Le Bassin de baignade est l'un des six tableaux que Charles Philippe, comte d'Artois (1757–1836) commanda à Hubert Robert en 1777. Les peintures étaient destinées à la salle de bain du château de Bagatelle[1]. Les six tableaux représentent des lieux généralement italiens. Le Bassin de baignade, daté de 1777-1780, a été réalisé pour servir de pendant à Un coin de la cour du Capitole[2].
Sujet et composition
La scène représente un temple forestier ouvert avec une ancienne statue de Vénus en son centre. Le bâtiment en ruine est flanqué d'arbres et possède un escalier menant à un bassin, où l'eau coule de quatre fontaines. Les fontaines les plus latérales sont ornées de statues : à gauche celle d'une Vénus assise, et à droite celle de Mercure attachant ses sandales. Un groupe de six femmes vêtues de vêtements du XVIIIe siècle se tient en haut des escaliers. En bas à gauche, à côté de la statue de Vénus, une femme assise s'essuie les pieds devant une servante. Dans la piscine, deux femmes nues jouent dans l'eau peu profonde[1].
Le tableau dépeint un lieu imaginaire avec des visiteurs contemporains. Il présente des éléments résolument modernes, tels que des capes et des capuches françaises du XVIIIe siècle, une femme pointant une statue comme une touriste et une paire de chaussures roses modernes appartenant à un baigneur. Les allusions contemporaines rendent la nudité atypique ; les peintures du XVIIIe siècle restreignaient normalement la nudité aux sujets mythologiques et allégoriques[5].
Dans son livre Logics of Worlds de 2006, le philosophe post-marxisteAlain Badiou a analysé la peinture comme un exemple de la façon dont « l'assemblage pictural » consiste fondamentalement à « distribuer des identités et des différences »[6]. Il considérait la composition du temple, des femmes, des statues et de l'eau comme « un subtil réseau transcendantal d'identités », exalté par des « différences figuratives », qui placent la peinture dans le genre du néo-classicisme[7] ; Badiou a conclu que « le monde » de la peinture est la jonction entre l'érotisme du XVIIIe siècle et le préromantisme[8]. Enfin, il a utilisé les correspondances entre les statues et les groupes de femmes, et le feuillage à gauche et la clairière en bas à gauche, pour faire valoir que l'existence n'est qu'une catégorie d'évènements observables[9].
Provenance
Les six tableaux restèrent au château de Bagatelle jusqu'en 1808, date à laquelle l'Administration des Domaines de Napoléon Ier les vendit aux enchères à Jacques-Nicolas Brunot. Brunot les vendit à Pierre Justin Armand Verdier, comte de Flaux. Ils sont restés au château de Flaux jusqu'en 1910-1911, date à laquelle John Pierpont Morgan les rachète par l'intermédiaire de Maurice de Verneuil. Ils ont été prêtés par Morgan au Metropolitan Museum of Art à partir de mai 1912 et offerts au musée par la succession de Morgan en 1917[1]. Ils faisaient partie de l'exposition Œuvres d'Hubert Robert à la Galerie Thos à Paris du 12 au , prêtés par Morgan[4].
Voir également
La Bouche d'une grotte, l'un des autres tableaux de l'ensemble (également conservé au Metropolitan Museum of Art).
Baillio, « Hubert Robert's Decorations for the Château de Bagatelle », Metropolitan Museum Journal, vol. 27, , p. 149–182 (ISSN0077-8958, DOI10.2307/1512941, JSTOR1512941)
Baillio, « Addendum to 'Hubert Robert's Decorations for the Château de Bagatelle' », Metropolitan Museum Journal, vol. 30, , p. 103 (ISSN0077-8958, DOI10.2307/1512954, JSTOR1512954)