La Ligue communiste est un parti trotskiste français créé en 1930, qui publiait le journal La Vérité. Elle rassembla les membres de l'Opposition de gauche (trotskiste) avant la proclamation de la IVe Internationale. Après les émeutes d’extrême droite du 6 février 1934, elle adhéra en tant que tendance organisée au sein de la SFIO, y formant le "groupe bolchévique-léniniste" (BL), exclu lors du Congrès de Mulhouse de la SFIO (). Pendant cette période, la Ligue communiste continuait officiellement à exister, tout en étant mise en sommeil. Après l'exclusion de la SFIO, la majorité des membres (Pierre Naville, etc.) rejoignent le Parti ouvrier internationaliste (POI), créé en 1936, tandis que certains rejoignent, autour de Raymond Molinier et Pierre Frank, le Parti communiste internationaliste (Raymond Molinier) (PCI).
Historique
Création
Créée en en tant que tendance interne, et secrète, au sein du PCF, la ligue communiste s'organise autour de la revue La Vérité, fondée en et dirigée par Alfred Rosmer. Celui-ci est chargé par Trotski lui-même, qui vient d'être expulsé d'URSS, d'unifier les deux tendances rivales du trotskisme français, séparées principalement pour des raisons de personnes[1], entre le groupe des surréalistes de Pierre Naville et Gérard Rosenthal d'un côté, et celui de Raymond Molinier et Pierre Frank de l'autre[1].
À partir de 1932, la Ligue communiste commence à recruter, profitant de la ligne « classe contre classe » suivie par le PCF dans un contexte de montée du fascisme[1]. Trotski lui-même parvient à obtenir un visa pour entrer en France après l'élection du Cartel des gauches[1].
Parallèlement, Pierre Franck, Gérard Rosenthal et Yvan Craipeau représentent la Ligue communiste lors de la première rencontre officielle avec des membres de la SFIO, dont en particulier Marceau Pivert[1]. Ce dernier créé les TPPS (« Toujours Prêts Pour Servir »), le service d'ordre de la SFIO, animé par Serge Tchakhotine et dans lequel entrent plusieurs trotskistes, dont Marcel Bleibtreu[1]. Raymond Molinier intègre la direction des TPPS, dans lesquels de nombreux trotskystes sont recrutés[2].
Dirigée par Raymond Molinier et Pierre Franck, une petite majorité suit en effet les directives de Trotsky, intégrant la SFIO en y formant le "groupe bolchévique-léniniste" (BL)[2]. Une minorité, autour de Pierre Naville et Gérard Rosenthal, n'adhère qu'individuellement à la section locale de la SFIO, continuant à publier Lutte de classes[2]. La Ligue communiste elle-même, sans être officiellement dissoute, est réduite à un secrétariat chargé des liaisons avec les autres ligues communistes à l'étranger afin de préparer la fondation de la Quatrième Internationale[2]. D'autres, comme le futur historien de l'anarchisme Jean Maitron, préfèrent même retourner au PCF en 1935 plutôt que d'avaliser cette tactique[3].
En , après les grèves insurrectionnelles de Toulon et Brest (5 morts, 300 blessés[4]), Trotski décide qu'il est temps d'abandonner l'entrisme pour s'« orienter dans la pratique vers le parti révolutionnaire dans les plus brefs délais » [5]. Il s'agit donc, désormais, de créer un parti autonome, puisque la SFIO s'est écarté du Front uni pour préférer le Front populaire, incluant les « rad-soc ». Proche de Marceau Pivert peu de temps auparavant (en ), il écrit désormais, en :
« Si la direction du Front populaire (…) parvient à se maintenir, alors le régime bonapartiste cédera inévitablement sa place au fascisme! La condition de la victoire du prolétariat est la liquidation de la direction actuelle. Le mot d'ordre de l'"unité" devient, dans ces conditions, non seulement une bêtise, mais un crime. Aucune unité avec les agents de l'impérialisme français et de la Société des Nations! A leur direction perfide, il faut opposer les comités d'action révolutionnaire. On ne peut construire ces comités qu'en démasquant impitoyablement la politique antirévolutionnaire de la prétendue "gauche révolutionnaire", Marceau Pivert en tête[6] »
Pierre Naville organise la sortie du "groupe des bolchévique-léninistes" de la SFIO, et obtient, le , l'exclusion de Raymond Molinier et de ses camarades pour « centrisme », « travail fractionnel » et « malversations financières » [4]. Il fusionne La Vérité et Lutte de classes dans Lutte ouvrière (différent de l'organe de l'Union communiste dont Arlette Laguiller sera la porte-parole la plus connue)[4] et crée le Parti ouvrier révolutionnaire (POR)[7].
Raymond Molinier et Pierre Frank rechignent à admettre cette nouvelle ligne et, avec l'intercession de Marceau Pivert et de Fred Zeller auprès de Léon Blum, tentent d'obtenir le droit d'adhérer individuellement à la SFIO. Celui-ci leur est toutefois refusé[4], et ils décident alors de créer des GAR (« Groupes d'action révolutionnaire ») dans chaque quartier[4], lançant par ailleurs un journal, La Commune[4].
Après les grèves de qui suivent l'accession au pouvoir du Front populaire, Trotski tente d'obtenir l'unification de ces trois groupuscules: le POR de Pierre Naville, les GAR de Raymond Molinier et Pierre Frank et les JSR de Yvan Craipeau[7]. Finalement, le POR et les GAR acceptent de se dissoudre dans le Parti ouvrier internationaliste (POI), les journaux rivaux, "La Commune" et le "Lutte ouvrière" (différent de LO, cf plus haut) fusionnant dans Lutte ouvrière[7]. Les JSR participent également à la fusion, tout en conservant leur autonomie et leur journal ("Révolution")[7].
Pendant ce temps, le secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, stigmatise le Parti ouvrier internationaliste (POI), seul à recevoir encore l'agrément de Trotski, dans son célèbre discours, « Il faut savoir terminer une grève », qui critique les « agitateurs et provocateurs trotskistes »[7].
Archives Jean-René Chauvin, au centre d'histoire sociale du XXe siècle. Ces archives comprennent de très nombreuses publications trotskystes, internes et externes, pour la période 1938-1948. Le fonds comprend aussi de nombreuses fiches biographiques de militants trotskystes (notamment victimes du nazisme ou du stalinisme) et une correspondance conséquente entre militants trotskystes.