaften. Studien zur Geschichte des Rassengedankens), 3 tomes, Munich, 1928
Martin Plüddemann et les ballades allemandes (Martin Plüddemann und die deutsche Ballade), Ratisbonne, 1930
Hans von Bülow dans la lumière de la vérité (Hans von Bülow im Lichte der Wahrheit), Ratisbonne, 1935
Wolfgang Kapp et l'entreprise de mars de 1920. Un mot de l'expiation (Wolfgang Kapp und das Märzunternehmen vom Jahre 1920. Ein Wort der Sühne), Munich, 1937
Correspondance
Bertha Schemann (éd.), Briefe an Ludwig Schemann/Cosima Wagner (Lettres à Ludwig Schemann/cosima Wagner), Ratisbonne, Gustav Bosse, 1937
Choix de traductions
Arthur de Gobineau, Asiatische Novellen (les Nouvelles asiatiques), Leipzig, 1893
Arthur de Gobineau, Die Renaissance, Historisch Scenen (Renaissance, scènes historiques), Leipzig, 1899
Arthur de Gobineau, Versuch über Ungleichheit der Menschenracen (Essai sur l'inégalité des races humaines), Stuttgart, 1900
Bibliographie
Peter Emil Becker: Wege ins Dritte Reich. Tl. 2: Sozialdarwinismus, Rassismus, Antisemitismus und Völkischer Gedanke. Stuttgart u. a. 1990, 101–123 (m.w.Nwn.)
Ernst Klee: Deutsche Medizin im Dritten Reich. Karrieren vor und nach 1945. S. Fischer, Frankfurt am Main 2001, (ISBN3-10-039310-4), S. 18, 27 und 71.
Julian Köck: Ludwig Schemann und die Gobineau-Vereinigung. In: Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 59/9, 2011, S. 723–740.
Kurt Nemitz: Antisemitismus in der Wissenschaftspolitik der Weimarer Republik. Der 'Fall Ludwig Schemann'. In: Jahrbuch des Instituts für deutsche Geschichte, hrsg. v. Walter Grab, 12, 1983, S. 377–407.
Notes et références
↑ ab et cJacques Le Rider, Malwida von Meysenbug (1816-1903): une européenne du XIXe siècle, Bartillat, 2005, 606 pages, p. 434.
↑ a et bJohann Chapoutot, Le National-socialisme et l'Antiquité, Presses universitaires de France, 2008, 532 pages, p. 74.
↑Recherches germaniques, n° 11-12, Université des sciences humaines de Strasbourg, CNRS, 1981, p. 100.
↑Schopenhauer Gesellschaft, Schopenhauer und Brockhaus. Zur Zeitgeschichte « Welt als Wille und Vorstellung », tome 26, A. Lutzeyer, 1939, p. 505.
↑Armin Mohler, Karlheinz Weissmann, Die konservative Revolution in Deutschland 1918-1932: ein Handbuch, Ares, 2005, 641 pages, p. 421.
↑Paul Weindling, Health, race, and German politics between national unification and Nazism, 1870-1945, Cambridge University Press, 1993, 641 pages, p. 52.
↑Michel Crouzet, Arthur de Gobineau: cent ans après, 1882-1982, Minard, 1990, 237 pages, p. 15.
↑ a et bBenoît Massin, « From Virchow to Fischer: Physical Anthropology and "Modern Races Theories" in Wilhelmine Germany » (p. 79-154), in George W. Stocking (dir.), Volksgeist as method and ethic: essays on Boasian ethnography and the German anthropological tradition, University of Wisconsin Press, 1999, 358 pages, p. 129-130.
↑Voir la critique de L. Roustan parue dans la Revue critique d'histoire et de littérature, tome 65, Paris, E. Leroux, 1908, p. 16.
↑Alain de Benoist, Vu de droite, anthologie critique des idées contemporaines, p. 262.
↑René Étiemble, « Gobineau juge du fascisme » (p. 599-614), Renaissance, revue trimestrielle publiée par l'École libre des hautes études, New York, octobre-décembre 1943, vol. 1, p. 601.
↑Ernst Klee, Das Personenlexikon zum Dritten Reich. Wer war was vor und nach 1945, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch Verlag, 2005 (deuxième édition réactualisée), p. 530 (ISBN978-3-596-16048-8).