Avraham Scherman, conseiller culturel à l'ambassade parisienne de l'État israélien, demande en 1967 au chanteur Serge Gainsbourg, alors peu connu, de composer une marche militaire nouvelle destinée à remonter le moral des soldats de Tsahal[2], à la veille pressentie de violents combats.
Au début du mois de juin 1967, Serge Gainsbourg écrit la chanson en français, puis la traduit en hébreu. Dans la nuit du 6 au 7 juin 1967, il enregistre la maquette en français en moins de deux minute, avec un accompagnement mélodique d'orgue électrique[2]. La traduction en hébreu n’est alors pas enregistrée.
Confiée à la navette diplomatique de l'ambassade israélienne, la bande magnétique du morceau prend l'avion pour Tel-Aviv[2], où elle atterrit durant la Guerre des Six Jours. Au lendemain de la victoire israélienne, la chanson est diffusée, en français, sur la radio Kol Israel[1]. Après ce conflit armé éclair, l'enregistrement reste dans les archives de Kol Israel, et la chanson est dès lors oubliée durant trente-cinq ans[2].
Ainsi, en 2002, le collectionneur Jean-Gabriel Le Nouvel, qui en connait l'existence, effectue des recherches très approfondies durant plusieurs mois pour localiser la précieuse bande et l'exhume des archives[1]. La version initiale restaurée fait l'objet d'une radiodiffusion en exclusivité par les studios de la RCJ en 2002[1],[3]. Puis, le label Kol Record se charge d'assurer la production et l'enregistrement de l'adaptation inédite du titre en hébreu, titrée Al Holot Israel, et interprétée par la chorale de Tsahal[1],[4], nommée Leakat Magav.
Thème
Les paroles de la chanson, sionistes et guerrières, tranchent avec le répertoire habituel de l'auteur. Elles comportent de nombreuses références à la culture juive : David, Goliath...
Elles étonneront beaucoup de monde lors de sa première diffusion et le magazine Tribune juive, écrira dans son article : « […] Et pourtant, Gainsbourg n'était pas attaché à Israël. D'ailleurs, il n'y a jamais mis les pieds. Et lorsqu'il parlait de ses racines, il préférait évoquer la Russie de ses parents. Peut-être avoue-t-il dans cette chanson ce qu'il n'a jamais osé dire ? […] Personne ne se doutait que Gainsbourg, même s'il ne s'est jamais caché d'être juif « Je suis né sous une bonne étoile... jaune », disait-il, aurait écrit une chanson si engagée pour le jeune État d'Israël à l'issue de la guerre des 6 jours et de la libération de Jérusalem… »[2]
De son vivant, Gainsbourg a très peu parlé d’Israël, et parfois de façon contradictoire. Le 3 novembre 1982, lorsque Noël Simsolo invita Gainsbourg sur France Culture dans “Une journée avec Serge Gainsbourg” diffusée le même jour, ce dernier dit : "Me battre pour mes origines juives ? Pourquoi pas, mais je ne vois pas où… moi, je suis un ashkénaze, je ne suis pas un mec d’Israël."[1]
Pourtant, interviewé par Patrick Bouchitey en 1981 sur Carbone 14, il avait déclaré, à propos de cette chanson, avoir failli aller en Israël pour se faire tuer : « Tu serais vraiment aller te battre ? — Oui, si ça tournait mal... Non, pas me battre, me faire tuer ! Oui, d'instinct, de par mes racines. »[5]