La liste des souverains de Moldavie va de la première mention jusqu'à l'unification avec la Valachie en 1859. La monarchie étant élective dans les principautés roumaines (comme en Hongrie et Pologne voisines), le prince (voïvode, hospodar ou domnitor selon les époques et les sources) était élu par et parmi les boyards et, pour être nommé, régner et se maintenir, s'appuyait fréquemment sur les puissances voisines, hongroise, polonaise ou ottomane[1].
Le fait qu'entre 1387 et 1455 la principauté de Moldavie se soit reconnue vassale et alliée de la Pologne ne signifie pas, comme l'affirment par erreur certains auteurs[2], qu'elle soit devenue une province polonaise ou un fief du roi de Pologne. Ces erreurs sont dues d'une part à la confusion sémantique chez certains historiens modernes, entre voïvodie (province, en polonais) et voïvode (prince régnant, en roumain), ou encore entre suzeraineté et souveraineté, et d'autre part à la rétroprojection nationaliste de l'histoire[3]. Les voïvodes suivants ont été alliés et vassaux de la couronne polonaise (mais il y en a encore eu quelques autres après 1455, en alternance et parfois même en concomitance avec la vassalité envers les Ottomans) :
Le fait qu'entre 1455 et 1859 la Principauté de Moldavie se soit reconnue vassale et tributaire de la « Sublime Porte » ottomane ne signifie pas, comme le montrent par erreur beaucoup de cartes historiques, qu'elle soit devenue une province turque et un pays musulman, d'autant plus que durant cette période, elle se reconnut simultanément une seconde fois vassale de la Pologne entre 1597 et 1623. Seuls certains territoires moldaves sont devenus ottomans : en 1484 la Bessarabie alors dénommée Boudjak, au nord des bouches du Danube (ce nom ne désignait alors que les rives du Danube et de la mer Noire), en 1538 la raya de Tigina alors dénommée Bender, et en 1713 la raya de Hotin. Le reste de la Principauté (y compris la partie entre Dniestr et Prut qui sera appelée Bessarabie en 1812, lors de l'annexion russe) a conservé ses propres lois, sa religion orthodoxe, boyards, princes, ministres, armées et autonomie politique (au point de se dresser plus d'une fois contre le Sultan ottoman). Les erreurs cartographiques et historiques sont dues à l'ignorance ou à des simplifications réductrices[4]. Le premier voïvode moldave à avoir accepté la vassalité envers l'Empire ottoman est :
Depuis la fin du XVIIe siècle, l'élection du prince se joue de moins en moins à Jassy et Bucarest auprès du Sfat Domnesc (conseil des boyards), et de plus en plus à Constantinople parmi les Phanariotes et auprès des Ottomans ; elle est aussi de plus en plus coûteuse. Au début du XVIIIe siècle (et jusqu'en 1829), les Phanariotes supplantent les boyards roumains et seront très nombreux à régner sur les deux principautés ; les deux aristocraties s'entremêlent, les Phanariotes se roumanisent, les boyards s'hellénisent. C'est aussi la période où l'Empire russe se rapproche des principautés, commence à se poser en champion de la foi orthodoxe contre l'Empire ottoman, y mène des campagnes militaires et intervient dans la politique des principautés roumaines, qui sont alors influencées par l'esprit des Lumières ; leurs aristocraties et bourgeoisies commencent à devenir francophiles et francophones, phénomène qui culminera au XIXe siècle et perdurera jusqu'au milieu du XXe siècle.
L'occupation russe aura duré 6 ans dans la partie occidentale de la Principauté, à l'ouest du Prut, mais se prolongera durant 105 ans dans la partie orientale de la Principauté, à l'est du Prut, qui forme jusqu'en 1917 le gouvernement de Bessarabie, initialement gouverné par le hospodar Scarlat Sturdza (durant un an) et ses successeurs, selon les lois moldaves et en roumain jusqu'en 1828, puis selon les lois russes et en russe[5].
