La photographe est rarement créditée pour son travail, qui est principalement attribué à László Moholy-Nagy ou à Walter Gropius, fondateur du Bauhaus[2].
La fascination visuelle de ses images fait de Lucia Moholy, une icône de la photographie moderne[3].
À partir de 1919, elle publie de la littérature expressionniste radicale sous le pseudonyme d'Ulrich Steffen. La même année, elle s'installe dans la Barkenhoff d'Heinrich Vogeler à Worpswede près de Brême.
En 1920, elle rencontre l'artiste hongrois László Moholy-Nagy qu'elle épouse le jour de son 27e anniversaire en janvier 1921. Le couple s'installe près de cinq années à l'école du Bauhaus, où Lucia Moholy explore ses affinités avec la photographie[3].
Le Bauhaus et la Nouvelle objectivité
En 1923, alors que László Moholy-Nagy devient l'une des figures référentes du Bauhaus, Lucia Moholy est technicienne de chambre noire dans son laboratoire. Elle devient sa principale collaboratrice. Elle est également élève du studio de photographie d'Otto Eckner.
De 1925 à 1926, elle étudie les techniques photographiques et d'impression à l'Académie des arts visuels de Leipzig, d'où elle sort avec un diplôme de photographe qualifiée. L'artiste documente l'intérieur et l'extérieur de l'architecture du bâtiment, ses installations, ainsi que les étudiants et les enseignants[6]. Ses choix esthétiques font partie du Neue Sachlichkeit (Nouvelle objectivité) qui se concentre sur la documentation d'un point de vue simple[4].
Ses photographies du Bauhaus, des maisons de maîtres et de la gamme des objets des ateliers du Bauhaus ont durablement façonné l'image et l'identité de l'école d'art. Elle expérimente différents processus dont le photogramme. Dans de nombreuses publications, l'ensemble des œuvres produites du couple sont attribuées à László Moholy-Nagy[4]. En 1925, l'ouvrage Malerei, Photografie, Film est publié sous le seul nom de son mari[7],[8].
Après avoir quitté le Bauhaus en 1928, elle travaille pour Mauritius, la plus ancienne et la plus grande agence photographique d’Allemagne, et participe à l'exposition du Deutscher Werkbund (Fédération du travail allemand), Film und Foto à Stuttgart en 1929[9]. L’événement présente des artistes travaillant dans l'esthétique de la New Vision.
La même année, elle se sépare de László Moholy-Nagy[3].
Seconde Guerre mondiale
Lucia Moholy enseigne la photographie dans une école d'art privée à Berlin dirigée par le peintre suisse Johannes Itten. En 1933, lorsque le Parti national-socialiste des travailleurs allemands arrive au pouvoir, elle est contrainte d'émigrer[10]. Son conjoint de l'époque, un député communiste, est arrêté dans son appartement un jour où elle est sortie. Elle part à Prague, où elle s'installe un temps avec sa famille, puis s'enfuit pour la Suisse, l'Autriche et Paris, avant de finalement s'installer à Londres[11].
Londres
En Angleterre, elle se concentre sur la photographie commerciale, le portrait et l'enseignement.
Elle est l'auteure de A Hundred Years of Photography, 1839-1939, ouvrage rédigé en anglais qui relate avec précision l'histoire du médium[12].
Elle est également à l'origine d'une opération sur microfilm basée à la London Science Museum Library, pour l'Association des bibliothèques spéciales et des bureaux d'information (Aslib)[13]. Le processus vise à réduire l'échelle des documents photographiques et de les conserver dans les archives de la London Science Museum Library[14].
Bien que ses images aient été utilisées pour le marketing et les catalogues de vente de l'école du Bauhaus, ainsi que dans des ouvrages qu'elle a elle-même édité sur le mouvement, son travail lui est rarement publiquement attribué[15].
Lors de sa fuite du régime nazi, Lucia Moholy laisse l'ensemble de ses œuvres à Berlin, y compris les négatifs de ses photographies du Bauhaus[16]. Les films sont finalement conservés par Walter Gropius. Pendant son séjour à Londres, l'intérêt et la notoriété du Bauhaus augmente et de nombreux catalogues du Bauhaus sont édités avec ses images perdues, sans la créditer[3].
En 1938, lors d'une rétrospective sur le Bauhaus au Musée d'Art Moderne (MoMA), Walter Gropius utilise près de cinquante photographies de Lucia Moholy pour la mise en place de l'exposition et du catalogue qui l'accompagne sans la créditer une seule fois[17]. La photographe a à plusieurs reprises démarché Walter Gropius pour réclamer ses images, sans succès. Elle engage alors un avocat à la suite de la dépossession de son travail, qu'elle ne retrouve qu'en partie dans les années 1960[16],[18].
En 1972, elle publie Moholy-Nagy Notes comme une dernière tentative, afin de récupérer le droit des images éditées sans sa permission[15].
Publications
A Hundred Years of Photography : 1839-1939, Lucia Moholy, Pelican, Penguin Books Limited, 182p, 1939, ASIN B000ZK32N2
↑ abc et d(en) Naomi Blumberg, « Lucia Moholy | Bohemian-born British photographer, teacher, and writer », Encyclopedia Britannica, (lire en ligne, consulté le )
↑(de) Jutta Dick et Marina Sassenberg, Jüdische Frauen im 19. und 20. Jahrhundert : Lexikon zu Leben und Werk, Rowohlt Tb., , 415 p. (ISBN3-499-16344-6)
↑(en) Lucia Moholy, A hundred years of photography : 1839-1939, Pelican, Penguin books limited, , 182 p. (ASINB000ZK32N2)
↑(en) Fidelia Ibekwe-Sanjuan, Fabrice Papy, La science de l'information : Origines, théories et paradigmes, Cachan, Hermes Science Publications, , 261 p. (ISBN978-2-7462-3912-8, lire en ligne)
↑(en) Lucia Moholy, The ASLIB microfilm service : the story of its wartime activities, Londres, Journal of Documentation, Vol. 2 No.3, , p. 73-147
↑ a et bMeghan Forbes, « “What I Could Lose”: The Fate of Lucia Moholy », Michigan Quarterly Review, vol. 55, no 1, (ISSN1558-7266, lire en ligne, consulté le )
↑ a et b(en-US) Sam Greenspan, « Photo Credit : Negatives of the Bauhaus », 99% Invisible, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) « Collection Lucia Moholy », sur The Metropolitan Museum of Art, i.e. The Met Museum (consulté le ).
↑(de) Bauhaus-Archiv / Museum für Gestaltung, Anja Guttenberger, Bauhaus.photo : bauhaus.foto : 100 Fotos aus der Sammlung des Bauhaus-Archiv Berlin, Bauhaus-Archiv Museum für Gestaltung, , 142 p. (ISBN978-3-922613-46-6 et 3-922613-46-2)
(it + en) Angela Madesani, Nicoletta Ossanna Cavedini et Lucia Moholy, Lucia Moholy (1894-1989) : tra fotografia e vita : between photography and life, Milan, Cinisello Balsamo : Silvana Editoriale, , 192 p. (ISBN978-88-366-2540-6)
(en) Naomi Rosenblum, A history of women photographers, Abbeville, , 416 p. (ISBN978-0-7892-1224-5)