Il entre comme journaliste à la revue culturelle Caiman Barbudo dont il sera expulsé en 1983 puis participe au supplément dominical du journal Juventud Rebelde et signe des critiques littéraires, ainsi que des articles de fond. En parallèle, et « à l'écart de tout activisme politique, il écrit des scénarios pour le cinéma »[1], notamment pour un documentaire sur la salsa. Jusqu'en 1995, il est rédacteur en chef de La Gazeta de Cuba.
« Ce que je fis alors fut d'écrire mes reportages comme si j'écrivais des récits, c'est-à-dire, dans une langue qui ne soit pas fonctionnelle, mais conceptuelle, plus littéraire, en utilisant des structures formelles peu courantes en journalisme, en créant des personnages (y compris de fiction car j'ai moi-même réussi à interviewer un mort) et remplaçant les manques d'information par des espaces imaginaires[2]. »
Il amorce sa carrière de romancier en 1988 et devient l'auteur d'une série policière ayant pour héros le lieutenant-enquêteur Mario Conde.
« Scénariste pour le cinéma, essayiste, nouvelliste, Leonardo Padura a trouvé avec le roman noir un genre tout indiqué pour distiller une vraie réflexion sur "ce pays si chaud et hétérodoxe où il n'y a jamais rien eu de pur", selon la formule de son impayable Mario Conde - un flic hétérosexuel macho-stalinien, alcoolo et désabusé, vengeur des petits et des faibles, qui déboule en 1991 dans Passé parfait. "Leonardo nous a ouvert la porte", estime son ami le journaliste et écrivain Amir Valle, né en 1967. "Il nous a fait comprendre que nous pouvions écrire sur des questions quotidiennes taboues, avec honnêteté, sans verser dans le racolage"[3]. »
Mario Conde, célibataire, d'abord au milieu de la trentaine dans les premiers romans, puis quadragénaire, évolue donc dans des récits subtilement agencés, afin de contourner la censure, où les « enquêtes criminelles sont autant de prétextes à lever le voile sur la société cubaine et ses faux-semblants[4]. » Ainsi, dans Électre à La Havane (Máscaras, 1997), il rend visite à un metteur en scène homosexuel qui lui permet de résoudre l'énigme du cadavre d'un homme portant une robe découvert dans un bois. Dans L'Automne à Cuba (1998), Mario Conde démissionne de la police et mène une enquête littéraire dans Adiós Hemingway (2001), concernant le passé de l'auteur américain Ernest Hemingway auquel il voue une grande admiration. Tous les titres de cette série policière sont traduits en France aux éditions Métailié.
En 2011, Padura obtient la « citoyenneté »[5],[6] espagnole mais il continue à vivre à La Havane où il reste quasiment anonyme, car la télévision et la radio, sous le contrôle de l'État, l'invitent peu en dépit de son succès sur l'ile et à l’international[7],[8]. Lorsqu'on lui demande pourquoi il est resté à Cuba, alors que ses livres sont si critiques avec le régime, il répond :
« La réponse la plus courte, c’est que j’ai besoin de Cuba pour écrire : ma littérature est complètement cubaine. J’ai la nationalité espagnole depuis dix ans, et je pourrais donc vivre en Espagne. Quand on me dit que j’ai une double nationalité, je dis non : j’ai deux citoyennetés, mais ma seule nationalité, c’est Cuba[6]. »
Il obtient en 2020 la plus haute distinction littéraire cubaine[8]. À la suite des manifestations anti-gouvernementales du 11 juillet 2021, il indique qu'il s'agit d'« un cri de désespoir » auquel les autorités cubaines doivent « donner une réponse matérielle, mais aussi politique »[9].