Le , Alexandru Ion Cuza est élu également souverain de la Valachie et l’union de facto est accomplie. Toutefois, les gouvernements et les parlements des deux pays sont encore séparés. Le est formé le premier gouvernement roumain et, deux jours plus tard, le , les deux parlements fusionnent et choisissent Bucarest comme capitale du nouveau pays. À cette date, la Principauté de Moldavie laisse place aux Principautés unies de Moldavie et de Valachie, embryon de l’État roumain, qui restera vassal et tributaire de l’Empire ottoman pendant encore 16 ans, jusqu’en 1878.
Les offices de la principauté de Moldavie
Au début de l’existence de la principauté (du XIVe siècle au XVIe siècle) le voïvode moldave nommait seul les titulaires des offices, parfois proposés par le Sfat domnesc (conseil des aristocrates). Tous étaient révocables. Beaucoup de titulaires sont intégrés à la noblesse d’épée (boieri mari). Plus tard (à partir du XVIIe siècle) les hospodars mettent les offices civils aux enchères et anoblissent les acheteurs, créant ainsi une noblesse de robe (boieri mici). Dans ces cas, les titulaires gardent l’office à vie, et s’ils n’ont pas eux-mêmes les compétences requises, délèguent le travail à des adjoints (custozi) qui peuvent, eux aussi, être éventuellement anoblis. Les offices moldaves ont évolué avec le temps et étaient principalement les suivants[6] :
Mare-Vistiernic : grand-argentier (ministre des finances) ;
Mare-Vornic (ou Mare-Ban) : premier ministre de la principauté ;
Măscărici : bouffon de la cour, seul autorisé à brocarder, dans certaines limites, le pouvoir et l’église, mais seul à n’avoir aucun espoir d’être anobli ;
Paharnic : échanson (valet particulier du souverain) ;
Pârcălab : gouverneur d’une forteresse, bourgmestre d’une ville ;
Postelnic : ministre des affaires étrangères, chef des clucères ;
↑Le candidat au trône devait ensuite "amortir ses investissements" par sa part sur les taxes et impôts, verser en outre le tribut aux Ottomans, payer ses mercenaires et s'enrichir néanmoins. Pour cela, un règne d'un semestre au moins était nécessaire, mais la "concurrence" était rude, certains princes ne parvenaient pas à se maintenir assez longtemps sur le trône, et devaient ré-essayer. Cela explique le "jeu des chaises musicales" sur les trônes, la brièveté de beaucoup de règnes, les règnes interrompus et repris, et parfois les règnes à plusieurs (co-princes). Quant au gouvernement, il était assuré par les ministres et par le Sfat domnesc (conseil des boyards). Selon l'historien Mircea Petrescu-Dîmbovița (Istoria Românilor - « Histoire des Roumains », vol. 1 : Moștenirea timpurilor îndepărtate - « L'héritage des temps anciens », éd. Enciclopedică, Bucarest 2001, 865 p., (ISBN9789734503810) ou (ISBN9734503812)) le souverain des principautés roumaines, états États orthodoxes, n'était pas oint et « sacré » comme les souverains catholiques héréditaires d'Occident et, étant choisi par des hommes, ses pairs, ne régnait pas à vie « au nom et par la volonté » de Dieu, mais était aspergé et « béni » comme les empereurs byzantins pour gouverner durant un temps limité (en moyenne deux ans, à de rares exceptions près) en tant que « servant / esclave » de Dieu (« Рѡбȣ лȣ Дȣмнєѕєȣ »).
↑L'expression « rétroprojection nationaliste », du Pr. Jean Ravenstein de l'Université de Marseille, désigne la tendance historiographique moderne à projeter dans le passé les nations modernes, comme si elles s'étaient constituées dès le Moyen Âge ou l'Antiquité.
↑Voir Gilles Veinstein et Mihnea Berindei : L'Empire ottoman et les pays roumains, EHESS, Paris, 1987.
↑K. Heitmann, Moldauisch in Holtus, G., Metzeltin, M. și Schmitt, C. (eds), Lexicon der Romanschinen Linguistik, Tübingen 1989, vol 3, pp.508-21.
↑Nicolae Iorga, Histoire des Roumains et de la romanité orientale, Université de Bucarest, 1945