Saint-Evremond a dit à son propos : « Le ruban de soie qui serrait la taille de Mlle de Keroual unit la France et l’Angleterre ». Saint-Simon la considérait comme une aventurière.
Biographie
Jeunesse
Louise Renée de Penancoët de Keroual est née en , au château de Keroual à Guilers, près de Brest. Elle est la fille de Guillaume de Penancoët de Keroual et de Marie de Plœuc, dont le mariage avait été célébré en 1645. La famille compte deux autres enfants : Sébastien (1646-1671), capitaine de vaisseau mort à 25 ans, et une sœur, Henriette Mauricette (1655-1728), comtesse de Pembroke. Les deux époux sont nobles : les Penancoët (patronyme qui signifie « bout du bois » en breton) sont originaires du Léon, les Plœuc sont une branche des Kergorlay sans doute issue des comtes de Poher. Mais les revenus ne sont pas en rapport avec leur rang, et la vie au château est modeste. Louise suit des études au couvent Sainte-Ursule de Lesneven où une de ses tantes est religieuse.
Le duc de Beaufort, cousin du roi qui l'a nommé grand maître de la navigation, la remarque. Il lui fait vainement la cour[2], s'engageant même à ce qu'elle devienne demoiselle d'honneur de « Madame », la duchesse d'Orléans et belle-sœur de Louis XIV.
De Versailles à Londres
La promesse du duc de Beaufort sera tenue post-mortem. En 1669, Louise Renée arrive au château de Versailles pour se mettre au service de « Madame », c'est-à-dire la duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre, la sœur du roi d'Angleterre Charles II.
Elle est remarquée par le roi, dont la favorite officielle est la duchesse de La Vallière mais la favorite officieuse Madame de Montespan ; plutôt que d’en faire sa maîtresse, il juge qu'elle lui sera diplomatiquement plus utile. Aux côtés de Madame, mal mariée et qui, au début de son mariage, avait eu un début de liaison avec le roi, Louise Renée perd sa réserve et apprend vite les us et coutumes de la cour.
En 1670, à la suite de Madame, chargée d'une mission diplomatique par le roi, elle embarque pour l'Angleterre. Charles II n'a pas vu sa sœur depuis neuf ans. Il a peu de sympathie pour le royaume de France et guère plus pour son souverain et cousin. En revanche, à l'instar de son cousin français, il apprécie beaucoup la compagnie des dames, ce que Louis XIV n'est pas sans savoir. Le roi accueille sa sœur au château de Douvres. La réception est somptueuse, outre les retrouvailles familiales, et la curiosité du roi a été piquée par les propos du duc de Buckingham, au sujet de la nouvelle dame de compagnie de celle-ci.
La signature du Traité de Douvres rapproche les deux royaumes : Charles II propose de se convertir au catholicisme et de fournir des troupes, en échange de quoi Louis XIV lui verserait une rente annuelle de 200 000 livres. En remerciement des cadeaux reçus, la duchesse d'Orléans propose à son frère de choisir un bijou dans sa cassette et c'est Louise Renée qui doit le lui remettre ; posant sa main sur celle de la jeune fille, le roi aurait dit : « Voilà le seul bijou que je désire ! ».
De retour à Versailles, la jeune fille aurait émis le souhait de rentrer au couvent, ce dont on l'aurait dissuadée. Elle repart donc pour l'Angleterre.
Favorite royale
Elle est logée dans un immense appartement du palais de Whitehall et le roi d'Angleterre vient lui faire sa cour tous les soirs. Du reste, supervisée par le marquis de Croissy, l'ambassadeur de France, Louise Renée connaît parfaitement les impératifs de sa mission.
Au mois d'octobre 1671, elle est invitée à une réception donnée par la comtesse d'Arlington, en présence du roi et de nombreux invités. Le roi, marié à l'infante Catherine de Bragance qu'il a vite délaissée car elle ne lui a pas donné d'enfant, arrive à la fête sans la reine. Un faux mariage est organisé, mais la nuit de noces a bien lieu avec Louise Renée de Penancoët de Keroual. Celle-ci devient la maîtresse du roi d'Angleterre. Elle est officiellement nommée demoiselle d'honneur de la reine Catherine : le roi peut ainsi visiter son épouse et voir sa maîtresse.
Louis XIV est informé par son ambassadeur que son agent a beaucoup de pouvoir sur son amant. En 1672, elle donne naissance à un garçon, Charles Lennox, créé duc de Richmond (1675). La mère reçoit des terres et est titrée duchesse de Portsmouth, comtesse de Fareham et baronne de Patersfield, avec une pension annuelle de 138 000 livres. Si son influence dure environ une quinzaine d'années, jusqu'à la mort du roi le , sa position n'est pas sans inspirer des haines et des jalousies farouches. En effet, le retour du roi au catholicisme est attribué à sa maîtresse ce qui la rend d'autant plus impopulaire.
En 1684 Louis XIV, à la demande de Charles II qui fait valoir que cette terre avait appartenu à ses ancêtres les Stuarts, la fait duchesse d'Aubigny (Aubigny-sur-Nère, petite cité berrichonne en Sologne) et pair de France. Cette même année, elle fait l'acquisition du château de Trémazan (Finistère), auquel elle joint les terres de Keroual. Elle possède aussi un château à Évry dit « château du Mousseau », détruit en 1860.
Après avoir résidé au château de La Verrerie, « la bonne Dame d'Aubigny », comme l'appelaient les habitants, meurt à Paris, rue des Saints-Pères, le , ayant perdu une partie de sa fortune.
Le petit-fils de Louise, duc de Richmond, créa en 1735, soit l'année suivant la mort de sa grand-mère, la célèbre loge maçonnique d'Aubigny où furent initiés le duc d'Antin et Montesquieu. C'est une des premières loges maçonniques créées en France.
D'après Jean-René Roy, Louise de Keroual aurait attiré l'attention de Charles II sur les travaux et les instruments de l'observatoire royal de Paris, visant à une mesure plus fiable de la longitude pour la navigation en haute mer. Cette information auraient conduit le roi d’Angleterre à consulter les scientifiques et astronomes anglais pour engager la construction de l'Observatoire royal de Greenwich[4].
« Les paniers apportés par une anglaise à Paris furent inventés à Londres, on sait pourquoi, par une Française, la fameuse duchesse de Portsmouth ; on commença par s'en moquer si bien que la première anglaise qui parut aux Tuileries faillit être écrasée par la foule ; mais ils furent adoptés[5]. »
↑Le nom de Keroual a été orthographié sous de nombreuses formes : Keroual, Kéroual, Keroualle, Keroualze, Querouailles, Querouvaille, etc. C'est la première forme qui est maintenant généralement retenue. La forme « Kérouaille » est usitée en anglais.
↑Elle serait cependant devenue sa maîtresse selon Michel Vergé-Franceschi dans Le masque de fer, Fayard 2009 p.213-217
Jean-Loup Avril, Mille Bretons, dictionnaire biographique, p. 228-229, Les Portes du large, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2002, (ISBN2-914612-10-9).
Emmanuel Salmon-Legagneur, Les Noms qui ont fait l'histoire de Bretagne, p. 206, Coop Breizh/Institut culturel de Bretagne, 1997, (ISBN2-84346-032-8 et 2-86822-071-1).