Œuvre
Romans
Série Mario Conde
Les quatre premier volumes font partie du Cycle Les Quatre Saisons :
Pasado perfecto (1991) - Prix des Amériques insulaires 2002
Publié en français sous le titre Passé parfait, traduit par Caroline Lepage, Paris, éditions Métailié, 2000 ; réédition, Paris, Métailié, coll. « Suites noir » no 121, 2006 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P1942, 2008 (ISBN978-2-7578-0938-9)
Vientos de cuaresma (1994)
Publié en français sous le titre Vents de carême, traduit par François Gaudry, Paris, éditions Métailié, coll. « Suite hispano-américaine » no 122, 2006 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P2060, 2009 (ISBN978-2-7578-1000-2)
Máscaras (1997) - Prix Café Gijon 1995, Prix Hammet 1998
Publié en français sous le titre Électre à La Havane, traduit par Mara Hernández et René Solis, Paris, éditions Métailié, 1998 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P1495, 2006 (ISBN2-7578-0024-8)
Paisaje de otoño (1998) - Prix Hammet 1999
Publié en français sous le titre L'Automne à Cuba, traduit par Mara Hernández et René Solis, Paris, éditions Métailié, 1999 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P1583, 2006 (ISBN978-2-7578-1163-4)
La cola de la serpiente (2000)
Publié en français sous le titre Mort d'un chinois à La Havane, traduit par René Solis, Paris, éditions Métailié, 2001 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P2277, 2009 (ISBN978-2-7578-1163-4)
Adiós Hemingway (2001)
Publié en français sous le titre Adiós Hemingway, traduit par René Solis, Paris, éditions Métailié, coll. « Suite hispano-américaine » no 98, 2004 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P1662, 2007 (ISBN978-2-7578-0354-7)
La neblina del ayer (2005)
Publié en français sous le titre Les Brumes du passé, traduit par Elena Zayas, Paris, éditions Métailié, 2006 ; réédition, Paris, Métailié, coll. « Suite hispano-américaine » no 151, 2009 ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P2530, 2011 (ISBN978-2-7578-2183-1)
Herejes (2013)
Publié en français sous le titre Hérétiques, traduit par Elena Zayas, Paris, éditions Métailié, 2013 ; réédition, Paris, Points, coll. « Grands Romans » no P4243, 2016 (ISBN978-2-7578-5697-0)
La transparencia del tiempo (2018)
Publié en français sous le titre La Transparence du temps, traduit Elena Zayas, Paris, éditions Métailié, 2019 (ISBN979-10-226-0832-9) ; réédition, Paris, Points, coll. « Grands Romans » no P5196, 2020 (ISBN978-2-7578-8103-3)
Personas decentes (2022)
Publié en français sous le titre Ouragans tropicaux, traduit par René Solis, Paris, éditions Métailié, 2023 (ISBN979-10-226-1294-4)
Autres romans
Fiebre de caballos (1988)
La novela de mi vida (2002), roman policier historique ayant pour héros le poète José María Heredia
Publié en français sous le titre Le Palmier et l'Étoile, traduit par Elena Zayas, Paris, éditions Métailié, 2003 ; réédition, Paris, Métailié, coll. « Suite hispano-américaine » no 143, 2009 (ISBN979-10-226-0114-6)
El hombre que amaba a los perros (2009), un récit-roman de la vie de Ramón Mercader, l'assassin de Léon Trotski, de ses débuts pendant la guerre d'Espagne à ses dernières années à La Havane, vu par un écrivain cubain (illustration couverture Moises Finalé)
Publié en français sous le titre L'Homme qui aimait les chiens, traduit par Elena Zayas et René Solis, Paris, éditions Métailié, 2011 ; réédition, Paris, Points, coll. « Grands romans », 2014 (ISBN978-2-7578-2657-7)
Poussière dans le vent[6], portraits croisés de huit amis soudés depuis la fin du lycée et confrontés aux transformations du monde et de leurs conséquences sur la vie à Cuba ; Paris, éditions Métailié, 2021
Recueil de nouvelles
Aquello estaba deseando ocurrir (2016)
Publié en français sous le titre Ce qui désirait arriver, traduit par Elena Zayas, Paris, éditions Métailié, 2016 (ISBN979-10-226-0495-6) ; réédition, Paris, Points coll. « Policier » no P4579, 2017 (ISBN978-2-7578-6623-8)
2012 : Sept Jours à La Havane, film à sketchs franco-espagnol, segment El Yuma réalisé par Benicio del Toro ; segment La tentación de Cecilia réalisé par Julio Medem ; segment Dulce amargo réalisé par Juan Carlos Tabío ; Leonardo Padura signe seul ou en collaboration les scénarios des trois segments précédemment cités
2016 : Vientos de la Habana, film cubano-espagnol réalisé par Félix Viscarret, adaptation du roman Vents de carême (Vientos de cuaresma), avec Jorge Perugorría dans le rôle de l'enquêteur Mario Conde. Il s'agit de la version cinématographique d'un épisode de la série téléviséeCuatro estaciones en La Habana (voir infra)
La Femelle du Requin, no 37 () : Dossier critique, entretien et inédits de Leonardo Padura
Gimbert, Anne. Du Roman policier au roman historique : la Révolution trahie dans l'oeuvre de Leonardo Padura in Résistances voix citoyennes en marge des institutions politiques, Editions Cénomane, Le Mans, 2014