Elle passa sa jeunesse à Prague où sa mère, Maria-Theresia Lehmann née Löw, amie d'enfance de Richard Wagner, cantatrice et harpiste, lui enseigna le chant. Son père Karl-August Lehmann est un ténor, et sa plus jeune sœur, Marie sera également cantatrice.
Elle débute en 1865[3] dans le rôle d'un des trois garçons de La Flûte enchantée de Mozart, avant d'interpréter Pamina puis, par la suite, la Reine de la nuit. Ensuite, elle se produit dans les villes de Dantzig, Leipzig puis à l'Opéra d'État de Berlin où elle chante Marguerite dans Les Huguenots de Meyerbeer en 1869 ; elle est un peu plus tard engagée par l'Opéra, où elle a remporté d'énormes succès. Elle est d'abord une « soprano d'agilité », une colorature puis, grâce à un travail acharné, elle réussit à transformer sa voix en puissance et en ampleur.
Le , elle débute au Metropolitan Opera de New York - en rupture avec une loi prussienne qui lui vaut une amende considérable et un bannissement des scènes allemandes jusqu'en 1891 -, dans le rôle-titre d'une version en allemand de Carmen. Le lendemain, le New-York Times souligne : « The audience was quick to recognize Fräulein Lehmann's excellences ». Elle rompt son contrat avec l'Opéra de Berlin. Elle traversera dix-huit fois l'Atlantique au cours de sa carrière et y chanta le répertoire le plus étendu qui ait jamais existé.
En 1886, Cosima Wagner l'invite à Bayreuth pour chanter Brangäne dans Tristan und Isolde, ce que Lehmann refuse[5]. Les relations entre les deux femmes se dégradent.
À l'âge de soixante-deux ans, elle renonce à la scène pour se limiter au concert et se concentrer sur l'enseignement, notamment aux États-Unis (Geraldine Farrar et Olive Fremstad sont ses élèves). Elle enregistre encore quelques disques malgré le déclin de sa voix.
Entre 1901 et 1910, elle tente d'implanter un festival à Salzbourg et y fait jouer Don Giovanni de Mozart[2], où elle chante Donna Anna, et La Flûte enchantée. Elle assume la direction artistique de l'entreprise et devient l'un des plus fermes soutiens du Mozarteum.
Sa vie privée fut calme. Elle se marie en 1888 avec le ténor Paul Kalisch et, par la suite, s'en sépare car elle était trop indépendante pour supporter les contraintes de la vie conjugale. Elle était végétarienne, amie et protectrice des animaux, s'engageant dans la lutte contre la vivisection.
Reynaldo Hahn disait d'elle qu'elle était « la plus grande technicienne vocale qui ait jamais existé[6] », avec un immense répertoire (170 rôles dans 119 opéras différents). Elle meurt à Vienne le . Une de ses dernières paroles fut : « Pourquoi n'ai-je plus de temps pour apprendre… L'art est trop difficile et la vie trop courte ».
Bibliographie
Lilli Lehmann (trad. de l'allemand par Maurice Chassang), Mon art du chant [« Meine Gesangkunst »], Paris, Rouart, Lerolle (1re éd. originelle en allemand publiée en 1902 à Berlin (OCLC475009685) et rééditée en 1922 chez Bote & G. Bock (OCLC924357101) ; première traduction initiale en français d’Edith Naegely en 1909 (OCLC718719098) et, la même année, en anglais, par Richard Aldrich sous le titre How to sing (OCLC938924776) puis, en 1922, sous une nouvelle traduction en français effectuée cette fois-ci par Maurice Chassang (OCLC17704389) avec mise à jour considérablement supplémentée en 1960 (BNF41099870)), traduction issue de la troisième édition de la version originale allemande publiée en 1922 avec un contenu revu, augmenté et refondu de fond en comble par l’auteur (BNF41099870), lire en ligne : → [pdf de la version de 1909] → [version française de 1922] → [3e édition originale en allemand de 1922]
« ... et même son mari, Paul Kalisch, d’avance et à jamais éclipsé, quoique ténor, par l’impérieux éclat de l'arrogante vestale du chant mondial, celle en qui Reynaldo Hahn reconnaissait « la plus grande technicienne vocale qui ait jamais existé ». Il se gardait bien de dire : la plus belle voix. Assurément la voix de Lilli fut quelconque. »