La principale source sur laquelle s'appuie Carpaccio est une Passio selon laquelle la chrétienne Ursule de Cologne, fille du roi de Bretagne, accepta d'épouser un jeune prince anglais païen, à la condition qu'il se convertît et partît avec elle en pèlerinage à travers l'Europe. Les deux furent unis par le mariage à Rome célébré par le pape Cyriaque, qui les suivit avec quelques prélats lors du voyage de retour, au cours duquel ils débarquèrent à Cologne occupée par les Huns de Attila. Les barbares tuent Ursule, son époux, le Pape et les 11 000 vierges qui avaient accompagné la princesse.
Les épisodes décrits par l'artiste sont : l'arrivée des ambassadeurs du prince païen d'Angleterre à la cour du roi chrétien de Bretagne pour demander la main de sa fille Ursule ; les conditions dictées par Ursule pour accepter le mariage ; le retour des ambassadeurs en Angleterre ; les adieux et le départ pour le pèlerinage voulu par Ursule; la rencontre avec le pape Cyriaque à Rome et le mariage ; le rêve dans lequel Ursule reçoit l'annonce du martyre prochain ; le retour à Cologne occupée par les Huns ; le massacre des pèlerins et les funérailles de la princesse ; l'apothéose de la sainte, sur la multitude des martyrs.
La Passio, qui reprend des événements réels, contient des éléments narratifs peu plausibles: tout d'abord, il n'a jamais existé de pape nommé Cyriaque, bien qu'il soit possible que ce soit Siricius, qui n'est pas mort martyr. Le mari de la sainte, identifiable à Conan Meriadoc - souverain britannique converti au christianisme par amour - après la célébration de leur mariage et la naissance d'un fils (l'enfant est absent dans tous les textes hagiographiques, puisque la sainte y meurt vierge) retourna avec le nouveau-né dans son royaume, sans donc connaître une fin violente[1]. Le nombre exact des compagnes vierges de la princesse n'est pas connu. Il était certainement bien inférieur à onze mille (le malentendu provient soit d'une erreur de transcription d'une mention indiquant le "martyre d'Ursule et de ses compagnes ad undecim milia", soit d'un endroit situé à onze milles de la ville de Cologne). Quant au roi Hun, il est impossible que ce fut Attila, étant donné qu'il est né en 395, l'année même de la mort de Conan. Le massacre des vierges n'aurait apparemment pas eu lieu uniquement à Cologne : certaines femmes auraient été tuées auparavant lors de leurs déplacements d'un royaume à l'autre, à l'époque où Conan travaillait à peupler son territoire en accord avec Dionotus, le père d'Ursule, qui lui avait envoyé un total de 72 000 vierges.
En comparant les premières œuvres aux dernières, la maturation artistique rapide de Carpaccio est surprenante, car il a surmonté rapidement tous les obstacles de la jeunesse pour arriver, avec un instinct figuratif sûr, à des objectifs poétiques qui pourraient rivaliser avec Giovanni Bellini. En fait, dans les premiers tableaux, il y a des incertitudes dans la composition en perspective et dans l'orchestration de la scène, où manque un centre narratif focal. Dans les œuvres ultérieures les compositions sont disposées avec assurance dans de grands panoramas, avec de profonds raccourcis et des carrés en perspective. Les protagonistes, dénués de fortes significations sentimentales même dans les scènes les plus dramatiques, sont comme suspendus dans un rythme lent et magique, comme sur la scène d'un théâtre imaginaire. La lumière et la couleur relient les éléments les plus disparates, du plus éloigné au plus proche au premier plan, permettant au peintre de se concentrer sur des détails minutieux, qui enquêtent sur des détails de l'architecture, des costumes, des cérémonies officielles, ainsi que de la vie quotidienne, souvent représentés avec beaucoup d'attention. S'y trouve de nombreux portraits de personnages réels, notamment des membres de la famille Loredan, les principaux financiers du cycle. Le matériau pictural est extrêmement précieux et concret, avec des notes indéniablement locales, dans les vues qui rappellent Venise.